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Le plaignant peut utiliser les pièces du dossier de l’Autorité de la concurrence dans une procédure indemnitaire

Article Droit de la concurrence, consommation et distribution Contrats commerciaux et internationaux | 26/11/13 | 3 min. | Renaud Christol

L’arrêt rendu le 20 novembre 2013 par la Cour d’appel de Paris (« la Cour ») dans l’affaire Ma liste de courses confirme que le plaignant peut utiliser les pièces du dossier de l’Autorité de la concurrence (« l’ADLC ») dans le cadre d’une procédure indemnitaire qu’il a initiée.

Le développement (actuel et futur avec les actions de groupe) des actions en réparation de préjudices concurrentiels à la suite de décisions de l’ADLC met en lumière l’importance du contenu du dossier de cette autorité pour les demandeurs à de telles actions et, par conséquent, rend centrale la question de l’accès à ce dossier et de la production de tout ou partie des pièces qu’il contient lors des débats devant la juridiction indemnitaire. Or ces documents ne pouvaient être divulgués sans commettre une infraction pénale. Les demandeurs aux actions en réparation ont donc multiplié les sollicitations judiciaires afin d’obtenir de l’ADLC, par l’intermédiaire de la juridiction indemnitaire saisie, la transmission des documents issus de la procédure qui s’était déroulée devant elle.

La Cour de cassation et le Tribunal de commerce de Paris (« le Tribunal ») ont considéré qu’une telle demande était légitime et qu’il convenait d’y faire droit dès lors que les pièces en question étaient « nécessaires à l’exercice [des] droits » de la demanderesse, que celle-ci ait ou non été partie à la procédure devant l’ADLC. Le Tribunal a ainsi enjoint à l’ADLC de communiquer certaines pièces qui figuraient dans son dossier. Il existait un risque sérieux que de tels jugements se multiplient et que l’ADLC se trouve face à un flot ininterrompu d’injonctions.

La loi n°2012-1270 du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux outre-mer a supprimé ce risque. Désormais, l’ADLC dispose de la faculté de transmettre les documents demandés par une juridiction et elle n’a pas à justifier un éventuel refus qui s’impose à la juridiction. En outre, la demande est circonscrite aux pièces « qui ne sont pas déjà à la disposition d’une partie à l’instance ». Outre la diminution sensible de la charge matérielle que de telles communications auraient pu faire peser sur l’ADLC, cette dernière disposition ouvrirait une exception dans la protection pénale du contenu du dossier de l’ADLC au bénéfice des parties à la procédure devant cette dernière. Ces parties pourraient effectivement verser aux débats indemnitaires toute pièce du dossier de l’ADLC, à la condition bien sûr que cette pièce soit « nécessaire à l’exercice [de leurs] droits ».

Un an après la publication de la loi, La Cour vient de confirmer cette possibilité.

La société Ma liste de courses avait introduit devant le Tribunal une action en réparation du préjudice subi du fait de prétendues pratiques anticoncurrentielles qu’elle avait dénoncées par ailleurs à l’ADLC.Afin, d’une part, de déterminer si les agissements reprochés constituaient des pratiques anticoncurrentielles et, d’autre part, de quantifier le préjudice subi du fait de ces agissements, Ma Liste de courses avait demandé au Tribunal d’enjoindre à l’ADLC la transmission des pièces de la procédure qui s’était déroulée devant elle. Le Tribunal avait, le 24 août 2011, enjoint à l’ADLC de communiquer les pièces. L’ADLC s’y était opposée par une demande de rétraction qui lui a été refusée le 16 mars 2012. Elle avait interjeté appel de ce refus. L’ADLC soulignait notamment que le plaignant pouvait tout à fait communiquer les pièces lui-même dans la mesure où il en avait eu connaissance lors de la consultation du dossier, appliquant ainsi la nouvelle rédaction de l’article L.462-3 du code de commerce.

La Cour infirme le jugement du Tribunal du 16 mars 2012 et rétracte celui du 24 août 2011. Elle estime que l’ADLC n’était pas tenue de communiquer les pièces en question. Elle ajoute qu’une telle communication aurait conduit à une violation du secret professionnel par les agents de l’ADLC. En revanche, pour la Cour, Ma liste de course pouvait légitimement verser ces pièces aux débats, sous réserve de prouver leur nécessité pour l’exercice de ses droits.

En d’autres termes, le plaignant devant l’ADLC peut désormais, sans risque de violation du secret de l’instruction, verser les pièces du dossier de l’ADLC dans le cadre d’une action en réparation qu’il initie, dès lors qu’il démontre que la production de ces pièces est nécessaire à l’exercice de ses droits (condition qui apparaît à ce stade être examinée de manière bienveillante pour les demandeurs).

 

Renaud Christol, Counsel

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