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Loi relative à la consommation : volet B2C, quels changements dans les relations entre professionnels et consommateurs

Article IT et données personnelles Droit de la propriété intellectuelle, média et art Droit de la concurrence, consommation et distribution Contrats commerciaux et internationaux | 19/03/14 | 9 min. | Mahasti Razavi

Après plusieurs mois de débats parlementaires et une revue par le Conseil constitutionnel, la loi relative à la Consommation du 17 mars 2014, dite « Loi Hamon », vient d’être publiée. Cette loi très dense contient une série de mesures extrêmement diversifiées ayant pour objectif affiché de restaurer la confiance des consommateurs.

 

Elle vient transposer en droit français les dispositions de la Directive n° 2011/83/UE du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs.

 

La protection traditionnellement offerte par le droit français au consommateur s’en trouve ainsi considérablement renforcée.

 

À titre liminaire, la nouvelle loi vient enfin inscrire dans le Code de la consommation la définition de « consommateur », qui était restée jusqu’ici très largement jurisprudentielle et donc sujette à incertitude. Désormais, il est clairement indiqué dans la loi, conformément aux dernières évolutions jurisprudentielles et à la Directive de 2011, que le « consommateur » doit s’entendre comme « toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale ».

Ceci étant rappelé, et sans que l’exposé qui suit ne soit exhaustif[1], la nouvelle loi s’articule principalement autour de 5 grands axes :

 

1. Rééquilibrer les pouvoirs entre consommateurs et professionnels

Dans cette perspective, plusieurs mesures phares sont adoptées :

 

- L’introduction très attendue d’une « class action » à la française qui visera les litiges en matière de droit de la consommation mais aussi certains litiges de concurrence.

Ces actions de groupe ne pourront être engagées que par des associations de consommateurs agréées au niveau national et ne pourront viser que la réparation de préjudices matériels, à l’exclusion de tout autre préjudice (moral, corporel, etc.). Voir nos Flashs des 14 et 17 mars 2014 pour plus de détails.

 

- La lutte contre les clauses abusives est renforcée : le juge pourra déclarer qu’une clause jugée abusive dans un contrat doit être réputée non écrite dans tous les contrats identiques conclus par le même professionnel avec d’autres consommateurs.

 

- Afin notamment de permettre aux consommateurs de faire jouer plus facilement la concurrence et de lutter contre les risques de multi-assurance, les contrats d’assurance pourront désormais être plus facilement résiliés par les consommateurs.

 

- D’une manière générale, l’information précontractuelle des consommateurs est renforcée, quel que soit le type de vente envisagé (vente de biens ou de services, vente en magasin ou vente à distance et hors établissement, démarchage à domicile). Notamment, les vendeurs professionnels devront indiquer de manière lisible avant la conclusion du contrat et confirmer par écrit aux consommateurs la période de disponibilité des pièces détachées indispensables à l’utilisation d’un produit. Les vendeurs professionnels seront dans l’obligation de tenir à disposition des consommateurs lesdites pièces pendant toute la durée ainsi indiquée. De même, lorsque le contrat n’est pas exécuté immédiatement, les vendeurs professionnels devront indiquer aux consommateurs la date ou le délai auquel ils s’engagent à livrer le bien ou à exécuter le service.

 

- Autre changement d’importance en matière de garantie légale : durée de la présomption de défaut de conformité des produits passera de 6 mois à 2 ans à partir de la délivrance du bien. L’entrée en vigueur de cette disposition est toutefois repoussée à deux ans après la publication de la loi.

 

2. Sécuriser la vente à distance ou par démarchage

L’information précontractuelle en matière de contrats à distance et hors établissement ou de démarchage est renforcée, notamment en ce qui concerne l’existence et les modalités d’exercice du droit de rétractation, les modes de paiement acceptés, les éventuelles restrictions de livraison, etc.

Le délai de rétractation passe de 7 à 14 jours. En cas d’exercice du droit de rétractation, le professionnel doit procéder au remboursement dans un délai de 14 jours et non plus 30 jours, sous peine de pénalités de retard expressément prévues par le texte[2]. À noter toutefois que la liste des exceptions au droit de rétractation est quelque peu étendue pour y ajouter notamment le cas où les biens ne peuvent être renvoyés pour des raisons d’hygiène ou de protection de la santé ou le cas des biens qui sont mélangés de manière indissociable avec d’autres ou encore le cas des enchères publiques ou de la fourniture de certaines boissons alcoolisées. En ce qui concerne les journaux, périodiques et magazines, ils restent exclus du droit de rétractation sauf pour les contrats d’abonnement à ces publications.

Le démarchage téléphonique est mieux encadré. Notamment, une liste « anti-prospection » identifiant les consommateurs ayant manifesté leur refus de recevoir ce type d’appels est créée. L’utilisation d’un numéro masqué en matière de démarchage téléphonique est par ailleurs expressément interdite.

Le professionnel doit s’engager sur un délai de livraison, lequel ne peut plus en principe excéder 30 jours à compter de la conclusion du contrat.

Les ventes forcées, réalisées notamment par le biais de cases pré-cochées, sont expressément interdites. Ainsi, en cas de consentement donné par défaut, le consommateur peut prétendre au remboursement intégral des sommes versées au titre de ce paiement.

 

3. Responsabiliser les prêteurs et lutter contre le surendettement

L’information des consommateurs en matière de rachat de crédits à la consommation est renforcée.

En outre, les vendeurs qui offrent au consommateur la possibilité de payer à crédit doivent désormais systématiquement proposer un crédit amortissable comme alternative au crédit renouvelable, même en l’absence de demande expresse du consommateur et ce, dès que le montant du crédit atteindra un seuil fixé par décret. Cette proposition devra comprendre des informations permettant au consommateur de comparer clairement le fonctionnement et le coût des deux crédits proposés.

Par ailleurs, lorsque le crédit renouvelable est assorti d’une carte ouvrant droit à des avantages de toute nature, le bénéfice de ces avantages ne peut être conditionné au paiement à crédit. La carte doit permettre au consommateur de payer comptant. Les enseignes de distribution proposant un programme comportant des avantages de toute nature et incluant un crédit renouvelable devront également proposer un autre programme comportant des avantages de toute nature non liés à un crédit.

À noter pour finir que le projet de registre national des crédits aux particuliers (RNCP) dont la création visait à permettre de lutter contre le surendettement, a été jugé contraire à la Constitution par le Conseil Constitutionnel, dans sa décision du 13 mars 2014[3]. Le Conseil a en effet estimé que ce registre portait une atteinte disproportionnée au droit à la vie privée.

 

4. Renforcer les moyens de contrôle et de sanction

Les agents de la DGCCRF pourront, pour plus d’efficacité, mener des contrôles « mystères » et différer le moment où ils déclinent leur identité et/ou faire usage d’une identité d’emprunt.

La DGCCRF pourra également dans certains cas sanctionner directement les professionnels qui ne respectent par la règlementation applicable et prononcer directement des sanctions administratives (injonction et amende administrative). Ces sanctions pourront en outre être publiées.

Les moyens de contrôle de la CNIL sont renforcés en permettant à cette dernière de faire toute « constatation utile » sur Internet.

Enfin, d’une manière générale, la collaboration entre la DGCCRF, la CNIL et les tribunaux est encouragée et renforcée.

 

5. Renforcer les sanctions et protéger les consommateurs contre les abus les plus graves

Certaines sanctions ont été significativement renforcées notamment en matière de lutte contre la fraude économique, les pratiques commerciales trompeuses et agressives, l’abus de faiblesse, les démarchages à domicile abusifs.

 

 

 

[1] Il est difficile de synthétiser cette loi tant les mesures qu’elle contient sont diverses. Notamment, ne seront pas abordées ici les mesures relatives à l’indication obligatoire du pays d’origine pour la viande et les produits à base de viande, aux indications géographiques pour les produits manufacturés, à l’adaptation des sanctions en matière de labels dans le domaine de l’industrie agro-alimentaire, aux parcs de stationnement, aux ventes de titres de transport aérien, aux prestations de transport et d’hébergement, à la restauration commerciale, aux réservoirs de stations-service, à la fourniture de gaz et d’électricité, aux contrats conclus dans les foires et salons, aux contrats d’achats de métaux précieux, au timeshare, aux cigarettes électroniques, à la vente en ligne de verres correcteurs et de lentilles de contact, à la vente de tests de grossesse en grandes surfaces ou encore aux voitures de tourisme avec chauffeur, aux loteries, etc.

[2] Les sommes dues sont majorées du taux d’intérêt légal en cas de remboursement qui interviendrait au plus tard 10 jours après l’expiration du délai de 14 jours, de 5% si le retard est compris entre 10 et 20 jours, de 10% si le retard est compris entre 20 et 30 jours, de 20% si le retard est compris entre 30 et 60 jours, de 50 % entre 60 et 90 jours, puis du taux d’intérêt légal.

[3]Cons. const., 13 mars 2014, n° 2014-690 DC

 

Mahasti Razavi, Associé

Chloé Minet, Counsel

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