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La Commission européenne précise les modalités de contrôle des subventions étrangères.

Article Droit européen Droit de la concurrence, consommation et distribution Droit public et commande publique | 20/07/23 | 13 min. | Renaud Christol Vincent Brenot

Le 14 décembre 2022, le Parlement européen et le Conseil ont adopté le Règlement relatif aux subventions étrangères faussant le marché intérieur (« RSE »)[1]. Ce texte, entré en vigueur le 12 janvier 2023, vient combler un vide juridique : les situations dans lesquelles un État non-membre de l’Union européenne (« l’UE ») octroie des subventions à une entreprise privée ou publique, subvention susceptible de nuire à la concurrence sur le marché intérieur.

Les modalités de mise en œuvre du Règlement n’étaient pas encore fixées. C’est désormais chose faite. Le 10 juillet 2023, la Commission européenne (« la Commission ») a adopté le Règlement d’exécution 2023/1441 relatif aux modalités détaillées des procédures mises en œuvre par la Commission en vertu du RSE (« le Règlement d’exécution »)[2].


Nouvelles règles relatives aux subventions étrangères génératrices de distorsion

Le RSE vise à remédier aux distorsions causées par les subventions accordées par des pays non-membres de l’UE, et ce, à l’occasion du contrôle des concentrations, lors des procédures de passation de marchés publics ou pour toutes les autres situations de marché.

Il comporte trois outils, dont l’utilisation sera contrôlée par la Commission :

  • une obligation, pour les entreprises, de notifier à la Commission les concentrations qui font intervenir une contribution financière de pouvoirs publics d’un État non-membre de l’UE lorsque i) l'entreprise acquise, une des parties à la fusion ou l'entreprise commune génère un chiffre d'affaires dans l'UE d'au moins 500 millions d'euros et ii) la contribution financière étrangère est de plus de  50 millions d'euros[3];
  • une obligation, pour les entreprises, de notifier à la Commission toute participation à des procédures de passation des marchés publics lorsque i) la valeur estimée du marché est d’au moins 250 millions d’euros et ii) la contribution financière étrangère concernée est d'au moins 4 millions d'euros par État non-membre de l’UE ; dans le cadre de ces deux procédures, la Commission peut interdire l’attribution de marchés aux entreprises qui bénéficient de subventions génératrices de distorsions[4] ;
  • pour toutes les autres situations de marché, la Commission peut ouvrir des enquêtes de sa propre initiative (ex-officio) si elle soupçonne l’existence de subventions étrangères génératrices de distorsions. Cela inclut la possibilité de demander des notifications ad hoc pour les procédures de passation de marché et les concentrations de moindre ampleur[5].


Pouvoirs de la Commission et procédure d’enquête

Une concentration notifiée ne peut être réalisée et un soumissionnaire qui fait l'objet d'une enquête ne peut se voir attribuer le marché public pendant que l'enquête de la Commission est en cours. En cas de violation de cette obligation, la Commission peut infliger à l'entreprise des amendes qui peuvent atteindre jusqu'à 10 % de son chiffre d'affaires annuel total. La Commission peut également interdire la réalisation d'une concentration subventionnée ou l'attribution d'un marché public à un soumissionnaire subventionné.

Le RSE confère à la Commission un large éventail de pouvoirs d'enquête pour recueillir les informations nécessaires, notamment i) envoyer des demandes de renseignements aux entreprises ; ii) effectuer des missions d'enquête dans l'UE et en dehors (notamment par inspections avec contrôle sur place ou sur pièces, demandes d’explications, apposition de scellés, etc. [6]) ; iii) ouvrir des enquêtes sur le marché portant sur des secteurs ou des types de subventions spécifiques. La Commission peut également s'appuyer sur les informations sur le marché communiquées par les entreprises, les États membres, ou toute personne physique ou morale ou association[7].

Les entreprises qui refusent de se soumettre aux inspections ou qui ne coopèrent pas efficacement avec la Commission peuvent se voir infliger des astreintes ou des amendes[8].

La Commission peut également prendre des mesures provisoires si elle considère qu’il existe suffisamment d’éléments qui démontrent l’existence d’une subvention étrangère de nature à fausser le marché intérieur et un risque de préjudice substantiel et irréparable pour la concurrence[9].

Si la Commission constate qu'une subvention étrangère existe et qu'elle fausse le marché unique, elle peut mettre en balance les effets négatifs de la subvention en termes de distorsion et ses effets positifs sur le développement de l'activité économique subventionnée. Si les effets négatifs l'emportent sur les effets positifs, la Commission peut imposer des mesures réparatrices structurelles ou non structurelles aux entreprises, ou les accepter comme engagements, pour remédier à la distorsion (par exemple, la cession de certains actifs ou l'interdiction d'un certain comportement sur le marché).

En règle générale, les subventions inférieures à 4 millions d'euros sur trois ans sont considérées comme « peu susceptibles » d'entraîner des distorsions, alors que les subventions inférieures aux seuils de minimis de l'UE applicables aux aides d'État sont considérées comme non susceptibles de causer des distorsions. 

Dans le cadre des concentrations et des procédures de passation de marchés publics soumises à l'obligation de notification, la Commission peut examiner les subventions étrangères octroyées jusqu'à trois ans avant l'opération. Toutefois, le RSE ne s'applique pas aux concentrations conclues et aux procédures de marchés publics lancées avant le 12 juillet 2023.

Dans toutes les autres situations, la Commission peut examiner les subventions octroyées au cours des dix années précédentes. Toutefois, le RSE ne s'applique qu'aux subventions octroyées au cours des cinq années qui précédent le 12 juillet 2023, lorsque ces subventions faussent le marché intérieur après son entrée en application.


Le Règlement d’exécution détaille les aspects procéduraux de la mise en œuvre du RSE

Le Règlement d'exécution prévoit des règles détaillées en ce qui concerne :

  • la procédure de notification à la Commission des concentrations et de la participation à des marchés publics relatives à des contributions financières étrangères, dont les formulaires de notification pour chaque procédure (à l’instar par exemple des formulaires prévus par le Règlement relatif au contrôle des concentrations), la personne habilitée à présenter une notification et la prise d'effet de la notification ;
Pour ce qui concerne les opérations de concentration, les entreprises doivent, pour les contributions financières étrangères considérées par le RSE comme les plus susceptibles de fausser le marché intérieur (comme celles octroyées à des entreprises en difficulté ou qui facilitent directement une concentration ou encore les garanties illimitées, également connues sous le nom de « contributions financières au titre de l'article 5 »), fournir des informations détaillées sur toutes les contributions financières d'un montant individuel d'au moins un million d'euros, octroyées aux parties à la transaction au cours des trois dernières années. Pour toutes les autres contributions financières étrangères, les entreprises doivent fournir un aperçu des contributions financières octroyées à la ou aux parties notifiantes au cours des trois dernières années, d'un montant individuel d'au moins un million d'euros, uniquement en ce qui concerne les pays qui ont octroyé aux parties à la transaction au moins 45 millions d'euros au cours des trois années qui précédent la concentration, sous réserve d'un certain nombre d’exceptions.

Pour ce qui est des contributions financières étrangères dans le cadre de procédures de passation de marchés publics, les entreprises doivent, pour les contributions financières étrangères, fournir des informations détaillées sur toutes les contributions financières qui relèvent de l'article 5 d'un montant individuel d'au moins un million d'euros, octroyées à la ou aux parties notifiantes au cours des trois années qui précédent la notification. Pour toutes les autres contributions financières étrangères, les entreprises doivent fournir un aperçu des contributions financières octroyées à la ou aux parties notifiantes d'un montant individuel d'au moins un million d'euros, uniquement en ce qui concerne les pays qui ont octroyé à chacune des parties notifiantes au moins 4 millions d'euros par pays au cours des trois années qui précédent la notification.

  • le processus d'enquête de la Commission, dont les procédures à suivre par les entreprises pour présenter des engagements afin de répondre à d'éventuelles préoccupations de la Commission ;
  • les droits procéduraux des parties en ce qui concerne la protection des informations confidentielles, l'accès aux dossiers et la présentation d'observations ;
  • le calcul et la suspension des délais pour la communication d'informations et la présentation d'engagements ;
  • la transmission et la signature de documents par les parties notifiantes à la Commission par des moyens numériques, le cas échéant.


Le dispositif de contrôle des subventions étrangères est désormais complet. À partir du 12 octobre 2023, les entreprises devront, en fonction des seuils applicables, notifier les concentrations et la participation à des procédures de marchés publics qui font intervenir des contributions financières étrangères.

Ce nouveau contrôle ex ante se cumule avec l’examen éventuel d’une opération au regard des règles de concurrence par les services de la Commission si les seuils du règlement concentrations sont atteints, ainsi que, le cas échéant, avec ceux applicables aux investissements directs étrangers[10].

 

[1] Règlement (UE) 2022/2560 du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2022 relatif aux subventions étrangères faussant le marché intérieur.  

[2] Règlement d’exécution (UE) 2023/1441 de la Commission du 10 juillet 2023 relatif aux modalités détaillées des procédures mises en œuvre par la Commission en vertu du règlement (UE) 2022/2560 du Parlement européen et du Conseil relatif aux subventions étrangères faussant le marché intérieur.

[3] Article 20 du RSE.

[4] Article 28 du RSE.

[5] Article 9 du RSE.

[6] Articles 14 et 15 du RSE.

[7] Article 13 du RSE.

[8] Article 17 du RSE.

[9] Article 12 du RSE.

[10]  L’article 44 du RSE précise que le Règlement s’applique sans préjudice de l’application du règlement 139/2004 relatif au contrôle des concentrations entre entreprises et du règlement 2019/452 établissant un cadre pour le filtrage des investissements directs étrangers dans l'Union européenne.

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