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Vidéosurveillance par le biais de « caméras augmentées » : A quoi faut-il s’attendre pendant les Jeux Olympiques ?

Article IT et données personnelles Droit public et commande publique | 17/04/24 | 7 min. | Florence Chafiol Vincent Brenot

3 questions à Florence Chafiol et Vincent Brenot


De nouvelles caméras de vidéosurveillance augmentées par des solutions d’intelligence artificielle vont être déployées dans les rues parisiennes à l’occasion des Jeux Olympiques pour renforcer la sécurité des personnes et des biens.   

A quoi servent ces caméras ? Quel est le cadre juridique qui leur est applicable ? Nous avons posé trois questions à Florence Chafiol, associée au sein du département IT et données personnelles, et Vincent Brenot associé au sein du département Public et Réglementaire du cabinet August Debouzy.

Voici leurs réponses.

Quelle est la plus-value de la vidéosurveillance « augmentée » par rapport aux caméras de surveillance ?


Une caméra de vidéosurveillance classique filme en direct et enregistre des séquences vidéo qui sont visionnées par un opérateur humain. Ces caméras dites « classiques » ont généralement pour objet de sécuriser les biens et les personnes, sur la voie publique ou dans des espaces privés et font l’objet d’un cadre légal bien précis que la CNIL (autorité de protection des données personnelles en charge de s’assurer que les libertés des individus sont bien respectées) ne se prive pas d’appliquer. Nombreuses sont les collectivités ou entreprises qui, souvent à la suite de plaintes, ont fait l’objet de courriers, voire de sanctions de la part de la CNIL pour cause de surveillance trop intrusive (notamment dans le cadre de la surveillance en continu de l’activité des salariés).

Pour les JO, les caméras bien plus perfectionnées qui vont être utilisées seront dotées d’une couche d’intelligence artificielle supplémentaire visant à améliorer les capacités de la vidéosurveillance.

Dans sa position de principe sur les caméras dites « augmentées » de juillet 2022, la CNIL définit la vidéo augmentée comme l’ajout de « traitements algorithmiques mis en œuvre par des logiciels, permettant une analyse automatique » des enregistrements vidéo.

En pratique, cela signifie que ces caméras augmentées permettent de reconnaître des individus de manière probabiliste (via leur âge, leur silhouette, leur sexe), des événements particuliers comme un mouvement de foule ou encore d’identifier précisément une personne grâce à ses données biométriques.

Les cas d’usage sont variés et concernent autant le secteur public (police, mesure de l’affluence dans des lieux publics, etc.) que le secteur privé (mesure d’audience publicitaire, sécurisation de locaux, etc.).

Quel est le cadre d’utilisation actuel de la vidéosurveillance augmentée ?

L’article 10 de la loi n°2023-380 relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 (ci-après « loi JO ») autorise à titre expérimental l’utilisation de la vidéosurveillance augmentée pour la sécurisation de manifestations sportives, récréatives et culturelles. Fait innovant, des drones « augmentés » seront déployés en plus des caméras « fixes ».

Le régime fixé par la loi est strict. Tout organisateur qui souhaite avoir recours à la vidéosurveillance augmentée doit soumettre une demande au préfet du département ou, à Paris, au préfet de police, lequel examine à cette occasion la proportionnalité du dispositif envisagé, ce qui inclut le niveau de risque (terrorisme, atteintes graves aux personnes) pesant sur l’événement.

Par ailleurs, le choix de la solution de surveillance n’est pas totalement libre, puisque l’organisateur doit avoir recours à une solution développée par un opérateur sélectionné par l’Etat.

Surtout, l’article 10 de la loi JO et l’article 3 de son décret d’application n°2023-828 prévoient que la vidéosurveillance ne peut en aucun cas permettre la reconnaissance faciale ni traiter des données biométriques. Seuls huit événements déterminés peuvent être détectés : la présence d’objets abandonnés, d’armes, le non-respect par une personne ou un véhicule du sens de circulation, le franchissement d’une zone interdite, la chute d’une personne, une densité trop importante ou un mouvement de foule et un départ de feu.

Cela implique un développement des solutions selon un cahier des charges strict (cybersécurité, intervention humaine, transparence du système etc.).

Ce régime d’autorisation exceptionnel durera jusqu’au 31 mars 2025. Entre temps, et au plus tard le 31 décembre 2024, le Gouvernement doit rendre au Parlement un rapport sur le bilan de l’expérimentation. Ce rapport présage d’une clause de revoyure pour une éventuelle pérennisation du dispositif dans le droit commun en 2025, selon l’efficacité attestée de la vidéosurveillance augmentée.

Quels sont les risques associés à l’utilisation de la vidéosurveillance augmentée ?

Cette autorisation exceptionnelle a fait l’objet de débats ayant trait aux risques de surveillance généralisée de la population, en témoigne le recours formé par des députés NUPES devant le Conseil Constitutionnel (Décision n° 2023-850 DC du 17 mai 2023), ou la mobilisation des associations spécialisées (la Quadrature du net, Amnesty International etc.) sur le sujet.

Parmi les nombreux griefs reprochés à la loi, figurent les risques de traitement de données biométriques de manière indirecte, la trop grande largesse de la détection ou encore le risque de normalisation de cette technologie invasive dans la sphère publique.

Ces risques de dérives paraissent toutefois devoir être nuancés car le dispositif sera soumis au contrôle du juge administratif, qui pourra notamment être saisi dans le cadre de « référés-liberté ».

Cette procédure, prévue par le code de justice administrative (article L. 521-2), permet au juge administratif, saisi d’une demande visant à mettre un terme une l’atteinte grave et manifestement illégale portée par une autorité publique à une liberté fondamentale, de prendre une ordonnance dans un délai de 48 heures.

Cette procédure a d’ailleurs déjà été mise en œuvre avec succès en première instance (TA Caen, 22 novembre 2023, nos 2303004, 2303012), à l’encontre de l’utilisation par la communauté de communes Coeur Côte Fleurie du logiciel BriefCam (logiciel d’analyse pour images de vidéosurveillance), en surcouche de son système de vidéosurveillance.

Quoiqu’il ait annulé l’ordonnance du tribunal administratif de Caen au regard de l’absence d’urgence (CE, ord., 21 décembre 2023, n° 489990), le Conseil d’Etat a tout de même pris soin de conduire une analyse aboutissant au constat d’un usage limité et encadré de ce système de vidéosurveillance augmentée (il était démontré que l’utilisation du logiciel présentait un caractère limité (sans possibilité de recours à la reconnaissance faciale et l’usage limité de certaines autres fonctionnalités notamment)).

Le recours au juge administratif à travers la procédure du référé-liberté, certes exigeante en termes de recevabilité, devrait ainsi permettre d’exercer un contrôle effectif sur les éventuels excès qui pourraient découler de la vidéosurveillance augmentée.

 

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