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Le projet de loi "Sapin II" amputé du dispositif clé de la compensation d'intérêt public

Article | 16/06/16 | 6 min. |

Compliance

Le projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (« le Projet de loi Sapin II ») a été présenté au Conseil des Ministres le 30 mars 2016. Le texte, qui est débattu en séance depuis lundi 6 juin 2016 à l’Assemblée nationale, ne reprend finalement pas la proposition de convention de compensation d’intérêt public envisagée au début de l’année par le Gouvernement.

I. La création d’un service chargé de la prévention et de l’aide à la détection de la corruption

Les premières versions connues du Projet de loi Sapin II prévoyaient la création d’une agence indépendante de prévention et de détection de la corruption, dotée de très larges pouvoirs. A la suite de l’avis rendu par le Conseil d’Etat le 24 mars 2016, cette agence a été remplacée par un « service chargé de la prévention et de l’aide à la détection de la corruption » (le « Service »), dont les prérogatives sont plus limitées et dont l’objet est de « prévenir les faits de corruption, de trafic d’influence, de concussion, de prise illégale d’intérêt, de détournement de fonds publics et de favoritisme, et d’aider à leur détection par les autorités compétentes et les personnes concernées ». Il avait, dans un premier temps, été envisagé que l’Agence émette des avis sur l’activité de toute personne physique ou morale à la requête des administrations et des collectivités territoriales et ce avant la signature d’un contrat, le versement d’une subvention ou une décision d’autorisation. Le Conseil d’Etat s’est opposé à cette disposition en raison « du risque d’inconstitutionnalité au regard des principes qui gouvernent la protection de la vie privée et les droits de la défense ». De même, le caractère contraignant des recommandations qui peuvent être adressées aux personnes publiques par le Service a été abandonné. Le Service a également perdu la possibilité de solliciter des informations auprès de l’autorité judiciaire dans le cadre de sa mission de contrôle. En revanche, le Service reste chargé de la protection juridique des lanceurs d’alerte et du respect de la loi de blocage du 28 juillet 1968 dans le cadre de l’exécution des décisions d’autorités étrangères imposant à une société française de se soumettre à une procédure de mise en conformité de ses procédures de prévention et de détection de la corruption. Le Conseil d’Etat a par ailleurs estimé que la peine de 2 ans de prison et 300.000 euros d’amende prévue en cas de délit d’entrave au contrôle du Service était disproportionnée et a proposé de la remplacer par une peine de 30.000 euros d’amende, qui a été reprise dans le Projet de loi Sapin II présenté en conseil des ministres.

II. L’instauration d’une obligation de prévention contre les risques de corruption

La principale nouveauté du projet reste la création d’une obligation de prévention contre les risques de corruption qui s’imposera aux sociétés employant plus de 500 salariés et aux groupes de sociétés employant plus de 500 salariés dont le chiffre d’affaires est supérieur à 100 millions d’euros, ainsi qu’à leurs dirigeants. Ils devront prendre des mesures destinées à prévenir et détecter la commission, en France ou à l’étranger, de faits de corruption ou de trafic d’influence à savoir :

1. Adopter un code de conduite,

2. Mettre en œuvre un dispositif d’alerte interne,

3. Établir une cartographie des risques (régulièrement actualisée et détaillant les risques de sollicitations),

4. Mettre en œuvre une procédure de vérification de l’intégrité des clients, des fournisseurs de premier rang et des intermédiaires,

5. Réaliser des contrôles comptables,

6. Dispenser une formation aux cadres et aux personnels exposés,

7. Instaurer des sanctions disciplinaires.

La commission des sanctions du Service pourra adresser des injonctions de mise en conformité et prononcer des sanctions (jusqu’à 200.000 euros pour les personnes physiques et 1.000.000 euros pour les personnes morales) éventuellement assorties de mesures de publication. Le Conseil d’Etat avait souhaité que soient renforcées les garanties accordées aux personnes susceptibles d’être sanctionnées, en précisant notamment (i) que le magistrat chargé de la direction du Service ne devait pas être membre de la commission des sanctions ni assister à ses séances, (ii) que la personne mise en cause devait se voir notifier les griefs relevés à son encontre simultanément à la saisine de la commission des sanctions par ce magistrat et (iii) que le mis en cause pouvait demander que la séance au cours de laquelle la sanction serait débattue soit publique. Ces modifications ont été reprises dans le Projet de loi Sapin II.

III. La création d’une peine de mise en conformité, forme de monitoring à la française

La peine complémentaire de mise en conformité prévue au nouvel article 131-39-2 du Code pénal, qui pourra être prononcée à l’encontre d’une personne morale en cas de condamnation pour les délits de corruption ou de trafic d’influence, consistera en une obligation de mettre en œuvre un programme de conformité sous le contrôle du Service. Dans son avis, le Conseil d’Etat avait proposé de porter de trois à cinq ans la durée maximale du programme imposé, tout en introduisant en parallèle la possibilité d’y mettre fin par anticipation. Cette modification figure dans la dernière version du projet. De même, la personne morale condamnée pourra informer le procureur de la République en cas de difficulté dans la mise en œuvre de la peine. Enfin, sur recommandation du Conseil d’Etat, les peines de 400.000 euros et 2.000.000 euros prévues respectivement pour les personnes physiques et morales en cas de non-respect de la peine de mise en conformité sont remplacées par une amende de 30.000 euros (et 150.000 euros), qui pourra être assortie des autres peines encourues pour le délit initial (fermeture d’établissement, exclusion des marchés publics, etc).

IV. L’abandon de la convention de compensation d’intérêt public

Le gouvernement avait envisagé la création d’un dispositif de convention de compensation d’intérêt public (forme de transaction) permettant au procureur de la République de proposer aux personnes morales mises en cause pour des faits de corruption ou de trafic d’influence une Convention imposant le versement au Trésor Public d’une somme proportionnée aux avantages tirés des manquements (dans la limite de 30% du chiffre d’affaires moyen annuel des trois dernières années) et/ ou la mise en œuvre d’un programme de mise en conformité. Le Conseil d’Etat s’était opposé à ce dispositif stigmatisant l’absence de débat public, le fait que la victime ne pourrait obtenir une indemnisation que devant une juridiction civile, ou encore l’existence de procédures distinctes pour les personnes physiques et morales. Le Conseil d’Etat avait néanmoins estimé qu’un dispositif transactionnel serait envisageable pour le traitement des faits de corruption transnationale sous réserve de garanties appropriées. A la suite de l’avis du Conseil d’Etat, le dispositif envisagé a été supprimé du Projet de loi Sapin II mais il pourrait être réintroduit par la voie d’amendements dans le cadre des débats parlementaires.

V. Les autres mesures

Le Projet de loi Sapin II crée un délit de trafic d’influence d’agent public étranger et facilite la poursuite des délits de trafic d’influence et de corruption commis à l’étranger en supprimant la condition imposant jusque-là que le délit soit réprimé dans le pays de commission des faits ainsi que la nécessité d’une plainte préalable du parquet.

Il prévoit également la création d’un répertoire national des représentants d’intérêts.

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