retour

Réforme des règles communautaires de concurrence applicables aux accords de distribution

Article | 14/06/10 | 5 min. |

Depuis le 1er juin 2010, les accords verticaux sont régis par un nouveau règlement d’exemption par catégorie (le règlement communautaire n°330/2010) et de nouvelles lignes directrices, ces deux textes s’appliquant à tous les secteurs d’activité à l’exception de la distribution automobile1.

Cette réforme concerne tous les « accords entre deux ou plusieurs entreprises opérant chacune, aux fins de l’accord, à un niveau différent de la chaîne de production ou de distribution, et relatifs aux conditions dans lesquelles les parties peuvent acheter, vendre ou revendre certains biens ou services »2. Jusqu’au 31 mai 2010, les accords verticaux étaient régis par le règlement
n° 2790/1999 et les lignes directrices du 13 octobre 2000.

Les règles pré-existantes ayant donné satisfaction dans leur ensemble, le nouveau règlement en reprend les principes fondamentaux tout en les modernisant pour les adapter aux nouveaux enjeux commerciaux, notamment l’augmentation de la puissance d’achat de la grande distribution et le développement des ventes sur Internet.

Pour la Commission, « le principe de base reste inchangé : les entreprises sont libres d’opter pour le mode de distribution de leur choix, sous réserve que leurs accords n’incluent pas de restrictions en matière de fixation des prix ou d’autres restrictions caractérisées et que ni le producteur, ni le distributeur ne dispose d’une part de marché supérieure à 30% »3.

Selon elle en effet, il est essentiel de réduire la charge réglementaire pesant sur les entreprises qui ne détienne pas de pouvoir de marché, et notamment les petites et moyennes entreprises.

Cette réforme a été particulièrement bien accueillie par les autorités françaises. Elle va d’ailleurs dans le sens aussi bien de la loi française – la loi de modernisation de l’économie (LME) du 4 août 2008, instaurant une nouvelle règlementation des délais de paiement, le principe du contrat unique et un régime spécifique pour les concentrations dans le secteur du commerce de détail – que de la pratique récente de l’Autorité de la concurrence, notamment en matière de vente en ligne.


Un contrôle accru du secteur de la grande distribution


Auparavant, un accord pouvait bénéficier d’une exemption par catégorie s’il ne comportait pas de restriction caractérisée (prix minimum imposé, protection territoriale absolue, …) et si la part de marché du fournisseur n’excédait pas 30%.

Le nouveau règlement innove en prévoyant qu'un accord ne peut bénéficier d’une exemption par catégorie que si chacune des parties – c'est-à-dire le fournisseur, mais aussi l'acheteur – détient une part de marché inférieure à 30 %. Le dépassement du seuil par l’une des parties exclut donc l’accord du bénéfice de l’exemption par catégorie.

Ce double seuil vise à prendre en compte l’augmentation de la puissance d’achat de la grande distribution. Il profite plus particulièrement aux petites et moyennes entreprises, qui sont souvent susceptibles d’être lésées par les restrictions verticales imposées par un acheteur puissant4. Les lignes directrices recensent en outre de nouveaux exemples de restrictions verticales comme les primes de référencement, qui sont autant d’indices de la puissance d’achat de la grande distribution.
 

La liberté de recourir à la vente en ligne

Les nouvelles lignes directrices témoignent également de la volonté de la Commission de favoriser l’essor de ce nouveau mode de commercialisation, qu’elle considère comme un moyen de stimuler la concurrence et de décloisonner les marchés nationaux.

Pour la Commission, « chaque distributeur doit être libre de recourir à Internet pour faire de la publicité ou pour vendre ses produits »5 et l’interdiction de vendre en ligne est une restriction caractérisée.

Elle considère par conséquent que le lancement d’un site Internet « ne peut être assimilé à l’ouverture d’un nouveau point de vente en un lieu différent »6 : ce n’est qu’un mode de commercialisation distinct. Un fournisseur ne devrait donc pas pouvoir assimiler un site Internet à un lieu de vente non autorisé pour interdire, sur ce fondement, le recours à la distribution électronique au sein de son réseau de distribution sélective.

Cette position est toutefois contestée et la Cour de justice a été saisie de ce sujet qu’elle devrait trancher prochainement, dans le cadre de l’affaire Pierre Fabre7.

Mais en règle générale, l’utilisation d’un site Internet pour vendre des produits est considérée par les autorités de concurrence comme une forme de vente passive. Ainsi, par exemple, un distributeur exclusif ne peut mettre un terme à une opération de vente par Internet lorsque les données de la carte de crédit du client révèlent qu'il n'est pas établi sur son territoire. De la même façon et pour la même raison, le fournisseur ne peut exiger un prix plus élevé pour les ventes en ligne, ni limiter la part des ventes globales réalisées sur Internet.
 


L’encadrement de la vente en ligne


Le principe de la liberté du recours à la vente en ligne n’est pas absolu et doit être concilié avec les particularités et les exigences de chaque réseau de distribution.

Ainsi, un fournisseur « peut imposer des normes de qualité pour l’utilisation du site Internet aux fins de la vente de ses produits, comme il le ferait pour un magasin, une annonce publicitaire ou une action de promotion en général »8. Il est donc possible, sur ce fondement, d’exiger de ses distributeurs qu’ils disposent d’un ou de plusieurs points de vente physiques et ainsi d’exclure de son réseau de distribution sélective, les distributeurs ne vendant que sur Internet (« pure players »).

Cet encadrement ne peut toutefois avoir pour effet de « dissuader les distributeurs désignés d’utiliser Internet en leur imposant des conditions pour la vente en ligne qui ne soient pas équivalentes à celles imposées pour la vente en magasin classique » : ces conditions doivent « poursuivre les mêmes objectifs et aboutir à des résultats comparables […], la différence entre elles [devant] être justifiée par la nature différente de ces deux modes de distribution »9.

Ainsi, le fournisseur ne peut pas exiger la traduction du site et la délivrance du conseil dans la langue du consommateur étranger mais peut exiger la traduction dans les langues des pays où le distributeur accepte de livrer les produits. De même, le fournisseur peut exiger la création d’une hotline, à condition que les modalités de fonctionnement de celle-ci (plages horaires, délai maximum de réponse,...) ne soient pas trop contraignantes.
 

Explorez notre collection de documents PDF et enrichissez vos connaissances dès maintenant !
[[ typeof errors.company === 'string' ? errors.company : errors.company[0] ]]
[[ typeof errors.email === 'string' ? errors.email : errors.email[0] ]]
L'email a été ajouté correctement