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Google Adwords : une histoire d’usage…

Article | 06/05/10 | 3 min. |

Près de deux ans après sa saisine par la Cour de cassation (Cass, Com, 20 mai 2008), la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) vient de valider les activités de la régie publicitaire Google Adwords au regard du droit des marques.

Cette décision était très attendue : depuis 2003, Google a été assigné à de nombreuses reprises par des titulaires de marques, mécontents de voir leurs signes utilisés comme mots-clés pour référencer des produits ou services concurrents.

A l’issue de diverses procédures ayant condamné Google pour contrefaçon de marques, la Cour de cassation a décidé de sursoir à statuer et de saisir la CJUE de plusieurs questions préjudicielles afin de déterminer dans quelle mesure la mise à disposition ou l’utilisation d’un mot-clé reproduisant ou imitant une marque pour générer des annonces publicitaires serait un acte de contrefaçon. L’autre pan du questionnement, qui ne sera pas développé ici, portait sur l’éventuelle application du régime de responsabilité des hébergeurs au service Google Adwords.

Concernant l’analyse au regard du droit des marques, la Cour rappelle, au visa de l’article 5 de la Directive 89/104/CEE « Marques » et de l’article 9 du Règlement CE 40/94 sur la marque communautaire, que le titulaire de marques est habilité à interdire « l’usage, sans son consentement, d’un signe identique à ladite marque par un tiers, lorsque cet usage a lieu dans la vie des affaires, est fait pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, et porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque ».

Dès lors, la réponse apportée par la CJUE quant aux activités de Google est la suivante : l’opérateur de services de référencement qui stocke des mots-clés reproduisant ou imitant des marques, même renommées (§104), pour afficher des liens promotionnels ne commet pas d’actes de contrefaçon. Au soutien de cette solution, la Cour estime que Google ne fait pas un usage des marques en question « dans le cadre de sa propre communication commerciale » (§ 55 & 56), et ce malgré le constat que la régie « opère dans la vie des affaires » et tire des revenus de l’usage des marques en question (§ 57).

En revanche, les titulaires de marques conservent leur droit d’action contre les annonceurs eux-mêmes.

Selon la Cour, le titulaire d’une marque serait légitimement admis à interdire à un annonceur de faire référencer à partir de sa marque des produits ou des services concurrents. Mais la Cour précise que cette action ne sera possible que si cet usage porte atteinte à la fonction essentielle de la marque, à savoir la fonction de garantir à « l’internaute » l’origine du produit ou du service (§ 51, 69 & 87).

Il s’agit d’une fenêtre d’action relativement étroite car, malgré un exposé clair des troubles que peuvent subir les titulaires de marques dans leur stratégie de référencement commercial (§ 93 à 95), la Cour estime que l’usage d’un mot-clé identique à la marque d’autrui ne constitue pas en soi une atteinte à la fonction de publicité de la marque (§ 91 à 98). Selon les juges, le référencement naturel permet aux titulaires de marques de dépasser les répercussions négatives qui pourraient être engendrées par le référencement commercial.

Ainsi, au regard de cette décision, l’action en contrefaçon ne pourra être dirigée que contre l’annonceur et supposera, pour être accueillie, que l’annonce générée ne permette pas à « l’internaute normalement informé et moyennement attentif » d’identifier l’origine du produit (§ 87 à 92). C’est donc au regard de l’annonce elle-même, et non en raison de la seule utilisation d’une marque dans un mot-clé, que s’établira ou non l’existence d’actes de contrefaçon. Il faudra ainsi rechercher si l’annonce suggère l’existence de liens économiques entre l’annonceur et le titulaire de la marque (§ 89) ou si elle entretient le doute sur l’origine du produit (§ 90), indépendamment du fait que la marque concernée soit reproduite ou non dans le corps de l’annonce (§ 65). En revanche, si c’est la fonction de publicité de la marque qui est en cause, l’action en contrefaçon devrait être rejetée.

Reste maintenant à savoir comment les juges français, qui sont invités ici à revoir leur position, vont réagir à l’analyse proposée par la CJUE.



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