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Protection sociale : à vos marques… prêts ?

Article Droit du travail et de la protection sociale | 22/09/17 | 9 min. | Isabelle Hadoux-Vallier

Sciences de la vie & Santé

En cette rentrée 2017, législateur et pouvoir réglementaire sont sur les starting-blocks dans le domaine vaste de la protection sociale. Ils ont même déjà franchi la ligne de départ entre les promesses de campagne, les premières annonces, les premières mesures et les premiers projets de textes.

Nous vous proposons un panorama rapide de ces projets..

1- Ordonnances Travail : Vous avez dit "Travail" ?

Cherchez bien dans les fameux projets d’ordonnances et au-delà des mesures programmées dans le monde du travail, vous y trouverez de la protection sociale :

Articulation accord de branche / accord d’entreprise et des garanties « au moins équivalentes ». Depuis 2004, la protection sociale relevait du domaine « sanctuarisé » de la branche sans dérogation possible. Avec les ordonnances, elle figure, en partie, parmi les 11 matières relevant de la compétence exclusive de la branche. MAIS est introduite une exception qui va ouvrir (à nouveau) un débat que l’on croyait oublié: l’entreprise pourra disposer de garanties au moins équivalentes qui lui permettront de s’écarter de l’accord de branche. Qu’entend-on par « garanties » dans des dispositifs de prévoyance et complémentaire santé liés à des contrats d’assurance et qui peuvent garantir les salariés comme leurs familles, couvrir différents risques, prévoir différentes prestations (dont celles présentant « un degré élevé de solidarité »), divers niveaux et formes de prestations et dont le financement très variable aussi rend les comparaisons parfois difficiles entre branche et entreprise ? Quelles seront finalement les marges de manœuvre réelles dont disposeront les entreprises

Accords d’un nouveau genre dans les entreprises dépourvues de délégués syndicaux et dont l’effectif ne dépasse pas 50 salariés : les employeurs doivent, pour instituer des garanties collectives de protection sociale et ouvrir droit à des exonérations sociales et fiscales, formaliser leur engagement par un acte juridique en droit du travail. Bien souvent les PME/TPE n’avaient d’autre choix que celui de la décision unilatérale écrite remise à tous les salariés ou à un référendum peu pratique à organiser; la gamme de ces actes devrait s’enrichir des nouvelles formes d’accords instituées par les ordonnances, qui permettront une implication plus forte des salariés dans la mise en œuvre des dispositifs de protection sociale d’entreprise.

C3P et C2P : péniblement le compte individuel tant décrié finit sa mue et devient le compte professionnel de prévention avec des modifications quant à l’organisme gestionnaire (branche AT/MP), son financement (suppression des contributions) ou son utilisation (notamment en vue de départs anticipés à la retraite).

Sans compter la fusion des IRP et la naissance du Comité social et économique (CSE) qui aura parmi ses attributions l’examen pour avis de tout projet de création ou modification des garanties en protection sociale dans l’entreprise.

Ou encore l’accélération de la restructuration des branches qui devront procéder à des arbitrages quant aux garanties de protection sociale qu’elles auront pu mettre en place.

2 - En attendant le PLFSS 2018...

Le projet de ce rendez-vous annuel traditionnel devrait être connu fin septembre (avec le projet de loi de finances).

De nombreux sujets y sont déjà inscrits :

Allègement des charges sociales et CSG : la réduction des cotisations salariales maladie et chômage se fera en deux étapes avec une première via la LFSS pour une entrée en vigueur au 1er janvier 2018 (baisse de 2,2 points). Cette baisse doit être corrélée avec la hausse de la CSG de 1,7 point (qui n’affectera pas que les revenus d’activité).

Suppression du RSI au 1er janvier 2018 : une nouvelle organisation de la sécurité sociale des travailleurs indépendants nous est promise avec un transfert des missions du RSI (déclaré défaillant par beaucoup) vers le régime général auprès des CPAM et URSSAF sur une période de deux ans. Les règles relatives aux cotisations (assiette, recouvrement) restent inchangées même si certaines formalités seront simplifiées et des mesures favorables aux créateurs d’entreprise seront instituées. Il n’est pas envisagé d’aligner les taux de cotisations sur le régime général, donc à la hausse. Le taux des cotisations sera plutôt abaissé mais du fait de l’augmentation de la CSG.

Mesures Santé : à ce stade, la seule véritable annonce pour le PLFSS 2018 concerne l’abandon de la généralisation obligatoire du tiers-payant pour un système facultatif. Il devrait y avoir également des mesures visant à améliorer le parcours de soins, l’organisation de système de soins (avec la mise en place de nouveaux modes de rémunération pour les professionnels de santé).

Télémédecine : de nombreuses prestations de ce type fleurissent sans que l’environnement juridique n’en soit tout à fait défini. Le PLFSS pourrait être l’occasion d’apporter un cadre en la matière.

Si les entreprises échappent à une énième réforme des Complémentaires Santé de leurs salariés, ce n’est peut-être que partie remise (cf. les idées de campagne présidentielle sur les prothèses auditives et dentaires avec un minimum de reste-à-charge ou sur des contrats-type d’assurance complémentaire, encadrés).

Et n’oublions pas les alinéas et virgules des articles d’un projet auxquels il conviendra d’être attentifs …

3- La retraite ne sera pas de tout repos...

Dès cet automne, conformément à l’ANI du 30 octobre 2015, l’Arrco et l’Agirc entament des discussions concrètes sur la fusion des régimes de retraite complémentaire des salariés.

Bien que le fonctionnement des deux dispositifs soit identique (régimes en points), la gestion relève d’organismes différents qui néanmoins forment déjà partie de groupes de protection sociale communs.

Le financement devra être revu et l’horizon de la retraite complémentaire pourrait s’en trouver simplifié. Avec des effets immédiats pour les entreprise : fusion des cotisations (taux et assiettes) ; la question des catégories non cadres / cadres ; et celle similaires des salariés dits « articles 4, 4 bis et 36 annexe I ou VRP de l’Annexe IV » par référence à la CCN Agirc ?

Objectif : signer un accord d’ici le 1er janvier 2018.

La réforme des retraites telle qu’elle est annoncée est un projet ambitieux de par son caractère universel qui s’attachera plus à la personne et à sa trajectoire professionnelle ou familiale qu’aux différents statuts ou non-statuts qu’il a pu avoir au cours de ce parcours.

Ambitieux puisqu’il devrait générer une transformation importante des paramètres de calcul des pensions de retraite qui aujourd’hui brillent par leur diversité et souvent complexité.

Un Haut-Commissaire en charge de cette réforme a été désigné. Un début de calendrier et de méthode a été posé : constat partagé puis accord de méthode puis négociation et/ou loi-cadre. Ces réflexions pourront s’appuyer sur les nombreux rapports et études existants. Une réflexion que l’on nous promet relativement courte si elle aboutit à une loi-cadre sur la fin 2018 avant l’épreuve du feu de sa mise en œuvre.

D’ici là l’assurance-chômage devrait avoir fait l’objet de quelque réforme également avec un projet de loi pour le printemps 2018 et dont la mesure-phare promet d’étendre cet avantage de protection sociale aux travailleurs indépendants et à certains salariés démissionnaires !

Si tout ceci prend forme de manière effective, nul ne doute que le paysage de la protection sociale en France – tout en conservant ses fondements - en sera profondément transformé et nécessitera notamment pour les entreprises quelques adaptations.

Rendez-vous dans quelques semaines pour continuer à franchir les prochaines étapes promises.

Pour patienter, quelques rappels pour les entreprises :

31 décembre 2017 date-limite pour les « Complémentaire santé » : la période transitoire pour mettre en conformité les dispositifs des entreprises avec le « nouveau » cahier des charges des contrats responsables s’achève à la fin de cette année. A défaut, l’entreprise perd l’exonération des cotisations de sécurité sociale. Une telle démarche peut entraîner une refonte totale du dispositif jusqu’ici en place du fait des plafonds abaissés de remboursement nécessitant des discussions parfois longues avec partenaires sociaux et organisme assureur. Cela doit être aussi l’occasion de s’interroger sur la couverture des anciens salariés (et les modifications tarifaires des contrats dits « article 4 de la loi Evin » depuis le 1er juillet 2017).

Plusieurs mouvements se dessinent autour des retraites supplémentaires :

l’épargne-retraite (d’entreprise ou « Madelin ») va pouvoir être portée par un nouvel acteur à compter du 1er janvier 2018 : les fonds de retraite professionnelle supplémentaire;

la fermeture des régimes de retraite à prestations définies à droits aléatoires (c’est-à-dire soumis à la condition d’achever sa carrière dans l’entreprise) ? Une directive européenne du 16 avril 2014 visant à améliorer la mobilité des travailleurs entre les Etats membres jette l’opprobre sur tous les dispositifs qui font perdre leurs droits à retraite du simple fait du départ du salarié de son entreprise (quel qu’en soit le motif et hors retraite). La directive doit être transposée pour le 21 mai 2018 et devrait obliger à fermer les régimes dits « article 39 » actuels. Des ajustements sociaux et fiscaux devront être trouvés pour des dispositifs qui au fil du temps ont été soumis à une importante pression fiscale et sociale. Peut-être feront-ils partie des articles et virgules du PLFSS 2018 ? De manière corollaire, la directive UE pose un cadre pour une portabilité des droits acquis en retraite plus adaptée aux parcours professionnels d’aujourd’hui – ce qui devrait amener à la naissance de retraites à prestations définies d’un type nouveau. A suivre.

Ce qui ne doit pas faire oublier aux entreprises leurs nouvelles obligations sur ces régimes de retraite à prestations définies et notamment :

sécuriser progressivement les rentes en cours de versement direct par l’entreprise, en externalisant auprès d’un assureur, par des fiducies ou des sûretés réelles ou personnelles, ainsi que déclarer annuellement un état de ses engagements; en cas de non-respect de cette obligation et des déclarations annuelles qui y sont attachées, des pénalités financières doivent être versées à l’Urssaf. Les sanctions seront applicables à compter de 2018.


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