Article | 19/12/19 | 3 min. |
Les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance permettent d’évaluer la responsabilité des entreprises au regard de considérations extra-financières et des différentes parties prenantes, dite responsabilité sociale et environnementale (l’« ESG/RSE »). Ces critères ESG/RSE se sont développés pour analyser les entreprises et notamment en matière de financement pour évaluer le risque de crédit d’un emprunteur. A ce titre, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) a constitué par décision de son Collège le 3 octobre 2019, une commission climat et finance durable dont le but est de promouvoir un dialogue constructif sur les problématiques ESG/RSE avec toutes les parties prenantes du marché. La création de cette commission acte la pratique ESG/RSE existante et développée par les praticiens en matière de crédits. En effet, la Loan Market Association (LMA) a publié le 21 mars 2018 les Green Loan Principles relatifs aux « crédits verts » correspondant à des prêts fondés exclusivement sur les considérations environnementales puis en mars 2019 a publié les Sustainability Linked Loan Principles portant sur les « crédits à impact ».
La pratique bancaire avait déjà inclus des engagements pour les emprunteurs notamment à travers des obligations de reporting ESG/RSE dans la documentation de crédit. Cependant, l’engouement autour des critères ESG/RSE a poussé les praticiens à proposer de nouveaux instruments de dettes, notamment les crédits à impact ou ESG-linked Loans (les « Prêts ESG »). La société Philips est la première société à avoir souscrit ce type de prêt en avril 2017 et, plus récemment en France, Agrial a opéré le refinancement de sa dette financière en tenant compte des problématiques ESG/RSE. L’originalité des Prêts ESG réside dans l’ajustement à la hausse ou à la baisse de la marge bancaire en fonction des performances ESG/RSE matérialisé soit au regard d’objectifs ESG/RSE à réaliser dans un horizon prédéfini soit au regard d’une note globale ESG/RSE à atteindre. Ce système de « bonus-malus » demeure limité au regard des conséquences financières sur l’emprunteur. Il s’agit d’inciter plus que de sanctionner. La réalisation des objectifs ESG/RSE est mesurée par les indicateurs de performance (key performance indicators). Objectifs et indicateurs ESG/RSE sont précisément détaillés dans la documentation du Prêt ESG au travers d’un protocole de cadrage.
Pour renforcer le contrôle des engagements pris en matière ESG/RSE au titre du Prêt ESG, les parties prévoient le recours à un organisme tiers indépendant pour vérifier chaque année de la durée du plan de financement la sincérité des indicateurs ESG/RSE. Cette vérification externe peut être réalisée par le commissaire aux comptes de la société ou plus fréquemment par une agence de notation ESG.
Afin de centraliser toutes les informations ESG/RSE, la pratique a désigné un agent RSE c’est-à-dire un expert dont le rôle est d’accompagner l’emprunteur dans la sélection, la définition des indicateurs, des objectifs et l’élaboration du mécanisme d’ajustement ESG/RSE. Les modalités d’intervention de l’agent RSE sont définies en partie dans une lettre de mission séparée. Ce rôle se poursuit pendant toute la durée du financement si l’emprunteur réalise que les indicateurs sont inadaptés (méthodologie de calcul) ou que les objectifs ESG/RSE doivent être revus. L’emprunteur et l’agent RSE peuvent décider notamment de l’abandon de certains objectifs sur lesquels l’ajustement de marge ne sera plus réalisé pour la suite du financement.
La pratique ESG du financement est encore très récente et se fonde sur un caractère incitatif plutôt que répressif. Toutefois, pourrait-on inclure dans les cas de remboursement anticipé ou de défaut des contrats de crédit la non satisfaction des objectifs ESG/RSE ? Une telle stipulation serait un changement de paradigme. Néanmoins, si comme l’affirment de récentes études académiques, l’ESG/RSE est vecteur de performance financière pour les entreprises, les prêteurs pourraient avoir intérêt à durcir l’encadrement des objectifs ESG/RSE pour réduire leur risque de crédit.
Avec la contribution de Clément Branchereau, élève-avocat au Barreau de Paris.