Article | 04/03/20 | 4 min. |
La question de la prise en charge des pertes d’exploitation des entreprises françaises en situation d’arrêt temporaire d’activité du fait de l’épidémie se pose que ce soit du fait de l’absence des salariés depuis le début du mois de février 2020, qui impacte sur la productivité, ou encore du fait des récentes mesures prises au niveau national et local, et notamment par le conseil des ministres exceptionnel du 29 février 2020 qui a demandé l’annulation de tous les évènements de plus de 5 000 personnes en milieu confiné ou encore l’arrêté du Préfet de l’Oise interdisant tout rassemblement collectif, qui génèrent de nombreuses annulations d’évènements professionnels. Mais on peut également citer en tant que conséquence indirecte la baisse d’activité que vont connaitre certaines entreprises du fait de la baisse de fréquentation des commerces qui ne sont pas de première nécessité.
Les entreprises s’imaginent généralement qu’elles seront garanties par leur contrat d’assurance au titre de la garantie des pertes d’exploitation.
Pourtant, dans la majorité de ces contrats, ces pertes d’exploitation ne sont couvertes que pour autant qu’elles soient consécutives à un dommage matériel, que celui-ci soit lui-même garanti (garantie dite des DIC) ou non (DINC), lui-même pouvant être imputable à un évènement dénommé - vol, incendie, dégât des eaux, tempête – ou à tout type d’évènement, pourvu qu’il cause un dommage matériel aux biens de l’entreprise à l’origine de sa baisse d’activité.
Or, l’épidémie ou la pandémie, s’ils pourraient être des « évènements » déclencheur de la garantie, ne créent pas pour autant de dommage matériel.
En conséquence, il est donc à prévoir qu’un grand nombre d’entreprises se retrouvent sans aucune garantie des pertes d’exploitation consécutives à l’épidémie du Covid-19.
C’est d’ailleurs l’une des conclusions de l’étude menée par l’AMRAE (Association pour le Management des Risques et des Assurances de l’Entreprise) en février 2020 qui démontre que près de 70% des entreprises interrogées n’ont souscrit de garantie des pertes d’exploitation qu’en cas de dommage matériel. Dès lors, ces entreprises seront en déficit de couverture.
Reste donc environ 30% d’entreprises qui ont anticipé la souscription d’une garantie spécifique de pertes d’exploitation sans dommages, notamment après certains évènements de grande ampleur telle que la crise sanitaire en 2009 liée au virus H1N1.
Toutefois même en présence d’une telle couverture, une prise en charge par leur assureur n’est pas certaine. D’une part, l’AMRAE précise que sur la totalité des entreprises interrogées disposant d’une couverture des pertes d’exploitation sans dommage, seuls 40% des contrats garantissent les pertes liées à une épidémie / pandémie. D’autre part, même en présence d’une garantie des épidémies / pandémies, elle peut être limitée et certaines maladies peuvent être exclues. A titre d’exemple, à la suite du Syndrome Respiratoire Aigüe Sévère (SRAS) apparu en 2002, certains assureurs ont ajouté une clause d’exclusion spécifique à ce risque et il n’est pas impossible qu’une telle exclusion soit suffisamment large pour s’appliquer au Covid-19.
Quoiqu’il en soit, les entreprises qui souscriraient aujourd’hui une assurance pour couvrir les conséquences du Covid-19 ne pourraient voir cette garantie s’appliquer qu’à des épidémies futures, et non au risque actuellement réalisé.
L’espoir pour ces nombreuses entreprises pourrait venir des différents gouvernements. En effet, et afin de limiter les lourdes conséquences financières pour les entreprises chinoises faisant face au même problème de couverture d’assurance de ce risque que les entreprises françaises, la Commission de règlementation des banques et des assurances de Chine (China Banking and Insurance Regulatory Commission, CBIRC) a lancé un partenariat avec une douzaine d’assureurs afin de proposer un contrat d’assurance garantissant les pertes d’exploitation des entreprises touchées, en prévoyant une subvention publique d’une partie des primes d’assurance.
Du côté français, rappelons que le Ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, et sa secrétaire d’État, Agnès Pannier-Runacher, ont réuni vendredi 21 février dernier les principales fédérations de l’industrie et des services afin de faire le point sur les conséquences de l’épidémie et tenter de prendre des mesures préventives pour accompagner les entreprises risquant de se trouver en difficulté du fait de la chute des achats par les chinois ou de l’arrêt des livraisons de produits et composants made in China.
Si des mesures préventives ont pu être prises, il est probable que des mesures curatives, dont la question de la couverture de la pertes d’exploitation, soit également à l’étude avec l’accélération de la propagation de l’épidémie.