Dans un arrêt du 29 janvier 2013, la Cour administrative d’appel de Lyon (2ème chambre - formation à 3, 29 janvier 2013 (requête n°12LY00100), M. et Mme A. c/ ministre de l'Economie et des Finances) s’est prononcée au sujet de l’application du taux majoré d’imposition des plus-values immobilières réalisées par les non-résidents (majoration à 33,33%). Nous avions déjà plusieurs décisions relatives à ce sujet mais l’arrêt de la Cour d’appel de Lyon apporte quelques précisions et pourrait conforter les actions en demande de remboursement de trop-perçu d’imposition pour les associés de SCI établis dans des pays tiers à l’UE ou à l’EEE.
1. Cet arrêt confirme la solution selon laquelle l'imposition des plus-values immobilières des résidents des Etats tiers à l'Union européenne et à l’Espace économique européen prévue à l'article 244 bis A du CGI est discriminatoire et contraire au principe de libre circulation des capitaux entre les Etats membres et les Etats tiers (article 56 du traité CE, devenu l'article 63 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne).
D’autres juridictions avaient déjà invalidé le taux d’imposition spécifique de 33,1/3 % appliqué à des résidents suisses mais leurs décisions étaient alors fondées sur l’application des dispositions de la convention fiscale franco-suisse de 1966 en matière de double imposition. Ainsi le Tribunal administratif de Paris et la Cour administrative d’appel de Versailles avaient déjà retenu que des contribuables personnes physiques, résidents de Suisse, devaient pouvoir bénéficier du même taux d’imposition que les résidents fiscaux français (actuellement 19 % + 15,5 % de prélèvements sociaux) en application des dispositions de l’article 15.4 de la convention franco-suisse (Tribunal administratif de Paris, 20 mai 2010, n° 07-11610, 2e sect., 3e ch., JMA ; Cour administrative d'appel de Versailles, 21/07/2011, 10VE04101, inédit au recueil Lebon ; Cour administrative d'appel de Paris, 9ème Chambre, 31/05/2012, 10PA04737 ; Cour administrative d’appel de Versailles, 6ème chambre, 19/01/2012, 11VE00789). La Cour administrative d'appel de Paris (affaire n°07PA01366 du 16 octobre 2008 ; Adida) avait même été plus loin en validant ce raisonnement en application de l’article 26 (clause d’égalité de traitement) de la convention fiscale franco-suisse lorsque la requérante était une société exerçant une activité civile et non un particulier.
Le Tribunal administratif de Montreuil (TA Montreuil, 8 décembre 2011, n°1104045) avait également confirmé cette solution en se fondant sur la violation du principe européen de libre circulation des capitaux pour invalider la majoration de taux au cas d’une cession d’immeuble réalisée par une SCI détenue par un associé établi en Suisse. Néanmoins, cette solution avait été infirmée par la Cour administrative d’appel de Versailles (CAA Versailles du 7 juin 2012, 11VE03607, Beaufour) au motif que la différence de traitement, qui conduit à imposer différemment les résidents d’Etats tiers ou des résidents d’Etats membres, était certes contraire à la liberté de circulation des capitaux mais était justifiée en application de la « clause de gel » prévue par le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (art. 64). Cette clause permet aux Etats de maintenir des dispositions nationales relatives aux mouvements de capitaux contraires au principe de libre circulation des capitaux avec les pays tiers mais sous réserve qu’elles impliquent des investissements directs et qu’elles soient établies avant le 31 décembre 1993. La Cour d’appel avait estimé qu’au cas d’espèce, il s’agissait d’un investissement direct et que la « clause de gel » pouvait s’appliquer.
2. La Cour administrative d’appel de Lyon confirme pourtant la position retenue par le TA de Montreuil en 2011 en retenant le fondement de droit européen et en excluant l’application de la « clause de gel » ainsi que le motif tiré de la lutte contre l’évasion fiscale (article 65 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne).
Elle a considéré que le motif tiré de l’application de « clause de gel » était inopérant dès lors que cette clause ne pouvait être activée par les Etats que pour les dispositions demeurées applicables de manière ininterrompue depuis le 31 décembre 1993 alors que les dispositions permettant d’assujettir les SCI au taux majoré d’imposition résultent des dispositions de l’article 50 de la loi du 30 décembre 2004. En procédant ainsi, la Cour sort du débat relatif au caractère direct ou indirect de l’investissement immobilier réalisé par une SCI.
La Cour a encore précisé que le moyen tiré de la lutte contre l’évasion fiscale est également inopérant pour justifier une différence de traitement puisque les cédants, résidents fiscaux ou non de France, « sont placés dans la même situation au regard du paiement de l'impôt » et qu’il « ne saurait y avoir un risque d'évasion fiscale, la matière imposable étant en France ». Qu’ainsi, si « l'absence de signature avec la France d'une convention fiscale d'assistance est de nature à justifier l'institution d'un prélèvement libératoire » à charge du contribuable, « la même absence ne saurait à elle seule justifier un taux d'imposition majoré ».
En pratique, la différence de traitement entre résidents et non-résidents est sur ce point renforcée puisque seuls les non-résidents ont l’obligation de désigner un représentant fiscal en France responsable du paiement de l’impôt et assurant à l’administration une totale sécurité quant au recouvrement de l’impôt.
Notons que l’obligation de désignation d’un représentant fiscal en France représente en pratique pour les non-résidents un coût supplémentaire de l’ordre de 1 % ou 1,5 % du prix de cession. En effet, le cédant non-résident ignore très souvent que l’instruction administrative de 2004 lui offre la possibilité de désigner (assez simplement) une personne de son choix qui pourra demander à être accréditée par l’administration française. Bon nombre de notaires ont pris l’habitude de travailler avec des sociétés accréditées de manière permanente par l’administration et ces dernières facturent librement leurs services.
3. La décision rendue par la Cour administrative d’appel élargit donc les recours envisageables, puisqu’avant que cette solution ne soit validée, les requérants ayant cédé leurs biens via une SCI ne semblaient pouvoir fonder leur action visant à faire invalider la majoration de taux que sur l’article 26 du traité franco-suisse. Certes, les résidents d’Etats ayant conclu avec la France des conventions fiscales comprenant des clauses similaires d’égalité de traitement pouvaient également tenter de demander la réduction du taux d’imposition, mais la mise en œuvre de ces clauses reste incertaine et ils n’avaient (à notre connaissance) qu’un seul cas de jurisprudence sur lequel étayer leur requête.
Aujourd’hui, en se fondant sur le principe européen de libre circulation des capitaux, il est possible de demander le remboursement de la majoration d’imposition, non seulement pour les associés de SCI établis en Suisse, mais également pour les associés de SCI établis dans un autre Etats tiers à l’UE et à l’EEE.
Reste à espérer que la solution rendue par la Cour administrative d’appel pourra s’appliquer aux cessions réalisées directement par des personnes physiques sans que la « clause de gel » ne puisse être invoquée dans ce cas.
On peut souhaiter que le Conseil d’Etat se prononce rapidement sur le sujet car le recours aux seules dispositions de la convention fiscale limite le nombre de candidats à un possible remboursement et ce d’autant plus que, depuis le 1er janvier 2013, l’administration fiscale française a abandonné sa tolérance administrative visant à permettre aux bénéficiaires du régime du forfait fiscal en Suisse d’invoquer les dispositions de la convention franco-suisse de 1966. Il y a donc pour les contribuables concernés un vrai risque de double imposition avec taux majoré en France en l’absence de protection conventionnelle.
Il ne faut cependant pas attendre la réponse du Conseil d’Etat pour engager les procédures de demande de remboursement puisque, conformément aux dispositions de l’article R 196-1 du LPF, ces demandes ne peuvent être introduites que jusqu’au 31 décembre de l’année qui suit celle au cours de laquelle les prélèvements ont été opérés.
Avis donc aux résidents d’Etats tiers ayant récemment cédé un bien immobilier en France et ayant supporté un impôt de 33,1/3 % : si vous souhaitez solliciter un remboursement d’impôt, mieux vaut ne pas tarder à introduire la procédure !
Suzanne Seran - Counsel