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Renseignements inexacts et gun jumping : à l’instar de l’Autorité de la concurrence, la Commission européenne hausse le ton en matière de contrôle des concentrations

Article Droit de la concurrence, consommation et distribution Contrats commerciaux et internationaux | 10/07/17 | 5 min. | Renaud Christol

En matière de contrôle des concentrations, les règles sont identiques au niveau français et au niveau communautaire : il est interdit de communiquer des renseignements inexacts dans le cadre de la procédure d’examen et il est interdit de réaliser l’opération de concentration avant qu’elle soit autorisée.

Ces deux interdictions avaient, jusqu’à présent, fait l’objet de peu de décisions et de montants de sanctions peu élevés[1]. Au cours des derniers mois, les praticiens ont constaté un accroissement très sensible du nombre de dossiers sur ce sujet et du montant des amendes prononcées, signe d’une vigilance accrue de la part des autorités de contrôle.

Tout a commencé en France. En novembre 2016, Altice Luxembourg et SFR Group ont été solidairement condamnées à une amende de 80 millions d’euros par l’Autorité de la concurrence[2]. L’Autorité de la concurrence a considéré qu’Altice avait réalisé de manière anticipée deux opérations de concentration notifiées en 2014 : la prise de contrôle du groupe SFR et la prise de contrôle du groupe OTL.

Au niveau communautaire, en mai 2017[3], la Commission européenne (la « Commission ») a adressé une communication des griefs à Altice dans laquelle elle soutient qu'Altice aurait réalisé l'acquisition de l'opérateur de télécommunications PT Portugal avant de l'avoir notifiée ou d'y avoir été autorisée.

En matière de renseignements inexacts, la Commission a très récemment infligé à Facebook une amende de 110 millions d'euros pour avoir communiqué des renseignements inexacts ou dénaturés dans le cadre de l'enquête qu'elle a menée en 2014 lors du rachat de WhatsApp par Facebook[4].

C’est dans ce climat tendu que la Commission a adressé, ce 6 juillet 2017, à Merck et Sigma-Aldrich, à General Electric (« GE ») et à Canon trois communications des griefs distinctes afin de les informer qu'elles avaient violé les règles de procédure de l'UE en matière de concentrations.

Plus précisément, la Commission a informé l'entreprise allemande Merck KGaA/Sigma-Aldrich de sa conclusion préliminaire selon laquelle les renseignements qui lui avaient été fournis dans le cadre du rachat de Sigma-Aldrich par Merck étaient inexacts ou dénaturés. Merck et Sigma-Aldrich ne lui avaient pas fourni des informations importantes sur un projet d'innovation présentant de l'intérêt pour certains produits chimiques de laboratoire au centre de son analyse.

La Commission a également informé l'entreprise américaine GE de sa conclusion préliminaire selon laquelle cette dernière lui a communiqué des renseignements inexacts ou dénaturés au cours de son enquête sur le projet de rachat de LM Wind par GE. GE n'aurait pas fourni d'informations à la Commission concernant ses activités de recherche et de développement et la mise au point d'un produit spécifique.

Si la Commission devait conclure que Merck, Sigma-Aldrich et GE ont, de propos délibéré ou par négligence, fourni des renseignements inexacts ou dénaturés, elle pourrait leur infliger une amende pouvant aller jusqu'à 1 % de leur chiffre d'affaires annuel mondial.

Enfin, la Commission soutient que la société japonaise Canon Inc. a enfreint le règlement de l'UE sur les concentrations en procédant à l'acquisition de Toshiba Medical Systems Corporation avant de la lui notifier et d'obtenir son autorisation.

La Commission estime à titre préliminaire que Canon a utilisé une structure de transaction en deux étapes dite de «portage» qui fait intervenir un acquéreur provisoire. L'acquéreur provisoire a d’abord acquis 95 % du capital social de Toshiba Medical Systems pour un montant de "800 euros", alors que Canon a versé" 5,28 milliards d'euros" pour les 5 % restants et pour des options sur la participation de l'acquéreur provisoire. Cette première étape a été réalisée avant que l'opération soit notifiée à la Commission ou autorisée par celle-ci. Dans un deuxième temps, une fois la concentration autorisée par la Commission, les options sur actions ont été exercées par Canon, qui a ainsi acquis 100 % des parts de Toshiba Medical Systems. Si la Commission devait conclure que Canon a effectivement réalisé l'opération avant de l'avoir notifiée ou d'y avoir été autorisée, elle pourrait lui infliger une amende jusqu'à concurrence de 10 % de son chiffre d'affaires total annuel.

Sur son compte twitter, la Commissaire à la concurrence a posté : « 3 X Statements of Objections in 3 separate cases : Not giving full/accurate information or putting a merger into effect before cleared. Don’t ». Le message est limpide.


[1] Notamment, arrêté du ministre de l’économie, des finances et de l’emploi du 28 janvier 2008 SNCF Participations / Novatrans, arrêté du ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi du 7 mai 2008 Bigard / Arcadie Ouest et lettre de sanction du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie du 8 décembre 2007 Panfish.

[2] Décision 16-D- 24 relative à la situation du Groupe Altice au regard du II de l'article L.430-8 du code de commerce.

[3] http://europa.eu/rapid/press-release_IP-17-1368_fr...

[4] http://europa.eu/rapid/press-release_IP-17-1369_fr...



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