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L'importance de la déclaration de l'activité professionnelle à l'assureur

Article | 04/07/16 | 6 min. |

Banque - Finance

L’activité mal ou insuffisamment déclarée peut aboutir a un refus de garantie, mais la Cour de cassation veille a la protection des intérêts des assures et des tiers victimes – civ. 3eme, 24 mars 2016, n°15-12745.

À la suite d’un incendie causé par des travaux de remise en étanchéité d’une toiture, le propriétaire du bâtiment incendié a sollicité, par la voie de l’action directe, la garantie de l’assureur de Responsabilité Civile Professionnelle de l’entreprise intervenue en toiture. Ne disposant que de l’attestation d’assurance que l’entreprise de travaux lui avait remise avant ouvrage, la victime se prévalait de cette attestation stipulant que l’assureur garantissait son activité principale de « chaudronnier avec travaux extérieurs » et secondaire « serrurier métallier, charpentier fer », dès lors que l’incendie avait été causé par des travaux sur une charpente-fer.

L’assureur a refusé sa garantie au motif que les travaux d’étanchéité à l’origine de l’incendie n’entraient pas dans le champ de sa garantie, faute de correspondre à une activité déclarée.

Par arrêt du 27 novembre 2014, la Cour d’appel de Douai a fait droit à la position de l’assureur, considérant que les travaux à l’origine du sinistre ne relevaient pas de l’activité principale déclarée à l’assureur lors de la souscription du contrat. La Cour d’appel estimait que les travaux litigieux portaient exclusivement sur la réparation de fuites en toiture, de sorte qu’ils n’étaient ni accessoires ni complémentaires à l’une des trois seules activités déclarées par l’assuré (chaudronnier, serrurier métallier et charpentier fer), ni ne constituaient une simple modalité d’exécution des travaux relevant de ces activités.

Dans son pourvoi, la victime soulignait au contraire qu’aux termes d’une annexe de l’attestation d’assurance, il était précisé que l’activité charpentier fer « comprend également les travaux de pose d’éléments de couverture » sans référence à la nécessité de réaliser ces travaux en complément et/ou accessoirement à l’activité de charpentier fer. Partant la garantie devait s’appliquer dès lors que l’assuré était intervenu sur un ouvrage de charpente de fer, peu importe que ce soit en complément ou accessoirement à la construction d’un tel ouvrage.

La Cour de cassation devait ainsi se prononcer sur la portée d’une annexe visée par l’attestation d’assurance en matière d’activité déclarée et donc garantie.

Le 24 mars 2016, la 3ème chambre civile de la Cour de cassation a rappelé au visa de l’article 1134 du Code civil qu’« aux termes de l'annexe de l'attestation d'assurance, l'activité « charpentier fer » comprend également les travaux de pose d'éléments de couverture, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis de cette attestation, a violé le texte susvisé. »

Sous couvert d’une solution classique selon laquelle, pour les tiers, la justification des garanties peut prendre la forme d’une attestation (I), le présent arrêt nous permet de rappeler qu’assurés et assureurs, mais aussi les tiers qui se voient remettre des attestations d’assurance de leurs cocontractants, doivent rester vigilants sur l’activité déclarée dès lors qu’elle participe à la délimitation de la garantie (II).

I. L’attestation d’assurance : preuve de l’étendue de la garantie

Il est de principe qu’une police d’assurance ne couvre que le risque déclaré par l’assuré. En matière d’assurance de Responsabilité Civile professionnelle, le risque porte nécessairement sur l’activité déclarée par le professionnel. En conséquence, seules les activités, et plus précisément le(s) secteur(s) d’activité déclaré(s) par ce dernier seront garantis. La Cour de cassation rappelle ainsi régulièrement que « la garantie de l’assureur ne concerne que le secteur d’activité déclaré par le constructeur »[1]. Enfin, et pour déterminer, si cette activité entre dans le champ de la garantie, les magistrats doivent se référer à l’attestation d’assurance délivrée par l’assureur[2].

Dans l’espèce commentée, l’attestation d’assurance renvoyait spécifiquement aux trois activités susvisées mais aussi à une annexe jointe à l’attestation pour « les activités tolérées » participant donc à l’étendue de la garantie. Elle énonçait comme activité tolérée la pose d’éléments de couverture dans l’activité « charpentier fer » sans préciser les modalités d’exercice de cette activité, i.e. principale ou accessoire aux activités principales.

L’arrêt d’appel considérait que la pose d’éléments de couverture ne pouvait être qu’une activité complémentaire ou accessoire à celle de charpentier fer.

Or, dès lors que l’annexe précisait qu’il s’agissait d’une activité tolérée et qu’elle n’indiquait pas qu’il fallait que cette activité soit complémentaire ou accessoire à celle de charpentier fer, la pose d’éléments de couverture devait être interprétée comme une activité garantie, en soi, lorsqu’elle était réalisée sur une charpente de fer et non seulement à l’occasion de la construction d’un tel ouvrage.

Ainsi, en cassant l’arrêt d’appel au visa de l’article 1134 du Code civil, la Cour de cassation rappelle (i) classiquement que les activités déclarées et garanties se retrouvent dans l’attestation d’assurance et ses annexes et (ii) implicitement que les assureurs doivent rester vigilants lorsqu’ils procèdent à la rédaction des polices, mais aussi des attestations et annexes.

II. Le rappel des obligations de vigilance de l’assureur dans la rédaction de sa police

La clause litigieuse était rédigée de la façon suivante : « Pose d’éléments de couverture et de bardage, lorsque ceux-ci sont fixés directement à l’ossature. ». L’interprétation de l’assureur, suivie par la cour d’appel, était particulièrement périlleuse dès lors que les modalités d’exercice de la pose d’éléments d’étanchéités n’étaient pas conditionnées.

La stricte lecture de la Cour de cassation apparait fondée dès lors qu’en réalité la cour d’appel était venue ajouter une condition supplémentaire à la clause litigieuse. Elle est également dans la droite lignée de la jurisprudence énonçant que les clauses ambiguës s’interprètent en faveur de l’assuré. À cet égard, le débat sur l’interprétation d’une clause a acquis, depuis le 1er juillet 2016[3], une solution claire et nette : le doute quant à l’interprétation d’une clause d’assurance doit se faire en faveur de l’assuré, (solution classique) sans référence à la qualité de l’assuré, i.e. professionnel/non-professionnel (nouveauté).

En effet, l’articulation de l’article L. 211-1 al. 2 du code de la consommation (ancien L. 133-2) et son nouvel article préliminaire, amène à considérer que tout assuré, autre qu’un professionnel de l’assurance, doit être considéré comme un non-professionnel et bénéficie de la règle d’interprétation en sa faveur des clauses ambiguës.

Les assureurs sont ainsi appelés à faire preuve de la plus grande vigilance sur l’étendue des garanties accordées tant dans le corps de la police que dans les attestations et s’assurer de l’efficacité des clauses définissant l’étendue de la couverture.


[1] Civ. 3ème, 17 décembre 2003, n° 02-11539

[2] Civ. 3ème, 5 décembre 2012

[3] Ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016 pour la définition du non professionnel et Loi n°2014-344 du 17 mars 2014 pour la définition du consommateur

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