Article Droit de la propriété intellectuelle, média et art Brevets | 03/06/16 | 3 min. | Grégoire Desrousseaux François Pochart
Invention de salarié : implications pratiques de la nouvelle obligation d’information pour les employeurs
L’article 175 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 - dite « Loi Macron » - modifie l’article L. 611-7 du Code de la propriété intellectuelle en introduisant une obligation d’information à la charge de l’employeur. Désormais, l’article L. 611-7 dispose :
L’employeur informe le salarié auteur d’une telle invention lorsque cette dernière fait l’objet du dépôt d’une demande de titre de propriété industrielle et lors de la délivrance, le cas échéant, de ce titre.
Cet article s’applique aux inventions de mission, à savoir les inventions réalisées par un salarié dans l’exécution d’un contrat de travail comportant une mission inventive ou d’études qui lui sont confiées (pour rappel, l’invention de mission appartient à l’employeur et implique le versement au salarié d’une rémunération supplémentaire).
Cette obligation porte sur toutes les demandes déposées à compter du 8 août 2015, date d’entrée en vigueur de cette disposition. Le texte ne mentionne pas les demandes en cours d’examen à cette date. Une pratique prudente consistera à informer, au plus tôt, les salariés de la délivrance des titres même déposés antérieurement à la loi.
Tous les titres de propriété industrielle devraient être concernés. Bien entendu, il s’agit des brevets, divisionnaires, certificats d’utilité, vraisemblablement certificats complémentaires de protection, mais peut-être également chaque titre étranger. Une approche prudentielle serait de ne pas se limiter aux seuls titres nationaux mais de les viser tous, notamment le titre européen – surtout s'il a effet en France. De fait, la délivrance du brevet à l'étranger est un des éléments retenus par la CNIS et les tribunaux pour l'appréciation de la rémunération supplémentaire.
L’employeur doit informer tous les salariés auteurs d’une invention de mission. Dans le silence du texte, outre les salariés français auteurs d’une invention de mission en France, rien ne permet d’exclure notamment :
- les salariés français détachés auteurs d’une invention de mission hors de France, employés par une société française,
- les salariés étrangers auteurs d’une invention de mission en France, ou encore
- les anciens salariés.
En l’absence de dispositions spécifiques, l’employeur reste libre d’informer le salarié selon les modalités qu’il définit. Par exemple, l’information peut prendre la forme d’une transmission de :
- la copie de la demande, le cas échéant du brevet délivré,
- des formulaires de dépôt, ou
- une simple déclaration de l’employeur.
Aucun délai n’est imposé pour cette information. Il nous paraît prudent de respecter un délairaisonnable (difficilement supérieur à plusieurs mois).
Aucune sanction n’est prévue dans la loi à l’encontre de l’employeur qui a manqué à son obligation d’information. Pourtant, nous pouvons facilement imaginer que tout manquement portera nécessairement préjudice à l’employeur au stade du contentieux de la rémunération supplémentaire. En effet, le salarié pourra certainement soulever le manquement de l’employeur pour contester la prescription (souvent opposée par l’employeur) de sa demande en paiement au motif qu’il n’a pas eu connaissance du dépôt, le cas échéant, de la délivrance d’un brevet, élément que l’inventeur pourrait considérer comme essentiel pour lui permettre de chiffrer le montant de la créance réclamée.
Compte tenu des enjeux financiers importants, la mise en place de procédures internes ad hoc est donc très vivement recommandée. Contrairement aux vœux du Législateur, nous craignons que cette nouvelle obligation ne permette pas de « limiter le contentieux, susceptible de naître, relatif à la rémunération supplémentaire ».
Grégoire Desrousseaux, associé
François Pochart, associé
Ambre Fortune, avocat