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Projet de loi Sapin II : les premières images

Article | 29/12/15 | 5 min. |

Compliance

La toute dernière version du « projet de loi sur la transparence de la vie économique », qui devrait être débattu à l’Assemblée Nationale au début de l’année 2016, annonce des changements importants dans le dispositif répressif français en matière de corruption et de conformité internationale. Le texte a été baptisé « loi Sapin II », en référence à loi anti-corruption de 1993, dont Michel Sapin était également à l’origine. Si les modalités pratiques ne sont pas encore précisément arrêtées (et devront, en tout état de cause, être discutées à l’Assemblée Nationale et au Sénat), les contours de la réforme en matière de lutte contre la corruption semblent se dessiner. Ils s’inspirent du monitorship prévu par le Foreign Corrupt Practices Act (FCPA) américain.

I. La création d’une agence nationale de prévention et de détection de la corruption

Pour l’heure, le dispositif envisagé repose sur la création d’une agence nationale (« l’Agence ») investie de nombreuses missions et dotée de larges prérogatives afin de lutter contre la corruption.

La première mission de l’Agence, d’ordre général, consistera notamment dans l’établissement d’une cartographie des risques, la définition d’un plan pluriannuel de lutte contre la corruption et la coordination de la position française au sein des instances internationales. L’Agence assumera également un rôle de soutien (au besoin financier) des lanceurs d’alerte.

La deuxième mission de l’Agence concernera les acteurs publics. Elle sera chargée d’émettre des avis sur l’intégrité des cocontractants des personnes publiques et produira des lignes directrices sur les procédures internes de prévention et de détection de la corruption au sein des institutions publiques. Elle contrôlera et conseillera les institutions publiques sur ces questions.

La troisième mission visera spécifiquement les acteurs économiques. L’Agence émettra des lignes directrices relatives à la nouvelle obligation de prévention de la corruption (détaillée ci-après) et contrôlera son respect. Elle aura compétence pour apprécier la validité des plans de prévention et de détection de la corruption mis en oeuvre ainsi que les programmes de mise en conformité. Enfin, elle sera chargée de contrôler le respect de la loi n°68-678 du 26 juillet 1968 (dite « de blocage ») en cas de procédure étrangère de mise en conformité.

L’Agence disposera pour l’accomplissement de ses missions de pouvoirs très étendus : elle pourra entendre toute personne, se faire communiquer tout document et procéder à des vérifications sur place. Elle pourra se faire communiquer des informations sur les décisions de justice mais aussi sur les procédures en cours notamment pour formuler des avis sur l’intégrité des cocontractants des personnes publiques.

II. L’instauration d’une obligation de prévention contre les risques de corruption

Le projet de loi Sapin II crée une obligation de prévention contre les risques de corruption. Elle s’imposera (i) aux sociétés employant au moins 500 salariés et (ii) aux sociétés appartenant à un groupe employant au moins 500 salariés et dont le chiffre d’affaires est supérieur à 100 millions d’euros (et à leurs dirigeants). Ils devront prendre des mesures « effectives » destinées à prévenir et détecter la commission, en France ou à l’étranger, de faits de corruption ou de trafic d’influence à savoir :

  1. Adopter un code de conduite décrivant les comportements à proscrire ;
  2. Mettre en oeuvre un dispositif d’alerte interne ;
  3. Établir une cartographie des risques (régulièrement actualisée et détaillant les risques de sollicitations externes en fonction du secteur d’activité et des zones géographiques) ;
  4. Mettre en oeuvre une procédure de vérification de l’intégrité des clients, des fournisseurs, des partenaires et des intermédiaires ;
  5. Réaliser des contrôles comptables internes ou externes ;
  6. Dispenser une formation aux cadres de la société ainsi qu’aux personnels les plus exposés ;
  7. Instaurer une politique de sanctions disciplinaires.
Comme évoqué ci-avant, l’Agence émettra des lignes directrices, regroupant les bonnes pratiques pour guider les sociétés dans la mise en oeuvre de ce plan. En cas de manquement, elle pourra mettre en demeure le contrevenant. À défaut, la commission des sanctions de l’Agence pourra adresser des injonctions de mise en conformité et prononcer des sanctions (jusqu’à 200.000 euros pour les personnes physiques et 1.000.000 euros pour les personnes morales éventuellement assorties de mesures de publication).



III. La création d’une peine complémentaire de mise en conformité

La peine complémentaire de mise en conformité prévue par le nouvel article 131-39-1 du Code pénal, d’une durée de trois ans maximum, consistera en une obligation de mettre en oeuvre un programme de conformité sous le contrôle de l’Agence. Les frais engendrés par cette mesure seront mis à la charge du condamné (sans toutefois pouvoir excéder le montant de l’amende encourue au titre de l’infraction ayant justifié le prononcé de la peine). Cette peine complémentaire pourra être prononcée en cas de condamnation pour des délits de corruption ou de trafic d’influence. En cas de violation de l’obligation de mise en conformité, de lourdes sanctions sont également prévues (deux ans d’emprisonnement et 400.000 euros d’amende ou 2.000.000 euros pour les personnes morales, ces sanctions pouvant être portées aux montants prévus pour l’infraction à l’origine du prononcé de la peine complémentaire de mise de conformité). Des peines complémentaires d’affichage et de diffusion de la décision pourront également être prononcées. Le texte prévoit, en outre, la « prise en compte » de l’existence d’un plan de détection anti-corruption pour diminuer la peine en cas de condamnation pour des faits de corruption.

À côté de ces mesures phares, le projet instaure un délit de trafic d’influence d’agent public étranger et vise à favoriser la poursuite des délits de trafic d’influence et de corruption commis à l’étranger puisqu’il en supprime certaines conditions préalables : (i) la nécessité que les délits soient réprimés dans le pays de commission des faits et (ii) la nécessité d’une plainte préalable du parquet. Il prévoit également la création d’un répertoire national des représentants d’intérêts ainsi que des dispositions relatives à la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme.

Si de nombreuses entreprises françaises, soumises aux dispositions du FCPA et du UK Bribery Act faisaient déjà preuve d’une grande maturité en matière de compliance, ce texte constitue une véritable révolution dans la législation française anti-corruption. Il met à la charge des entreprises de très lourdes obligations. Espérons que leur respect les mettra véritablement à l’abri des poursuites, ainsi que leurs dirigeants.

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