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E-commerce transfrontalier : la validité d'une clause de droit applicable

Article IT et données personnelles Droit de la concurrence, consommation et distribution Contrats commerciaux et internationaux | 01/09/16 | 4 min. | Alexandra Berg-Moussa

L’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (« CJUE ») en date du 28 juillet 2016 (affaire C-191/15 Verein für Konsumenteninformation c/ Amazon EU SARL) porte sur les conditions générales de vente d’Amazon EU SARL (« Amazon ») applicables aux consommateurs, lesquelles contiennent une clause de droit applicable en faveur du droit de l’État membre dans lequel Amazon a son siège. En d’autres termes, Amazon - qui a son siège social au Luxembourg - applique le droit luxembourgeois dans le cadre des relations avec sa clientèle.

Verein für Konsumenteninformation − une association de protection des consommateurs établie en Autriche − a introduit devant la justice autrichienne une action dite « en cessation ». Cette action en cessation vise à faire interdire l’utilisation par Amazon de clauses considérées abusives figurant dans ses conditions générales de vente (« CGV ») à l’égard de consommateurs résidant en Autriche, parmi lesquelles la clause désignant le droit luxembourgeois (i.e. lieu du siège social d’Amazon) applicable en cas de litige.

La juridiction autrichienne saisie du litige pose plusieurs questions préjudicielles à la CJUE. En particulier, elle interroge la CJUE sur :

(i) l’interprétation des règlements (i) du 11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles (« Rome II ») et (ii) du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (« Rome I ») aux fins de déterminer la ou les lois applicable(s) à une action en cessation dirigée contre des clauses illicites de CGV par une entreprise établie dans un État membre qui conclut des contrats par internet avec des consommateurs résidant dans d’autres États membres ; et

(ii) le caractère abusif d’une clause de choix du droit applicable en faveur du droit de l’État du siège du professionnel.

• Détermination de la loi applicable pour l’appréciation du caractère abusif de clauses de CGV dans le cadre d’une action en cessation

Selon la CJUE, l’action en cessation porte sur une obligation non contractuelle résultant d’un fait dommageable au sens du règlement Rome II.

La CJUE, qui suit son avocat général, soutient notamment que la concurrence déloyale, au sens de ce règlement, englobe l’utilisation de clauses abusives insérées dans des CGV − dès lors qu’elle est susceptible d’affecter les intérêts collectifs des consommateurs en tant que groupe et, partant, d’influencer les conditions de concurrence sur le marché.

Il en résulte que la loi applicable à une action en cessation, dirigée contre l’utilisation de clauses contractuelles par une entreprise établie dans un État membre qui conclut des contrats par internet avec des consommateurs résidant dans d’autres États membres, doit être déterminée dans ce cadre. À ce titre, la loi applicable est celle du pays sur le territoire duquel les intérêts collectifs des consommateurs sont affectés ou susceptibles de l’être (lex loci domi). En d’autres termes, est applicable la loi du pays dans lequel résident les consommateurs vers lesquels l’entreprise dirige ses activités et dont les intérêts sont défendus par l’association de protection des consommateurs concernée au moyen de l’action en cessation.

En revanche, la CJUE rappelle que la loi applicable à l’appréciation d’une clause contractuelle donnée doit toujours être déterminée en application du règlement Rome I, que cette appréciation soit effectuée dans le cadre d’une action individuelle ou dans celui d’une action collective.

• Détermination du caractère abusif de la clause de droit applicable aux consommateurs en faveur du droit de l’État du siège du professionnel

La CJUE rappelle que la clause des CGV, qui n’a pas fait l’objet d’une négociation individuelle, désignant le droit luxembourgeois comme loi applicable, sera abusive si elle engendre un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties. À cet égard, selon la CJUE, le caractère abusif d’une telle clause peut notamment découler de sa rédaction. En effet, une telle clause doit être rédigée de manière claire et compréhensible afin de ne pas induire en erreur le consommateur quant au contenu de ses droits.

Une clause qui donne l’impression au consommateur que seul le droit luxembourgeois est applicable au contrat, alors même que le règlement Rome I (article 6, paragraphe 2) dispose que le choix de la loi applicable ne peut pas avoir pour résultat de « priver le consommateur de la protection que lui assurent les règles impératives de son pays de résidence » (c’est-à-dire les règles auxquelles il ne peut être dérogé par accord en vertu de la loi qui aurait été applicable en l’absence de choix) est abusive.

C’est donc l’absence de cette information qui rend la clause abusive. En effet, la CJUE estime qu’est induit en erreur le consommateur auquel il n’est pas précisé qu’il peut bénéficier des dispositions impératives de son droit local, lorsqu’elles sont plus favorables que le droit choisi pour être applicable en cas de litige.

En conséquence, un juge confronté à une clause de choix de la loi applicable devra appliquer, dans le cas où un consommateur ayant sa résidence principale dans un autre État que celui du siège social de l’entreprise, les dispositions impératives auxquelles, selon le droit de son État, il ne peut être dérogé contractuellement.

Dans cette affaire, l’avocat général a néanmoins tenu à dissiper l’inquiétude que pourrait susciter cette décision en précisant qu’il n’est pas attendu du professionnel qu’il liste les lois impératives de l’État de destination applicables.

En pratique, le professionnel devra donc s’assurer d’insérer, dans ses CGV, une stipulation précisant de manière non équivoque que la loi choisie s’impose en cas de litiges sous réserve des règles impératives du pays de résidence du consommateur.

À défaut, toute clause de droit applicable résultant de CGV et ne précisant pas l’application du droit impératif de l’État du consommateur lui sera inopposable.

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