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Complémentaire santé d’entreprise : un décret nommé désir ?

Article Droit du travail et de la protection sociale | 23/03/17 | 4 min. | Isabelle Hadoux-Vallier

Deux ans d’attente quasiment et deux versions d’un projet (soumis à concertation) plus tard pour deux courts articles d’un décret paru au JO du 23 mars 2017. Articles qui poseront – à n’en pas douter - bien plus que deux questions pour les employeurs, les assureurs et les individus concernés.

Voici publié le décret 2017-372 modifiant un texte d’application de la loi Evin du 31 décembre 1989 (sur la protection sociale complémentaire).

Ce décret tend à réorganiser en partie la complémentaire santé, au moment de leur départ, des anciens salariés (retraités, chômeurs et invalides) assurés jusqu’ici via leur employeur.

Le cadre de cette complémentaire santé qui doit être proposée par les assureurs des contrats collectifs - dès qu’ils ont connaissance par l’employeur de la sortie de ces salariés (et du motif de sortie) - est posé par l’article 4 de la loi Evin (et diverses jurisprudences) :

- Pas de sélection médicale, pas de délai de carence,
- Mêmes garanties à niveau identique que celui prévu par le contrat d’assurance pour les salariés en activité,
- Une cotisation d’assurance qui peut être plus importante mais qui était plafonnée (pas plus de 50% des « tarifs globaux applicables aux salariés actifs »),
- Un maintien viager de ce dispositif pour les assurés.

Le but initial de ce système était d’offrir une complémentaire santé protectrice à des personnes jusqu’ici assurées au titre de leur activité professionnelle salariée et qui, du jour au lendemain, devaient rechercher, seules, un contrat jugé nécessaire en complément de la Sécurité sociale.

On le sait : la complémentaire santé entretient beaucoup les conversations depuis 5 ans, sans compter les promesses de beaux lendemains.

Pour les entreprises et les salariés, cela se traduit par :

- Des obligations pour les employeurs, du fait de la loi ou du fait des accords de branche professionnelle négociés pour la cause,
- Une concurrence exacerbée sur le marché de l’assurance santé entre les différents opérateurs,
- Une fiscalisation du financement de ces régimes et une augmentation constatée de redressements Urssaf,
- Des tentatives d’encadrement des pratiques tarifaires des professionnels de santé et de remboursement pour les assurés (contrats responsables),
- Et des individus qui – même si, pour un certain nombre, ils disposent désormais d’une meilleure protection sociale - n’ont peut-être pas encore pris la mesure des changements enclenchés.

Plus globalement, législateur et pouvoir réglementaire se sont attaqués, ces dernières années, à la refonte des contrats complémentaires ouvrant droit à l’aide à la complémentaire santé (ACS), la mise en place de la protection maladie universelle (PUMA) et à des tentatives de contrats complémentaires labellisés pour les plus de 65 ans (hors salariés a priori). Autant de sujets qui pourraient donner le tournis à plus d’un !

Le décret du 21 mars 2017 quant à lui veut protéger les anciens salariés et entend aller plus loin sur l’encadrement tarifaire imposé aux assureurs puisqu’il met en place une progression sur trois ans de l’augmentation de la cotisation :

- La 1e année, même tarif que le tarif global des salariés en activité,
- La 2e année, la cotisation ne peut être supérieure de plus de 25% à ce tarif global,
- La 3e année, la cotisation ne peut être supérieure de plus de 50%.

Toutefois si l’objectif de ce texte est de parachever l’œuvre de la généralisation de la complémentaire santé en France, annoncée et lancée en octobre 2012, il y a de quoi rester perplexe car ce décret va susciter des questions dans son application :

- Plafonnement progressif à compter de la date d’effet du contrat ou de l’adhésion (d’assurance) ; alors que le déclenchement du dispositif (et donc a priori de la 1e / 2e / 3e année) ne correspond-il pas au départ du salarié de l’entreprise ?
- Que se passe-t-il après la 3e année en matière de niveau de cotisation alors que le contrat est maintenu viagèrement (c’est-à-dire tant que l’assuré le souhaite) ?
- La nouvelle mesure s’appliquant aux contrats d’assurance souscrits et aux adhésions intervenant à compter du 1er juillet 2017, comment gérer les différentes générations de contrats et pourquoi cette date d’effet pour des contrats dont l’échéance coïncide pour l’immense majorité au 1er janvier de chaque année ?

Sans compter que les questions originelles mais pendantes de ce dispositif demeurent sans réponse...

L’enjeu pourrait être de taille pour les organismes assureurs sur lesquels repose l’obligation en premier lieu, face surtout à l’effet conjugué de la généralisation de la complémentaire santé des salariés et de l’accroissement inexorable des départs en retraite (principaux bénéficiaires de l’article 4 de la loi Evin).

Les employeurs ne sont pas en reste puisqu’en mettant en place ou en renégociant leurs contrats d’assurance en complémentaire santé pour leurs salariés, voire pour certains en finançant des couvertures pour les retraités, ils devront nécessairement s’intéresser ou être intéressés à ce sujet.

Finalement ce décret du 21 mars 2017 était-il si nécessaire et si désiré? On peut s’interroger…


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