Enfin ! Les décrets de la loi « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » ont été publiés permettant ainsi d’appliquer pleinement les dispositions entrées en vigueur depuis le 1er janvier 2019[1].
Dans un contexte où 50% des emplois seront profondément transformés dans les 10 années à venir, la formation professionnelle des actifs devient un véritable enjeu national. La loi « avenir » donne les clefs pour y faire face.
L’entreprise en tant qu’employeur est érigée en cheville ouvrière de cette réforme. La formation doit être repensée, au-delà des diverses obligations qui pèsent sur elle.
Il convient donc plus que jamais de penser à négocier sur la formation pour construire et optimiser son plan de développement des compétences.
Retour sur les principales mesures de cette réforme.
1. Le CPF : des mesures phares pour renforcer l’attractivité et l’effectivité
Depuis la mise en place du CPF en 2014, le constat était sans appel : Seul 1 actif sur 4 avait ouvert un compte personnel de formation. Moins de 3,6 % avait bénéficié d’une formation dans ce cadre.
Les conséquences sont tirées - le CPF nouveau est arrivé :
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Alimentation en euros : 500 € par an pour un salarié ayant effectué une durée de travail supérieure ou égale à la moitié de la durée légale ou conventionnelle de travail sur l'ensemble de l'année. Le montant du CPF sera en tout état de cause plafonné à 5 000 €
[2] hors abondements divers.
Les heures acquises au 31 décembre 2018 sont converties à hauteur de 15 euros de l’heure.
Exemple : un salarié en CDI à temps plein n’ayant jamais utilisé ses droits (DIF et CPF) bénéficie d’un compteur de 3 240 € au 1er janvier 2019[3].
● Application numérique : plus de fluidité d’utilisation du salarié « consommateur » (suppression des intermédiaires et des documents administratifs, guide pour choisir l’action de formation, paiement de l’organisme de formation directement par l’application, etc…).
● Une liste unique des actions éligibles au titre du CPF : établie par le nouvel organisme « France compétences » accessible depuis l’application numérique. Cette liste intègre notamment les actions inscrites au Registre National des Certifications Professionnelles (RNCP).
● Information obligatoire sur le CPF durant l’entretien professionnel : il s’agit là d’une véritable campagne de communication visant à promouvoir le CPF et reposant sur l’employeur.
● Abondements : élargissement des acteurs pouvant abonder le CPF : Outre le titulaire du compte, 13 acteurs peuvent abonder le CPF : les Opérateurs de compétences (OPCO), l’Unedic, les collectivités territoriales, etc…
Maintien de la possibilité de conclure un accord collectif prévoyant les conditions dans lesquelles des abondements complémentaires sont accordés aux salariés, sous réserve d’en prévoir les modalités de financements correspondantes.
Abondement de 3 000 € minimum pour les salariés licenciés dans le cadre d’un accord de performance collective.
● Allègement des obligations de l’employeur : il n’a plus à se prononcer sur le choix de l’action de formation envisagée par le salarié. Depuis le 1er janvier 2019, son accord est uniquement requis sur le planning de l’action de formation qui se déroule sur le temps de travail.
Il est à noter que la loi ne fixe toujours pas les conditions dans lesquelles l’employeur peut refuser ou différer une demande de CPF sur le temps de travail. Si le CPF remporte le succès escompté, les employeurs pourraient en pratique être confrontés à des demandes simultanées trop nombreuses susceptibles de désorganisation. Un accord collectif s’avérerait alors être un outil précieux permettant d’arbitrer les demandes -par exemple en fonction de catégories prioritaires identifiées dans l’entreprise- et ainsi d’organiser les différentes périodes d’absences sans que cela ne nuise à l’organisation de l’entreprise.
2. Le Congé de Transition Professionnelle (CTP)
Anciennement le congé individuel de formation revisité.
● Objet et durée du CTP : le CTP concerne les formations visant à changer de métier ou de profession. Le salarié qui envisage un CTP mobilise son CPF. La durée du CTP est calée sur la durée de l’action de formation sans limitation de durée.
● Ancienneté requise : mêmes conditions que pour le CIF :
- 24 mois d’activité consécutifs ou non dont 12 mois dans la même entreprise quelle que soit la nature des contrats ;
- 24 mois d’activité consécutifs ou non au cours des 5 dernières années dont 4 mois consécutifs ou non sous CDD au cours des 12 derniers mois.
Ces conditions d’ancienneté ne sont pas applicables aux salariés handicapés/ licenciés pour motif économique ou pour inaptitude n’ayant pas bénéficié de formation entre le licenciement et leur réemploi.
●
Accompagnement et validation du CTP : accompagnement par un Conseil en Evolution Professionnelle
[4]. Son projet doit être présenté et validé par la Commission Paritaire Interprofessionnelle Régionale (CPIR)
[4].
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La rémunération du CTP réalisé sur le temps de travail : une rémunération minimale qui varie entre 100% et 60 % du salaire de référence selon le salaire moyen et la durée de formation. Elle est prise en charge par la CPIR
[4] dans des conditions différentes selon l’effectif de l’entreprise :
- Dans les entreprises de 50 salariés et plus : l’employeur verse la rémunération au salarié et est remboursé par la CPIR ;
- Dans les entreprises de moins de 50 salariés : la rémunération est versée directement au salarié par la CPIR.
● Autorisation d’absence et délais de l’employeur pour y répondre : la demande doit être formalisée :
- 60 jours au plus tard avant le début de la formation d’une durée inférieure à 6 mois ou à temps partiel ;
- 120 jours au plus tard avant le début de la formation d’une durée de 6 mois et plus.
L’employeur dispose d’un délai de 30 jours à compter de la réception de la demande pour répondre. L’absence de réponse ou la réponse hors délai vaut acceptation.
● Assouplissement des conditions permettant à l’employeur de différer une demande de CTP par rapport à l’ancien CIF :
L’employeur peut, après consultation du CSE, différer le bénéfice du congé dans la limite de 9 mois si l'absence du salarié a des conséquences préjudiciables à la production et à la marche de l'entreprise afin que :
- le pourcentage de salariés simultanément absents au titre du CTP ne dépasse pas 2 % de l'effectif total pour les établissements de 100 salariés et plus ;
- le CTP ne bénéficie qu'à un salarié à la fois, pour les autres établissements.
Maintien du refus pour non-respect des délais de demande de CTP ou dossier incomplet.
La décision de refus ou de différé doit être motivée.
3. L’entretien professionnel et le bilan du parcours professionnel complété
● Nouvelles obligations d’informations : maintien de l’information relative à la Validation des Acquis de l’Expérience (VAE), mais nouvelles informations sur :
- l’activation du CPF ;
- les abondements que l’employeur est susceptible de financer ;
- le Conseil en Evolution Professionnel (CEP).
Attention : applicable depuis le 7 septembre 2018.
● Possibilité d’anticiper l’entretien professionnel : l’entretien professionnel peut être anticipé à la seule initiative du salarié sans attendre le retour du salarié de son congé maternité ou de sa longue absence.
● Conversion en euro de l’abondement sanction CPF: le salarié n’ayant pas bénéficié sur les 6 dernières années des entretiens professionnels et d’une « autre » action de formation que celle visée à l’article L.6321-2 bénéficie d’un abondement « sanction » de 3 000 € financé par l’employeur.
4. Nouvelle information à mettre dans la BDES : Dans le cadre de la consultation annuelle sur la politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et l’emploi, doivent être mises à la disposition du CSE « les informations sur la mise en œuvre des entretiens professionnels et de l’état des lieux récapitulatifs » dans la BDES
Attention : applicable depuis le 7 septembre 2018.
5. Réduction du nombre de typologies de formation qui se résume dorénavant aux actions de formation, bilan de compétence, actions de VAE et formations par l’apprentissage en lieu et place de la liste précédente qui distinguait 14 types d’actions de formation.
6. Les actions de formation peuvent avoir quatre objets différents :
● Permettre à des personnes sans qualification ou sans contrat de travail d’accéder dans les meilleures conditions à un emploi ;
● Favoriser l’adaptation des salariés à leur poste de travail, évolution des emplois ainsi que leur maintien dans l’emploi et de participer au développement des compétences en lien ou non avec le poste de travail ;
● Réduire les risques pour les travailleurs dont l’emploi est menacé résultant d’une qualification inadaptée en raison de l’évolution des techniques et des structures de l’entreprise en les préparant à une mutation d’activité ;
● Favoriser la mobilité professionnelle.
7. Le plan de développement des compétences
Anciennement le plan de formation.
● Maintien des actions participant à l’adaptation de ses salariés à leur emploi, de veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi et des actions de formation participant au développement des compétences. Il s’agit ici de répondre à un des 4 objets des actions de formation rappelées ci-dessus.
● Refonte complète du traitement des heures de formation. Il n’est plus effectué de distinction entre « formation d’adaptation » nécessairement réalisée pendant le temps de travail et « les actions de développement des compétences » qui pouvaient être pour partie accomplie en dehors du temps de travail.
Désormais, le code du travail distingue les actions de formation :
- qui conditionnent l’exercice d’une activité ou d’une fonction en application de dispositions légales ou règlementaire ou de convention internationale. Ces formations constituent du temps de travail effectif laissant à penser qu’elles doivent être effectuées nécessairement pendant le temps de travail sans dérogation possible ;
- des autres actions de formation qui constituent également du temps de travail effectif donc accomplies pendant le temps de travail sauf en cas de conclusion d’un accord collectif d’entreprise ou accord individuel du salarié d’effectuer tout ou partie de sa formation en dehors du temps de travail, dans les limites prévues par la loi.
8. Elargissement du champ de la négociation en matière de formation
La formation professionnelle dans l’entreprise relève déjà d’un des thèmes de la négociation obligatoire au travers de la négociation sur la gestion des emplois et des parcours professionnels à engager tous les trois ans.
La loi Avenir va au-delà : un accord collectif peut :
● Prévoir des objectifs et des critères collectifs d'abondement du CPF permettant à l’employeur de :
- déterminer les actions de formations s’inscrivant dans le projet de développement de son entreprise ;
- éligibles à un abondement du CPF ;
- permettant aussi de répondre à l’obligation de formation « tous les 6 ans ».
● Fixer d’autres modalités d’appréciation du parcours professionnel au terme des 6 ans
- A défaut d’accord, il convient de s’assurer que le salarié a suivi au moins une action de formation, acquis des éléments de certification ou VAE et bénéficié d’une progression salariale ou professionnelle
● Prévoir une périodicité différente des entretiens professionnels sans pour autant pouvoir déroger au « bilan » au terme des 6 ans.
Exemple : plus le salarié est qualifié, moins la fréquence des entretiens est élevée et inversement.
● Définir les actions de formation pouvant être effectuées en tout ou partie en dehors du temps de travail
Exemple :
- Définir les actions de formation hors temps de travail ;
- Définir des actions de développement des compétences utiles tant à la société et au salarié, ouvrant droit à un abondement en cas d’utilisation du CPF ;
- Introduire des clauses de dédit formation tenant compte des récentes évolutions légales et jurisprudentielles./.
[1] NB : certaines dispositions de la loi sont entrées en vigueur dès le 7 septembre 2018
[2] Art. R.6323-1 et suivants du code du travail / 800 € par an plafonné à 8 000 € pour les salariés non qualifiés
[3] Rappel : les sommes correspondant aux heures de DIF acquises au 31 décembre 2014 doivent impérativement être utilisées avant le 1er janvier 2021. Passé cette date, ces droits de maximum 1 800 € ne pourront plus être mobilisés.
[4]Missions assurées par les OPACIF jusqu’au 31 décembre 2019