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Coronavirus et marchés publics

Article Immobilier et Construction Droit de l’environnement Droit public et commande publique | 20/03/20 | 5 min. | Vincent Brenot

Sciences de la vie & Santé

Le 18 mars 2020, la Direction des affaires juridiques (la « DAJ ») de Bercy a clarifié, dans un communiqué, les conditions de recours aux procédures négociées sans publicité ni mise en concurrence pour l’attribution de certains marchés publics, compte tenu de la situation d’« urgence impérieuse » créée par la crise sanitaire actuelle.

La DAJ a également précisé les propos du ministre de l’Economie et des Finances concernant la possibilité pour les parties à un marché public de se prévaloir de la situation de force majeure résultant de la pandémie de COVID-19.

1- La passation des marchés publics pendant la crise sanitaire

Les personnes publiques, notamment les centres hospitaliers, font face à des besoins spécifiques urgents afin d’endiguer la crise sanitaire. La nécessité de répondre de façon quasi-immédiate à ces besoins est incompatible avec la durée des procédures classiques de passation des marchés publics prévues par le code de la commande publique (le « CCP »).

Toutefois, le CCP permet aux acheteurs publics de déroger aux procédures de passation dans le cas d’une « urgence impérieuse » (article R. 2122-1 du CCP), laquelle peut notamment être motivée par des considérations de santé publique. Si l’urgence impérieuse pour procéder à certains achats publics est à l’évidence constituée (matériel de protection médicale par exemple), la DAJ souligne cependant que « tels achats ne doivent être effectués que pour les montants et la durée strictement nécessaires à la satisfaction des besoins urgents. Ils pourront être renouvelés si la situation de blocage devait se prolonger ». Ce faisant, la DAJ suit l’esprit du texte du CCP, dont l’article R. 2122-1 précise in fine que « le marché est limité aux prestations strictement nécessaires pour faire face à la situation d'urgence ».

La DAJ rappelle ainsi implicitement que la crise sanitaire ne saurait servir d’opportunité aux personnes publiques pour simplifier des achats qui ne répondraient pas à un besoin immédiat ou constituer un effet d’aubaine pour certaines entreprises qui entendraient sécuriser des commandes pour une durée ou un montant excessif. Malgré l’extrême gravité de la situation sanitaire actuelle, tant le CCP que l’éclairage qu’en donne la DAJ et la jurisprudence développée par le juge administratif français et le juge de l’Union incitent à la prudence et à la mesure dans le recours aux procédures négociées sans mise en concurrence

Ainsi les personnes publiques souhaitant passer un marché public sans publicité ni procédure de mise en concurrence doivent veiller à ce que marché n’ait pas une durée excédant celle de la crise sanitaire, que les prestations prévues par le marché soient exécutées uniquement pendant la crise, que le périmètre du marché soit circonscrite à la lutte contre l’épidémie ou à ses conséquences immédiates et que le montant ou le volume des prestations ne soit pas disproportionné par rapport au besoin résultant de la crise sanitaire.

2- L’exécution des marchés publics pendant la crise sanitaire

Du fait de la crise sanitaire, l’exécution de certains marchés publics se heurte à des difficultés insurmontables et notamment des retards en raison des difficultés d’approvisionnement, des restrictions des déplacements ou de l’indisponibilité des personnels.

Or, le non-respect des délais constitue généralement un motif susceptible d’entrainer des pénalités à l’encontre du cocontractant de l’acheteur public. Le constat d’un cas de force majeure permet au cocontractant de ne pas exécuter ou de différer la réalisation des obligations qui lui incombent. Pour qu’un évènement soit considéré comme constitutif d’un cas de force majeure, il doit être imprévisible, irrésistible et extérieur aux parties. Le juge administratif est habituellement particulièrement strict lorsqu’il vérifie que ces trois conditions cumulatives sont réunies.

Afin d’éviter d’ajouter de l’incertitude à la confusion ambiante, le ministre de l’Economie et des Finances avait annoncé, dès le 28 février 2020, que le coronavirus serait considéré comme un cas de force majeure pour les entreprises dans les cadres des marchés publics conclus avec l’Etat.

Dans sa communication du 18 mars 2020, la DAJ a précisé la portée juridique de la déclaration ministérielle en indiquant que « sans présumer des dispositions qui pourraient être adoptées dans le cadre du projet de loi durgence pour faire face à l’épidémie de COVID -19, ces difficultés peuvent relever du régime de la force majeure, qui exonère les parties au contrat de toute faute contractuelle. Dans ces situations, les entreprises ne doivent donc pas dans le silence du contrat sur la force majeure se voir appliquer de pénalités, ni quelque autre sanction contractuelle que ce soit ».

La DAJ a élargi la portée de cette déclaration à l’ensemble des acheteurs publics, y compris, aux collectivités territoriales. Pour ces dernières, compte-tenu de l’autonomie décisionnelle dont elles jouissent du fait de la décentralisation, il ne s’agit toutefois que d’une recommandation et non d’une obligation.

Par ailleurs, la DAJ appelle les acheteurs publics, comme pour le recours aux procédures négociées sans mise en concurrence, à une forme de vigilance en les invitant à « vérifier si la situation résultant de la crise sanitaire actuelle, notamment le confinement, ne permet effectivement plus au prestataire de remplir ses obligations contractuelles ».

Enfin, on relèvera que le Gouvernement envisage manifestement la force majeure sous son seul angle exonératoire de pénalités et autres sanctions contractuelles et non sous celui de la résiliation des marchés publics.

 

https://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/daj/fiche-passation-marches-situation-crise-sanitaire.pdf 

 

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