Article Immobilier et Construction Droit de l’environnement Droit public et commande publique Gestion patrimoniale Droit européen | 21/03/20 | 4 min. | Vincent Brenot Emmanuel Weicheldinger
Par un décret paru le 21 mars 2020 au Journal Officiel, le Gouvernement a assoupli le régime de réquisition des masques de protection respiratoire et masques anti-projections en soustrayant, dans une certaine mesure, les masques importés aux mesures de réquisition en cours.
En un peu plus de deux semaines, ce ne sont pas moins de trois décrets et un arrêté qui se sont succédé pour traiter de la question sensible de la réquisition des masques de protection respiratoires et des masques anti-projections, tant pour les services de santé qui en bénéficient que pour les nombreuses entreprises qui en font l’objet.
Acte 1 : prenant acte du risque de pénurie de masques pour les professionnels de santé pour faire face à la crise sanitaire liée au covid-19, le décret n° 2020-190 du 3 mars 2020 relatif aux réquisitions nécessaires dans le cadre de la lutte contre le virus covid-19 prononce une mesure de réquisition portant sur les masques de protection respiratoires (circonscrite aux seuls masques de type FFP2) et sur les masques anti-projections.
S’agissant des premiers, ce décret prononce une mesure de réquisition générale : toute personne morale de droit public ou de droit privé détenant des stocks de masques de type FFP2 doit les tenir à la disposition de l’Etat. De facto, ces masques ne peuvent plus ni être utilisés, ni cédés, ni exportés.
S’agissant des seconds, la mesure de réquisition ne concerne que les fabricants et les distributeurs. Les autres opérateurs peuvent donc continuer à les utiliser, les céder ou les exporter (modulo l’interprétation extensive des dispositions de ce décret alors retenue par certains services douaniers qui ne tenaient pas compte du distinguo opéré entre les deux catégories de masques).
En cas de manquement à ces mesures de réquisition, le contrevenant s’expose à des peines pouvant aller jusqu’à six mois d'emprisonnement et 10 000 euros d'amende, l’amende pouvant être quintuplée pour les personnes morales.
Acte 2 : A mesure que la crise sanitaire s’intensifie, le Gouvernement élargit drastiquement les catégories de masques concernés par un décret n° 2020-247 du 13 mars 2020. Ce sont désormais quelque onze catégories de masques de protection respiratoire qui sont concernées par les mesures de réquisition.
Acte 3 : Face à l’inquiétude d’un certain nombre de professionnels de santé qui ne parvenaient pas à se procurer des masques pour se protéger dans l’exercice de leurs activités professionnelles, le Président de la République, dans son allocution du 16 mars, annonce que des masques seront mis à leur disposition dès le lendemain via les pharmacies d’officine dès le 17 mars dans les 25 départements les plus touchés et le lendemain dans les autres. L’arrêté du 16 mars 2020 complétant l'arrêté du 14 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus covid-19 officialise ce dispositif en indiquant que des masques issus du stock national seront distribués gratuitement aux médecins généralistes et médecins d'autres spécialités, infirmiers, pharmaciens, masseurs-kinésithérapeutes, chirurgiens-dentistes, etc.
Acte 4 : De plus en plus de salariés de nombreuses entreprises étrangères au secteur médical mais dont l’activité est indispensable pour permettre à l’économie française de continuer à fonctionner menacent d’exercer leur droit de retrait s’ils ne bénéficient pas d’équipements de protection individuelle (EPI) adéquats, au premier rang desquels figurent les masques de protection respiratoire. L’Etat décide donc d’assouplir le régime de réquisition mis en place dans les jours précédents sans pour autant affecter le stock national constitué. Par un décret n° 2020-281 du 20 mars 2020 relatif aux réquisitions nécessaires dans le cadre de la lutte contre le virus covid-19, le Gouvernement restreint le champ d’application des mesures de réquisition aux stocks de masques déjà présents sur le territoire national et aux masques produits sur celui-ci. Les stocks de masques importés peuvent, dans la limite de 5 millions d’unités par personne morale et par trimestre, être librement utilisés. Au-delà du seuil, le ministre est susceptible d’exercer une mesure de réquisition sur les masques importés.
A condition de trouver les fournisseurs étrangers en capacité de livrer des masques, les entreprises pourront donc à nouveau importer des masques pour fournir à leurs salariés les EPI nécessaires à la poursuite de leurs activités professionnelles. Les stocks de masques existants paraissent quant à eux devoir être préservés pour la réquisition, dont la mise en œuvre semble désormais impliquer que les personnes détenant des stocks de masques relevant de la réquisition prennent spontanément contact avec les autorités publiques.