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Le règlement d'arbitrage 2021 de la CCI

Article Contentieux des affaires | 19/01/23 | 16 min. | Marie Danis Marie Valentini

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Le Règlement d’arbitrage de la Chambre de commerce internationale (« CCI ») a été adopté le 6 octobre 2020 (le « Règlement »). Entré en vigueur le 1er janvier 2021, il s’applique aux procédures d’arbitrage initiées postérieurement à cette date. Pour celles qui l’ont été avant le 1er janvier 2021, c’est la version du 1er mars 2017 qui s’applique.

Si cette nouvelle version ne crée pas de mécanismes procéduraux majeurs comme dans les versions antérieures (par la création de l’arbitre d’urgence ou celle de la procédure d’arbitrage accélérée…), elle reflète la volonté de l’institution d’intensifier la transparence et l’efficacité de la procédure.

Le Règlement d’arbitrage de la CCI version 2021 est complété sur le plan pratique par la Note aux Parties et aux Tribunaux Arbitraux (la « Note ») également été révisée au 1er janvier 2021, et plus récemment par l’institution en octobre 2022 de la plateforme « ICC Case Connect » qui permet une gestion facilitée et sécurisée de la procédure.

 

Renforcer l’efficacité des procédures d’arbitrage

La plupart des nouvelles règles suivent l’orientation, donnée depuis plusieurs années par la Chambre de Commerce Internationale, de favoriser l’efficacité des procédures. Ainsi :

  • Mise à l’épreuve de la crise sanitaire au cours de l’année 2020 à l’échelle mondiale, la volonté de garantir l’efficacité des procédures d’arbitrage est renouvelée tout d’abord à travers la formalisation, dans le Règlement lui-même, de la possibilité pour le tribunal arbitral de prévoir de tenir les audiences à distance, notamment par vidéoconférence (Règlement, Article 26(1)) [1]. Cette possibilité, déjà préconisée par l’institution pour réduire les délais et les coûts, est régulièrement utilisée en particulier pour les audiences de procédure. La révision du Règlement d’arbitrage de la CCI fait écho aux techniques de gestion de la procédure détaillées à son Annexe IV [2] sans distinguer selon la nature des audiences – de procédure, de plaidoiries, d’auditions de témoins ou d’experts. En pratique, la Note révisée fournit des explications complémentaires notamment concernant l’organisation et la tenue d’audiences virtuelles ou hybrides ainsi que des directives pour l’institution de cyber-protocoles permettant de garantir la sécurité des données échangées (Note, Section VII, C).
  • Dans le même esprit, la CCI a institué en octobre 2022 la plateforme digitale « ICC Case Connect » qui centralise les communications et les échanges de documents entre les parties, les arbitres et le Secrétariat de la CCI au sein d’un espace dédié sécurisé. Les parties peuvent également l’utiliser pour soumettre facilement une demande d’arbitrage. Cette plateforme fait écho à la recommandation publiée dans la version révisée de la Note concernant la sécurité des données et la mise en place de mesures techniques garantissant un niveau de sécurité approprié (Note, paragraphe 120).
  • L’objectif d’efficacité est également poursuivi par l’extension, par le nouveau Règlement d’arbitrage de 2021, du mécanisme de l’arbitrage accéléré aux affaires dont l’enjeu s’élève désormais à 3 millions de dollars US, contre une limite fixée à 2 millions de dollars US selon la version antérieure du Règlement (Règlement, Article 30 et Annexe VI) [3].
  • Lorsque le nombre d’arbitres n’est pas précisé par les Parties, la Note précise que la Cour procèderait généralement à la désignation d’un arbitre unique, sauf circonstances particulières (affaire particulièrement complexe ou enjeux importants), lorsque le montant en litige n’excède pas 10 millions de dollars US ; trois arbitres seraient en revanche désignés lorsque le montant en litige excède 30 millions de dollars US (Note, paragraphe 40).
  • Pour les procédures multipartites et/ou fondées sur plusieurs contrats, le Règlement révisé permet au tribunal arbitral d’autoriser, dans certaines circonstances, l’intervention de tiers même postérieurement à la désignation des arbitres, sous réserve de leur accord à la constitution du tribunal et à l’acte de mission (Règlement, Article 7(5)) [4]. Il clarifie également le fait que plusieurs arbitrages peuvent être consolidés au sein d’une même procédure, que ceux-ci soient fondés sur un ou sur plusieurs contrats (Règlement, Article 10(b)) [5].
  • Pour renforcer l’efficacité de la sentence postérieurement à sa reddition, la nouvelle version du Règlement prévoit d’abord, concernant la constitution du tribunal et au regard du principe d’égalité des parties [6], que la Cour d’arbitrage de la CCI pourra écarter les modalités de constitution prévues par les parties lorsque des circonstances exceptionnelles l’exigeront et pourra désigner tous les membres du tribunal arbitral si ces modalités sont inéquitables ou injustes (Règlement, Article 12(9)) [7]. De même, une sentence additionnelle pourra être rendue à la demande des parties si le tribunal a statué infra petita (Règlement, Article 36(3)) [8].

 

Renforcer la confiance et la transparence

La version révisée du Règlement d’arbitrage de la CCI, éclairé et complété par les précisions fournies par la Note, prévoit des mécanismes complémentaires à ceux existants, en particulier en matière d’indépendance et d’impartialité des arbitres et de conflits d’intérêts.

Afin de favoriser la transparence, il avait déjà été prévu de publier des informations sur la composition des tribunaux arbitraux (depuis 2016, les nom et nationalité des arbitres, leur rôle au sein des tribunaux, leur mode de désignation et le statut de la procédure), ainsi que sur le secteur concerné par la procédure et le nom des conseils des parties depuis 2020 [9], ou le principe – que les parties peuvent écarter – de la publication des sentences rendues à compter du 1er janvier 2019.

Sont ainsi désormais concernés également :

  • L’existence d’un accord de financement pour les besoins de la procédure avec un tiers qui aurait donc un intérêt financier dans la solution du litige, qui doit être révélé au Secrétariat, au tribunal arbitral et aux parties (Règlement, Article 11(7) et Note, paragraphe 20) [10]. L’objectif est de permettre aux arbitres de révéler toute circonstance qui pourrait éventuellement affecter leur indépendance et leur impartialité : la Note précise que lorsqu’ils exécutent leur obligation de révélation, les arbitres doivent prendre en considération les tiers intéressés à la procédure – tels que les tiers financeurs, tout comme les autres membres du tribunal, les experts ou les témoins (Note, paragraphe 27). Pour ce qui est des tiers financeurs en particulier, si leur identité doit être indiquée pour permettre d’évaluer l’existence de conflits d’intérêts, les termes et le contenu de l’accord de financement en question ne semblent pas devoir être révélés. Cette règle ne s’applique toutefois pas aux financements interentreprises dans un groupe de sociétés, aux conventions d’honoraires avec un conseil ni aux intérêts indirects – comme celui d’une banque qui aurait accordé un prêt à une partie en dehors du financement de la procédure d’arbitrage (Note, paragraphe 21).
  • Le Règlement formalise également l’obligation des parties d’informer le Secrétariat, le tribunal arbitral et les autres parties de tout changement de conseil et autorise le tribunal, dans une telle situation, à prendre toute mesure permettant d’éviter une situation de conflit, y compris par l’exclusion du nouveau conseil de tout ou partie de la procédure (Article 17(2)) [11].
  • Plus généralement, la question de la transparence fait l’objet d’une nouvelle section dédiée dans la Note qui complète notamment, à la suite de sa version publiée en 2019, les informations destinées à être rendues publiques par la Cour – notamment le nom des cabinets représentant les parties, ainsi que le nom des secrétaires des tribunaux arbitraux (Note, Section IV). Les documents susceptibles d’être publiés comprennent désormais non seulement les sentences, mais également les ordonnances et les opinions dissidentes et concordantes – ce à quoi les parties peuvent cependant s’opposer ou préciser souhaiter une publication anonymisée ou pseudonymisée, dans les conditions posées par la Note.
  • Enfin, pour ce qui est de l’arbitrage d’investissement, le Règlement consacre la règle de la neutralité de la nationalité des arbitres (Article 13(6)) [12] en précisant qu’aucun des arbitres (et pas uniquement le président du tribunal arbitral ou l’arbitre unique) ne pourra être de la nationalité des parties à la procédure. Le Règlement précise enfin que le mécanisme de l’arbitre d’urgence, créé par le Règlement dans sa version de 2012, n’est pas applicable en la matière [13].

 

 

[1] « The arbitral tribunal may decide, after consulting the parties, and on the basis of the relevant facts and circumstances

of the case, that any hearing will be conducted by physical attendance or remotely by videoconference, telephone or other

appropriate means of communication ».

[2]« Using telephone or video conferencing for procedural and other hearings where attendance in person is not essential

and use of IT that enables online communication among the parties, the arbitral tribunal and the Secretariat of the Court ».

[3]« The amount referred to in Article 30(2), subparagraph a) of the Rules is:

i) US$ 2,000,000 if the arbitration agreement under the Rules was concluded on or after 1 March 2017 and before 1

January 2021 or

ii) US$ 3,000,000 if the arbitration agreement under the Rules was concluded on or after 1 January 2021».

[4]« Any Request for Joinder made after the con􀃒rmation or appointment of any arbitrator shall be decided by the arbitral

tribunal once constituted and shall be subject to the additional party accepting the constitution of the arbitral tribunal and

agreeing to the Terms of Reference, where applicable. In deciding on such a Request for Joinder, the arbitral tribunal shall

take into account all relevant circumstances, which may include whether the arbitral tribunal has prima facie jurisdiction

over the additional party, the timing of the Request for Joinder, possible con􀃓icts of interests and the impact of the joinder

on the arbitral procedure. Any decision to join an additional party is without prejudice to the arbitral tribunal’s decision as to

its jurisdiction with respect to that party ».

[5]« The Court may, at the request of a party, consolidate two or more arbitrations pending under the Rules into a single

arbitration, where: […]

b) all of the claims in the arbitrations are made under the same arbitration agreement or agreements; […] »

[6] Par arrêt du Dutco 7 janvier 1992, la Cour de cassation a invalidé le procédé selon lequel plusieurs défendeurs

procèdent à la désignation d’un seul arbitre, au nom d’un principe d’égalité d’ordre public, auquel les parties ne

pourraient renoncer à l’avance. Le mécanisme ici institué permet d’écarter tout accord des parties qui porterait atteinte à

ce principe d’égalité.

[7]« Notwithstanding any agreement by the parties on the method of constitution of the arbitral tribunal, in exceptional

circumstances the Court may appoint each member of the arbitral tribunal to avoid a signi􀃒cant risk of unequal treatment

and unfairness that may affect the validity of the award. »

[8]« Any application of a party for an additional award as to claims made in the arbitral proceedings which the arbitral

tribunal has omitted to decide must be made to the Secretariat within 30 days of the receipt of the award by such party.

After transmission of the application to the arbitral tribunal, the latter shall grant the other party or parties a short time-limit,

normally not exceeding 30 days, from the receipt of the application by that party or parties, to submit any comments

thereon. The arbitral tribunal shall submit its decision on the application in draft form to the Court not later than 30 days

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