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Accroissement des pouvoirs de l’Autorité de la concurrence par la transposition de la directive ECN +

Article Droit de la concurrence, consommation et distribution Contrats commerciaux et internationaux | 28/05/21 | 7 min. | Renaud Christol Marc-Antoine Picquier

Le Conseil des ministres a adopté le 26 mai 2021 l’ordonnance n°2021-649 du 26 mai 2021 relative à la transposition de la directive (UE) 2019/1 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 visant à doter les autorités de concurrence des États membres des moyens de mettre en œuvre plus efficacement les règles de concurrence et à garantir le bon fonctionnement du marché intérieur (directive ECN +) (ci-après l’« Ordonnance »)[1]. L’Ordonnance a été publiée au Journal officiel le 27 mai 2021.

La nouveauté majeure, et attendue[2], de l’Ordonnance est la modification du montant maximum des sanctions pour les associations professionnelles.

Ce montant passe de 3 millions d'euros à 10 % du montant du chiffre d'affaires mondial hors taxes le plus élevé réalisé au cours d'un des exercices clos depuis l'exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre.

L’Ordonnance précise que lorsque l'infraction d'une association d'entreprises a trait aux activités de ses membres, le montant maximal de la sanction pécuniaire n’est plus le chiffre d'affaires mondial hors taxes de l’association d’entreprises, mais est égal à 10 % de la somme du chiffre d'affaires mondial total réalisé par chaque membre actif sur le marché affecté par l'infraction de l’association.

Toutefois, la responsabilité financière des membres de l’association d’entreprises est limitée en ce qui concerne le paiement de la sanction.

Le montant exigé de chaque membre de l’association d’entreprises ne peut excéder le montant maximal qui lui est personnellement applicable, c’est-à-dire le plafond de 10 % du montant du chiffre d'affaires mondial hors taxes le plus élevé réalisé au cours d'un des exercices clos depuis l'exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre, voire, le cas échéant du chiffre d'affaires des comptes consolidés ou combinés de l'entreprise consolidante ou combinante.

L’Ordonnance instaure également la responsabilité financière des membres d'une association d'entreprises :

-           lorsqu'une sanction pécuniaire est infligée à une association d'entreprises en tenant compte du chiffre d'affaires de ses membres et que l'association n'est pas solvable, l'Autorité de la concurrence (ci-après l’« Autorité ») peut enjoindre à cette association de lancer à ses membres un appel à contributions pour couvrir le montant de la sanction pécuniaire ; 

-           dans le cas où ces contributions ne sont pas versées intégralement à l'association d'entreprises dans un délai fixé par l'Autorité de la concurrence, celle-ci peut exiger directement le paiement de la sanction pécuniaire par toute entreprise dont les représentants étaient membres des organes décisionnels de cette association ;

-           lorsque cela est nécessaire pour assurer le paiement intégral de l'amende, après avoir exigé le paiement par ces entreprises, l'Autorité de la concurrence peut également exiger le paiement du montant impayé de l'amende par tout membre de l'association qui était actif sur le marché sur lequel l'infraction a été commise. Ce paiement n'est toutefois pas exigé des entreprises qui démontrent qu'elles n'ont pas appliqué la décision litigieuse de l'association et qui en ignoraient l'existence ou qui s'en sont activement désolidarisées avant l'ouverture de la procédure.

Toujours en matière de sanction, l’Ordonnance supprime des critères de détermination de la sanction la notion de « dommage à l’économie », source sans fin d’interrogations et de débats, et inscrit dans le texte l’importance de la durée de l’infraction (qui était dans les faits déjà prise en compte par les lignes directrices sur la détermination de la sanction).

Enfin, l’Autorité acquiert le pouvoir d’imposer des mesures correctives structurelles aux contrevenants au droit de la concurrence, pouvoir qui devrait a priori être cantonné aux cas d’abus de position dominante.

Au niveau procédural, l’Autorité se voit reconnaître un pouvoir d’opportunité des poursuites. Jusqu’à présent, l’Autorité était – en théorie – obliger d’accepter toutes les saisines, quitte à laisser les moins fondées dans des tiroirs pendant des années.

Désormais, elle pourra, par décision motivée, rejeter une saisine si elle considère que celle-ci n’est pas une priorité. Ce pouvoir est circonscrit aux saisines des entreprises.

Outre son pouvoir d’auto-saisine en matière de procédure normale, l’Autorité se voit conférer la possibilité de se saisir d’office dans le cadre de procédure de mesures conservatoires.

En outre, principalement :

● le ministre de l’économie ou le rapporteur général de l’Autorité peuvent désormais exercer un recours contre les ordonnances du juge de la liberté et de la détention au sujet de l’autorisation des opérations de visites et saisies ou leur déroulement. Par exemple, lorsque le juge refuse d’autoriser une opération de visites et saisies, le ministre de l’économie ou l’Autorité peuvent interjeter appel contre cette ordonnance de refus ;

● les enquêteurs de l'Autorité et de la DGCCRF peuvent accéder aux informations accessibles aux personnes et entreprises interrogées qui peuvent être stockées sur des supports numériques (courriels, messageries instantanées) quel que soit le lieu de stockage (cloud et serveurs) (ce qui était en pratique déjà le cas) ;

● l’accès des parties au dossier dans le cadre d’une procédure devant l’Autorité est précisé. Par exemple, l’Ordonnance prévoit les limites à l'utilisation des informations relatives aux procédures de clémence et de transaction ;

● les enregistrements dissimulés sont désormais des preuves admissibles devant l’Autorité. Il est dorénavant admis que les pratiques peuvent être établies par tout mode de preuve.

Enfin, et cela était attendu, l’Ordonnance consacre une immunité des personnes physiques dans le cadre d’une demande de clémence. Cette mesure concerne les directeurs, gérants et autres membres du personnel de ladite entreprise ou association d'entreprises qui ont pris une part personnelle et déterminante dans la conception, l'organisation ou la mise en œuvre d’ententes anticoncurrentielles.

En cas de clémence et dans l’hypothèse où l’implication personnelle des collaborateurs des entreprises impliquées justifierait une transmission du dossier au procureur de la République, l’Autorité est tenue de lui indiquer les personnes qui ne doivent pas être poursuivies pénalement.

L’entrée en vigueur de l’Ordonnance est subordonnée à l’adoption du projet de loi de ratification qui doit être déposé devant le Parlement dans un délai de 3 mois à compter du 26 mai 2021, soit au plus tard le 27 août 2021.

 

 

[2] Voir à cet égard notre flash « Organismes professionnels : l’Autorité de la concurrence publie son étude thématique ».

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