Listing Act : publication des textes visant à rendre les marchés de capitaux de l’UE plus attractifs
Article
Droit boursier – Marchés de capitaux
| 20/11/24 | 7 min. |
Jean-Damien Boulanger
Le Listing Act, qui a pour but de rendre les marchés de capitaux de l’Union européenne plus attractifs pour les entreprises et de faciliter la cotation des PME sur les places européennes, a été publié au Journal Officiel de l’Union Européenne du 14 novembre 2024.
Il s’agit d’un ensemble de trois textes :
- le Règlement (UE) 2024/2809 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2024 modifiant les règlements « Prospectus » (2017/1129), « Abus de marché » (MAR) (596/2014) et « Marchés d’Instruments Financiers » (MiFIR) (600/2014) ;
- la Directive (UE) 2024/2810 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2024 sur les structures avec actions à votes multiples dans les entreprises qui demandent l’admission à la négociation de leurs actions sur un système multilatéral de négociation ; et
- la Directive (UE) 2024/2811 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2024 modifiant la directive « Marchés d’Instruments Financiers » (MiFID) (2014/65/UE).
- Principales modifications du Règlement Prospectus
- L’obligation de publier un prospectus ne s’appliquera plus aux offres au public de valeurs mobilières fongibles avec des valeurs mobilières déjà admises à la négociation à condition (1) qu'elles représentent moins de 30% du nombre de valeurs mobilières existantes sur une période de 12 mois, (2) que l'émetteur ne fasse pas l'objet d'une procédure de restructuration ou d'insolvabilité et (3) qu'un document résumé (document d’une longueur maximale de 11 pages format A4) soit déposé auprès de l'autorité compétente (mais non soumis à l’approbation de celle-ci).
- Par cohérence, s’agissant des exemptions à l’obligation de publier un prospectus dans le cadre d’une admission à la négociation, le plafond de 20 % du nombre de valeurs mobilières déjà admises à la négociation est porté à 30%.
- Une nouvelle exemption est créée pour les offres au public et les admissions aux négociations de valeurs mobilières fongibles avec des valeurs mobilières déjà admises à la négociation pendant une période continue d’au moins 18 mois précédant l’offre ou l’admission aux négociations des nouveaux titres, à condition (1) qu'elles ne soient pas émises dans le cadre d’une offre publique d’acquisition par voie d’offre publique d’échange, d’une fusion ou d’une scission, (2) que l'émetteur ne fasse pas l'objet d'une procédure de restructuration ou d'insolvabilité et (3) qu'un document résumé soit déposé auprès de l'autorité compétente.
- L’exemption à l’obligation de publier un prospectus pour les « petites offres » est également élargie : actuellement concernant les offres d’un montant maximum de 8M€ sur une période de 12 mois, ce montant est augmenté à 12 M€ (étant précisé que les Etats membres pourront choisir de baisser ce seuil à 5M€).
- La clarté et la concision du prospectus sont également renforcées (format normalisé, longueur maximale de 300 pages de format A4). Deux nouveaux formats de prospectus allégés sont introduits : le prospectus d'émission subséquente de l’Union (qui remplace et simplifie le régime d’information simplifiée pour les émissions secondaires) et le prospectus d'émission de croissance de l'Union (qui remplace et simplifie le prospectus de croissance de l’Union).
- A noter également que, dans le cas d’une première offre au public, la durée de mise à disposition du public d’un prospectus est réduite de 6 jours ouvrables avant la clôture de l’offre à 3 jours ouvrables. Il devient aussi possible de déposer un document d’enregistrement universel sans approbation préalable après une seule approbation (au lieu de deux).
- Principales modifications du Règlement Abus de Marché
- La principale modification apportée au Règlement Abus de Marché est celle qui exempte de l’obligation de publication immédiate les informations privilégiées relatives « aux étapes intermédiaires d’un processus en plusieurs étapes » (typiquement les processus M&A). Seuls les circonstances finales ou l’événement final doivent être divulgués, dès que possible après qu’ils se sont produits.
- Par ailleurs, l’une des trois conditions pour différer la publication d’une information privilégiée est modifiée. Actuellement, ces conditions sont : (1) la publication immédiate est susceptible de porter atteinte aux intérêts légitimes de l’émetteur, (2) le retard de publication n’est pas susceptible d’induire en erreur le public, et (3) l’émetteur est en mesure d’assurer la confidentialité de l’information. La condition (2) (dont le sens pouvait être jugé peu explicite) est remplacée par l’absence de contradiction avec la dernière communication de l’émetteur (appréciation plus objective et vérifiable qui reflète les orientations récentes de l’AEMF).
- S’agissant des déclarations des transactions effectuées par les dirigeants et les personnes qui leur sont liées : le seuil correspondant au montant des transactions effectuées au cours d’une année civile au-delà duquel l’obligation de déclaration s’applique passe de 5 000 EUR à 20 000 EUR, les autorités nationales pouvant décider de relever ce seuil à 50 000 EUR ou de l’abaisser à 10 000 EUR.
A noter que si la plupart des modifications apportées au Règlement Abus de Marché s’appliqueront dès le 4 décembre 2024, les modifications susvisées concernant les informations privilégiées relatives « aux étapes intermédiaires d’un processus en plusieurs étapes » et le différé de publication seront applicables à compter du 5 juin 2026.
- Les principaux apports des deux directives du Listing Act
- La Directive (UE) 2024/2810 sur les structures avec actions à votes multiples établit des règles communes sur les structures d'actions à vote plural dans les sociétés qui demandent l'admission à la négociation de leurs actions sur un système multilatéral de négociation. Ce texte répond à la réticence de nombreux entrepreneurs d’envisager la possibilité de coter leur société par crainte de perdre le contrôle de leur entreprise.
Le texte crée une harmonisation minimale au niveau de l'UE :
- Suppression des entraves à la création de structures avec actions à votes multiples avant leur cotation ;
- Limitation de l’impact des actions à votes multiples sur le processus décisionnel en assemblée générale (soit au moyen d'un ratio maximal du nombre de voix attachées aux actions à votes multiples sur le nombre de voix attachées aux actions ayant le moins de droits de vote, soit en limitant les décisions que l'assemblée générale peut prendre à la majorité qualifiée) ;
- Introduction de mesures de transparence (concernant notamment la structure des actions de la société et leurs caractéristiques, toutes restrictions des droits de vote ou au transfert d’actions).
- La Directive (UE) 2024/2811 modifiant la MiFID a pour but de revitaliser le marché de la recherche en investissements et de garantir une couverture suffisante par la recherche des entreprises, en particulier les PME. A cette fin, ce texte supprime le seuil de capitalisation boursière en-deçà duquel il est possible de lier les commissions associées aux services d’exécution et à la recherche. Par ailleurs, il reconnaît la recherche sponsorisée (i.e. rémunérée entièrement ou partiellement par l'émetteur) comme une recherche en investissement dès lors qu'un code de conduite, à élaborer par l'AEMF, est respecté.