Droit d'accès aux courriels : la position de la Cour de cassation ne change pas la donne
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IT et données personnelles
| 20/06/25 | 3 min. |
Florence Chafiol
Robin Nini
Dans une décision du 18 juin 2025 (pourvoi n° 23-19.022), la Cour de cassation rejette le pourvoi d’un employeur condamné pour ne pas avoir répondu en totalité à la demande d’accès d’un ancien salarié à ses données à caractère personnel. L’employeur avait transmis le dossier RH mais pas les courriels accessibles dans la messagerie professionnelle du salarié (ni leurs métadonnées, ni leur contenu).
Dans cette décision, la Cour de cassation semble indiquer que les courriels émis ou reçus via la messagerie électronique professionnelle constitueraient, par nature, des données à caractère personnel. Le contenu de ces courriels devrait être ainsi systématiquement transmis au salarié, même lorsque ce contenu ne concerne pas le salarié.
En réalité, la position de la Haute Cour, si elle venait à perdurer, n’a qu’un impact limité sur la pratique actuelle en matière de traitement des demandes de droit d’accès :
- Les courriels professionnels étaient déjà considérés comme entrant dans le champ du droit d’accès par la CNIL. A ce titre, la CNIL a d’ailleurs rédigé une fiche pratique spécifique sur la communication des courriels contenus dans une boite de messagerie électronique professionnelle.
- La CNIL considère déjà que la communication intégrale des courriels émis ou reçus par le salarié constitue la solution la plus aisée pour répondre à une demande de droit d’accès. En pratique, procéder au caviardage systématique de toute information qui n’est pas une donnée à caractère personnel du salarié, ou constituer un tableau listant ces données à caractère personnel sont des options complexes, chronophages et coûteuses pour un employeur. Il est plutôt fréquent que les employeurs se contentent de transmettre des copies intégrales des courriels en retirant uniquement les contenus relatifs à des tiers ou à des secrets de l’entreprise.
- La Cour de justice de l’UE a déjà statué que la fourniture d’une copie d’extraits de documents voire de documents entiers peut être indispensable pour permettre à la personne concernée de recevoir une reproduction fidèle et intelligible de l’ensemble de ses données à caractère personnel. Un salarié pourrait ainsi considérer qu'un tableau n'était pas suffisamment intelligible pour lui et réclamer une copie du contenu des courriels par la suite. Il reviendrait au responsable de traitement de recommencer le travail de revue et de caviardage des courriels ou justifier l'intelligibilité du tableau à la CNIL en cas de demande. Ainsi pour les raisons évoquées ci-dessus, il était déjà recommandé pour un employeur de communiquer le contenu des courriels en retirant uniquement les éléments portant atteinte aux droits et liberté des tiers et au secret des affaires.
- La Cour de cassation n’a été saisie que pour constater l’absence ou non du respect du droit d’accès de la personne concernée, pas sur la qualification d’un courriel comme donnée à caractère personnel. Notamment, le mémoire ampliatif ne posait pas cette question, mais visait uniquement à savoir si les courriels émis ou reçus par un salarié dans l’exercice de ses fonctions comportent des données à caractère personnel au sens de l’article 15 du RGPD — et non s’ils en sont par nature.
En conclusion, cette décision s’inscrit dans la continuité de la jurisprudence et des recommandations de la CNIL et ne vient pas provoquer un changement dans la gestion opérationnelle des demandes de droit d’accès des salariés. Cette décision illustre surtout qu’un défaut de réponse à une demande d’accès peut, donner lieu une condamnation judiciaire à verser des dommages-intérêts, indépendamment d’éventuelles sanctions administratives prononcées par la CNIL.