Article | 03/06/16 | 4 min. |
Le nouveau régime de l’exécution des jugements au sein de l’union européenne : application du règlement n° 1215/2012 à partir du 10 janvier 2015
Adopté par le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne le 12 décembre 2012, le Règlement (UE) n° 1215/2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale réforme en profondeur le régime de la reconnaissance et de l’exécution, entre les Etats membres, des décisions rendues par leurs juridictions nationales. La Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, puis le Règlement n° 44/2001 du 22 décembre 2000 avaient mis en place un processus simplifié et non contradictoire de reconnaissance de la force exécutoire (dit exequatur). Désormais, ces décisions seront exécutoires dans l’ensemble des Etats membres « sans qu’une déclaration constatant la force exécutoire soit nécessaire ».
Le régime antérieur : le Règlement n° 44/2001 du 22 décembre 2000
Dans le cadre de la Convention de Bruxelles et du Règlement n° 44/2001, la partie qui souhaite exécuter un jugement dans un autre Etat membre que celui où il a été rendu doit présenter une requête pour en obtenir l’exequatur. En France, cette requête est présentée au greffier en chef du Tribunal de grande instance.
Le greffier en chef contrôle uniquement le respect des exigences formelles de la demande et accorde l’exequatur si elles sont remplies.
Cette procédure, quoique très largement simplifiée par rapport au droit commun qui requiert l’assignation du défendeur à l’exécution, demeure néanmoins insatisfaisante à certains égards.
Tout d’abord, le Règlement n° 44/2001 ne prévoit aucun délai pour l’examen de la requête et, en raison de l’encombrement des tribunaux, il n’est pas exclu, en pratique, qu’il s’écoule des délais de plusieurs semaines avant que celle-ci ne soit traitée. Ensuite, la décision ne peut être exécutée qu’après l’expiration d’un délai de recours ou, le cas échéant, à l’issue du recours lui-même.
Le régime nouveau : le Règlement n° 1215/2012 du 12 décembre 2012
Une exécution directe, sans autorisation préalable.
Désormais, les décisions judiciaires rendues dans les Etats membres pourront être exécutées au sein de l’Union européenne sans exequatur préalable.
Une action en reconnaissance reste possible mais n’est plus obligatoire. Le demandeur à l’exécution doit, simplement, obtenir un certificat délivré par la juridiction qui a rendu la décision, attestant notamment qu’elle est exécutoire dans son Etat d’origine.
Il peut alors prendre, sans autre formalité préalable, des mesures conservatoires. La décision n’a pas besoin d’être notifiée préalablement au débiteur, à moins qu’elle n’ait été rendue de manière non contradictoire.
Le bénéficiaire du jugement peut également prendre directement des mesures d’exécution forcée, conformément aux règles applicables dans l’Etat d’exécution. En France, il pourra ainsi s’adresser à un huissier de justice et lui fournir une copie de la décision ainsi que le certificat attestant de son caractère exécutoire.
En pratique, bien que cela ne soit pas exigé par le Règlement, il est conseillé de fournir une traduction de la décision et du certificat dans la langue officielle du lieu d’exécution. Le défendeur à l’exécution peut, en effet, exiger dans certains cas une traduction et ainsi suspendre l’exécution jusqu’à ce qu’elle lui soit fournie.
Le certificat et la décision devront être signifiés au débiteur, pour permettre la mise en œuvre de mesures d’exécution forcée.
Le droit d’agir en refus de reconnaissance et d’exécution.
La partie qui a été condamnée par la décision peut à tout moment engager une action en refus d’exécution, pour tenter de bloquer toute tentative d’exécution de la part de son adversaire.
Le refus de reconnaissance ou d’exécution ne peut être accordé que dans des cas très limités (tenant essentiellement au respect de l’ordre public et des règles du procès équitable, ou à l’existence d’une décision antérieure incompatible) et le juge ne peut en aucun cas réexaminer l’affaire ou modifier le jugement d’origine. En cas de succès de l’action, l’exécution peut être partiellement ou totalement suspendue ou limitée à des mesures conservatoires, ou bien encore subordonnée à la constitution d’une sûreté par le demandeur à l’exécution.
Le juge statue de manière contradictoire et à bref délai, chacune des parties pouvant former un recours contre la décision. La liste des juridictions compétentes pour connaître de ces actions n’a pas encore été publiée, mais devrait l’être très rapidement.
Une application pratique différée mais imminente
Le nouveau régime n’est applicable qu’aux actions en justice intentées à compter du 10 janvier 2015 : les jugements rendus après cette date dans le cadre de procédures initiées antérieurement, demeurent donc soumis à la formalité de l’exequatur.
Néanmoins, certaines procédures telles que les actions en référé pourront rapidement donner lieu à des décisions bénéficiant pleinement du nouveau mécanisme d’exécution. Des premières mises en œuvre dans les semaines ou mois à venir sont donc envisageables.
Nicolas Gettler - Counsel
Helen J. Adler - Avocat