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Du nouveau dans le secteur santé : la loi sur le renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé

Article Droit européen Droit de l’environnement Droit public et commande publique | 13/01/12 | 12 min. | Hélène Billery

Restaurer la confiance dans le système de sécurité sanitaire des produits de santé et en particulier des médicaments, telle est l’ambition de la loi n°2011-2012 du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé. Cette loi fait suite aux évènements sanitaires qui ont marqué l’actualité depuis 2009 et qui ont mis en avant des dysfonctionnements et des pratiques perfectibles dans le système précédent. Elle permet – outre la transposition des directives 2010/84/UE du 15 décembre 2010 sur la pharmacovigilance et 2011/62/UE du 8 juin 2011 concernant la prévention de l’introduction dans la chaîne d’approvisionnement légale de médicaments falsifiés – de modifier en profondeur le Code de la Santé publique (CSP) et le Code de la sécurité sociale (CSS), en particulier :
- Substitution de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) à l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) ;
- Renforcement des règles et obligations de déontologie ;
- Modification du régime d’autorisation de mise sur le marché (AMM) des médicaments ;
- Réorganisation du système de pharmacovigilance.
Les principaux points clés de la réforme ayant un impact important sur les professionnels de la santé sont détaillés ci-après.

 

De l’AFSSAPS à l’ANSM

L’AFSSAPS disparaît au profit de l’ANSM qui se voit accorder de nouveaux pouvoirs. Ainsi, à partir d’une date qui sera déterminée au plus tard le 1er août 2012 par décret, l’ANSM exercera l’ensemble des droits et obligations de l’AFSSAPS. Jusqu’à l’adoption du décret, la loi du 29 décembre 2011 attribue à l’AFSSAPS les pouvoirs et compétence de l’ANSM.
Afin de pallier les dysfonctionnements de l’AFSSAPS, la composition du conseil d’administration de l’Agence a été remaniée. Auparavant, le conseil était composé, outre le président, pour moitié des représentants de l'Etat et pour moitié des personnalités qualifiées choisies en raison de leur compétence dans les domaines entrant dans les missions de l'Agence et des représentants du personnel. Dorénavant une place plus importante est accordée aux professionnels de santé et aux usagers. Le conseil d’administration sera ainsi composé de représentants de l’Etat, de trois députés et trois sénateurs, de représentants des régimes obligatoires de base d’assurance maladie, de représentants des professionnels de santé autorisés à prescrire et à dispenser certains produits, de représentants d’associations agréées, de personnalités qualifiées, de représentants du personnel et de son président (Art. L.5322-1 CSP). Les représentants de l’Etat continuent à disposer de la moitié des votes. Avec cette nouvelle organisation, le conseil d’administration s’ouvre au contrôle citoyen.

 

Un large éventail de missions

L’ANSM est conçue comme une agence d’expertise et d’évaluation compétente en matière de produits de santé. En ce sens, ses missions principales ont trait à l’évaluation, la réévaluation et la surveillance des bénéfices et des risques liés à l’utilisation des produits à finalité sanitaire destinés à l’homme et des produits à finalité cosmétique (Art. L.5311-1 et s. CSP). La présente loi tend à renforcer l’évaluation faite par l’Agence et à améliorer sa réactivité en cas de danger pour la santé publique.
L’ANSM se voit ainsi reconnaître une compétence pour demander la conduite d’essais cliniques portant sur des médicaments sous forme d’essais contre comparateurs actifs et contre placebo. Toute opposition aux essais contre comparateurs actifs émanant du producteur ou de l’exploitant d’un médicament doit être justifiée.
Par ailleurs, l’inscription d’un médicament sur la liste des médicaments remboursables dépend de la conduite d’essais comparatifs, c’est-à-dire la réalisation d’essais cliniques contre des stratégies thérapeutiques, lorsqu’elles existent (Art. L.162-17 CSS).
De plus, l’AMM peut dorénavant être suspendue, retirée ou modifiée pour des motifs plus nombreux qu’auparavant et sans qu’il soit fait référence à des « conditions normales d’emploi » : ainsi l’AMM pourra être retirée même si l’effet indésirable découle d’une utilisation du médicament par le patient non conforme à la prescription (Art. L.5121-9 CSP). L’ANSM peut pour les mêmes raisons et dans l’intérêt de la santé publique, interdire, en totalité ou seulement pour certains lots, la prescription et la délivrance d’une spécialité pharmaceutique et la retirer du marché (Art. L.5121-14-2 CSP).
Des obligations pèsent également sur le titulaire d’une AMM. En effet, après délivrance de l’AMM, son titulaire peut se voir contraint de fournir, à la demande de l’ANSM et dans un délai qu’elle précise (Art. L.5121-8-1 CSP) :
- Des études de sécurité ou d’efficacité post-autorisation faites au plus près des conditions réelles de soins, c’est-à-dire en comparaison avec les traitements de référence disponibles lorsqu’ils existent, et non plus uniquement des placebos ;
- Un suivi spécifique du risque, des complications et de la prise en charge médico-sociale, au travers d’un registre de patients atteints, lorsque le médicament, bien que retiré, est susceptible de provoquer un effet indésirable grave ;
Dans l’optique d’une évaluation continue, l’Agence peut demander au titulaire de l’autorisation de transmettre des données démontrant la permanence d’un rapport bénéfices/risques positif.
Les industriels pourront ainsi être tenus de prendre en charge la réalisation d’études complémentaires post-AMM. Il conviendra de les intégrer dans leurs plans de développement.

 

Déontologie & lutte contre les conflits d’intérêts

Avant l’adoption de la présente loi, les dispositions portant sur la déontologie étaient réparties dans le CSP en fonction des autorités sanitaires concernées. Cette dispersion empêchait toute approche globale cohérente. Dorénavant, le titre V du livre IV de la première partie du CSP est consacré aux règles communes de déontologie.
Par ailleurs, pour remédier aux situations de conflits d’intérêts, le régime de la déclaration publique d’intérêts est renforcé et unifié. Les responsables, agents et experts d’autorités sanitaires identifiés par le CSP devront déposer, lors de leur prise de fonction, et actualiser, une déclaration publique d’intérêts (DPI) sur leurs liens avec l’industrie pharmaceutique au cours des cinq dernières années (Art. L.1451-1 et s. CSP). Cette réforme est d’autant plus marquante qu’une interprétation large des liens d’intérêts a été retenue.
Ces liens renvoient aux « liens d'intérêts de toute nature, directs ou par personne interposée, que le déclarant a, ou qu'il a eus pendant les cinq années précédant sa prise de fonctions, avec des entreprises, des établissements ou des organismes dont les activités, les techniques et les produits entrent dans le champ de compétence de l'autorité sanitaire au sein de laquelle il exerce ses fonctions ou de l'organe consultatif dont il est membre ainsi qu'avec les sociétés ou organismes de conseil intervenant dans les mêmes secteurs » (Art. L.1451-1 CSP).
Pour autant, l’interdiction de tout lien, proposée par le Sénat, n’a pas été retenue par l’Assemblée nationale qui a préféré opter pour un régime de déclaration. Toutefois, le régime juridique des DPI n’est pas sans sévérité puisque les décisions prises avec la participation d’une personne ayant des liens d’intérêts, déclarés ou non, sont considérées comme entachées d’illégalité. Les personnes visées ne peuvent prendre part ni aux travaux, ni aux délibérations, ni aux votes de ces instances si elles ont un intérêt, direct ou indirect, à l’affaire examinée sous peine de sanctions pénales (Art. 432-12 Code pénal sur la prise illégale d’intérêts). Une sanction est ajoutée à ce régime juridique puisque le fait d’omettre sciemment d’établir ou de modifier une DPI afin d’actualiser les données qui y figurent ou de fournir une information mensongère est dorénavant puni de 30 000 euros d’amende (Art. L.1454-2 CSP).
Les entreprises devront prendre en compte les DPI lorsqu’elles feront appel à des experts.
Par ailleurs, les conventions passées entre les entreprises pharmaceutiques et les professionnels intervenant dans le secteur de la santé (expert, sociétés savantes, associations de patients, organes de presse spécialisée, etc.) sont également soumises à publication (Art. L.1453-1 et s. CSP). Cette obligation étant à la charge des entreprises et non des professionnels de santé, il conviendra, pour les entreprises, de veiller à mettre en place des systèmes internes adaptés à la taille de la société afin d’assurer la publicité des conventions, d’autant plus que le fait pour les entreprises concernées d’omettre sciemment de rendre publics l’existence des conventions et les avantages qu’elles procurent est puni de 45 000 euros d’amende (Art. L.1454-3 CSP).

 

Renforcement de la pharmacovigilance

La pharmacovigilance a pour objet la surveillance, l’évaluation, la prévention et la gestion du risque d’effets indésirables liés à l’utilisation des médicaments et produits à usage humain (Art. L.5121-22 CSP).
La responsabilité de la pharmacovigilance repose sur l’Agence (Art. L.5121-23) et sur toute entreprise ou organisme exploitant un médicament ou un produit de santé (Art. L.5121-24).
La nécessité d’améliorer le circuit de collecte d’information a été revendiquée par plusieurs groupes de travail. A titre d’exemple, le recueil d’informations, tenu par l’ANSM, couvrira tous les effets indésirables répertoriés et non plus uniquement les effets indésirables graves et inattendus.
Par ailleurs, la présente loi exige des entreprises ou organismes exploitant un produit de santé qu’ils communiquent sans délai à l’Agence toute interdiction ou restriction imposées par l’autorité d’un Etat membre dans lequel le médicament est mis sur le marché, ainsi que toute information nouvelle de nature à influencer l’évaluation des bénéfices et des risques du produit concerné (Art. L.5121-9-2 CSP). De même, le titulaire de l’autorisation qui arrête la commercialisation d’un médicament dans un autre Etat que la France doit en informer immédiatement l’Agence et lui communiquer le motif de cet arrêt de commercialisation (Art. L.5121-9-4 CSP).
De plus, en liaison avec la Haute Autorité de Santé, l’Union nationale des caisses d’assurance maladie et sous l’égide du Ministère chargé de la Santé, l’ANSM met en place une base publique de données administratives et scientifiques sur les maladies, leurs traitements ainsi que sur le bon usage des produits de santé. Sur la base de ces données, l’ANSM définira les seuils d’alerte nécessaires au déclenchement d’une enquête (Art. L.161-40-1 CSS). Les données seront consultables et téléchargeables gratuitement sur le site du Ministère chargé de la Santé.
L’ANSM assurera ainsi la mise en œuvre du système de pharmacovigilance afin de procéder à l’évaluation scientifique des informations, d’examiner les options permettant de prévenir les risques ou de les réduire et prendre des mesures nécessaires (Art. L.5121-23 CSP). Elle encourage également la recherche, mène des études de suivi de patients  et apporte l’appui scientifique et technique nécessaire à l’élaboration et à la mise en œuvre des plans de santé publique (Art. L.5311-2 CSP).

 

Information et  publicité sur les produits de santé
La publicité des dispositifs médicaux ne faisait jusqu’à maintenant l’objet que d’un encadrement réduit d’origine communautaire. La présente loi organise ainsi un régime complet se rapportant à la publicité.
S’agissant des vaccins, l’article L.5122-6 précisait simplement avant la réforme que « les campagnes publicitaires auprès du public pour des vaccins ne sont autorisées que si elles sont assorties, de façon clairement identifiées, des mentions minimales obligatoires ». Par cette loi, il s’agit de circonscrire les vaccins susceptibles de faire l’objet de publicité, dans le respect de la politique vaccinale. Il s’agit par ailleurs de donner au public une information claire et cohérente.
Concernant la « publicité pour un médicament auprès des membres des professions de santé », l’article L.5122-9, imposait un contrôle a posteriori, par le dépôt de la publicité auprès de l’AFSSAPS dans les 8 jours suivant sa diffusion.
Dorénavant, un encadrement plus strict de la publicité est mis en place. En ce sens, la publicité pour un médicament auprès des membres des professions de santé habilités à prescrire, à dispenser des médicaments ou à les utiliser dans l’exercice de leur art est soumise à une autorisation préalable de l’ANSM dénommée « visa de publicité » (Art. L.5122-9). Le visa est délivré pour une durée qui ne peut excéder la durée de l’AMM du médicament. La publicité de certains dispositifs médicaux présentant un risque important pour la santé est de la même façon soumise à une autorisation préalable délivrée par l’Agence pour une durée de 5 ans renouvelable (Art. L.5213-4 CSP).
Par ce passage à un contrôle a priori, les industriels seront contraints d’attendre la décision de l’ANSM avant de procéder à la diffusion de leur publicité.
Le non-respect de la réglementation sur la publicité est soumis aux sanctions des articles L.5421-8 et L.5421-9 CSP (voir infra).

 

Politique de transparence

La réforme de décembre 2011 a également pour fonction de clarifier et de rendre plus transparent le rôle de l’ANSM. Dans ce cadre, il est prévu que l’ANMS rend publics l’ordre du jour et les comptes rendus, assortis des détails et explication des votes, des réunions des commissions, des comités et des instances collégiales d’expertises dont les avis fondent une décision administrative (Art. L.5324-1). En cela, le texte va plus loin que la pratique que l’AFSSAPS avait déjà mis en place (publication du verbatim des commissions d’AMM, etc.).
Le non-respect de ces obligations de publication est susceptible de constituer un motif de recours en annulation des décisions de l’ANSM qui en sont issues.
Par ailleurs, un rapport comportant le bilan annuel de la réévaluation du rapport entre les bénéfices et les risques des médicaments à usage humain mentionné à l’article L.5121-8 CSP sera publié chaque année.

 

Sanctions administratives

Dans le cadre du pouvoir de police sanitaire de l’Agence, la loi renforce la possibilité de prononcer des sanctions administratives et institue des sanctions financières (Art. L.5312-4-1 ; Art. L.5421-8 et s. CSP). L’Agence prononce, à l’encontre des personnes physiques ou morales produisant ou commercialisant des produits mentionnés à l’article L.5311-1 CSP ou assurant les prestations associées à ces produits, des amendes administratives assorties d’astreintes journalières. Les montants de l’amende posée par l’Agence ne peuvent dépasser les montants fixés à l’article L.5421-9 CSP (amende administrative ne pouvant être supérieure à 10 % du chiffre d'affaires réalisé, dans la limite d'un million d'euros à l'encontre de l'auteur d'un manquement + astreinte journalière qui ne peut être supérieure à 2 500 € par jour).
Les articles relatifs aux sanctions et amendes imposées par l’ANMS seront en vigueur à partir du 21 juillet 2012.
L’Assemblée nationale n’a pas suivi le Sénat en ne retenant pas la possibilité pour les victimes de médicaments nocifs de mener en justice des actions de groupe (class action).

En définitive, la loi du 29 décembre 2011 rénove le système de sécurité sanitaire des produits de santé et des médicaments. Sa mise en œuvre pratique impliquera une adaptation de la part des industriels. Cependant, à peine adoptée, des voix se font d’ores et déjà entendre, notamment au sein du Parlement, pour mettre en avant les insuffisances de la réforme. Il conviendra de rester vigilant dans ce domaine, de nouvelles évolutions pouvant voir le jour prochainement.
 

 

Christian Pierret- Associé

 

Dominique de Combles de Nayves- Associé

 

Hélène Billery- Avocat senior

 

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