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Vidéosurveillance et respect de la vie privée au travail. La CNIL reste vigilante

Article IT et données personnelles Droit de la concurrence, consommation et distribution Contrats commerciaux et internationaux | 05/02/13 | 4 min. | Florence Chafiol

Dans une délibération 2012-475 du 3 janvier 2013, la CNIL a sanctionné un syndicat de copropriétaires pour avoir placé sous vidéosurveillance permanente les agents de sécurité exerçant au sein d’un immeuble dont le syndicat est gestionnaire. La CNIL a en effet considéré que cette pratique était disproportionnée au regard de la finalité de sécurité des biens et des personnes poursuivie par le responsable de traitement dans la mise en place du dispositif de vidéosurveillance.

Ainsi, si ce type de dispositif, mis en œuvre à des fins de sécurité, n’est pas critiqué en tant que tel par la CNIL, celle-ci considère qu’il ne saurait pour autant justifier la mise sous surveillance constante des salariés, fussent-ils affectés à la sécurité.

A cet égard, la CNIL précise qu’il importe peu que les agents de sécurité en question aient été informés du dispositif ou y aient consenti, dès lors que le «caractère continu de la surveillance n’est pas justifié par un impératif de sécurité des biens et des personnes mais résulte de la volonté de contrôler l’activité des salariés».

Au-delà du caractère purement symbolique de la sanction pécuniaire prononcée en l’espèce (1 euro), la CNIL confirme ici, par une condamnation qu’elle a néanmoins décidé de rendre publique, son extrême vigilance en matière de vidéosurveillance et son attachement au respect de la vie privée des salariés sur leur lieu de travail.

Dans cette affaire, des agents de sécurité exerçant au sein d’un immeuble des Champs-Elysées avaient dénoncé à la CNIL, en février 2012, la présence d’une caméra les filmant en continu au sein du poste de sécurité.

Ces agents étaient employés par une agence prestataire de sécurité privée, agissant dans le cadre d’un contrat de prestation de services conclu avec le syndicat.

Le syndicat de copropriétaires, gestionnaire de l’immeuble, avait bien informé les agents de sécurité et déclaré à la CNIL l’existence de ce dispositif, en indiquant que la finalité du traitement visait à assurer la sécurité des biens et des personnes au sein de l’immeuble.

En pratique, au-delà des 57 caméras disposées au sein de l’immeuble, une 58ème caméra était placée au sein même du poste de sécurité, permettant la visualisation du poste de travail des agents.

En juillet 2012, la CNIL avait mis en demeure le syndicat de copropriétaires de supprimer cette dernière caméra, et a procédé à un contrôle sur place dès la rentrée suivante.

Constatant que sa mise en demeure était restée sans effet, la CNIL a finalement décidé de sanctionner le syndicat de copropriétaires sur le fondement de l’article 6 de la loi Informatique et Libertés n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, pour manquement à l’«obligation de proportionnalité» du dispositif de vidéosurveillance. La CNIL a jugé que ce contrôle des agents de sécurité était disproportionné par rapport à la finalité affichée de sécurité des biens et des personnes.

Plusieurs éléments dans cette affaire méritent notre attention :

- Tout d’abord, il convient de noter qu’en l’espèce le dispositif avait été déclaré à la CNIL. Ainsi, pour mémoire, le fait de déclarer un traitement de données à la CNIL ne met pas en tant que tel à l’abri de toute sanction ultérieure par cette dernière en cas de contrôle. Le récépissé de déclaration adressé par la CNIL à chaque déclaration ne constitue donc pas un «blanc-seing» de la part de cette dernière concernant la validité du traitement mis en œuvre.
- En l’espèce, c’est précisément par rapport aux finalités indiquées dans la déclaration du syndicat que la CNIL a considéré que le dispositif était disproportionné. Il est donc important de définir avec précision et pragmatisme la finalité du traitement dans les déclarations faites auprès de la CNIL. Est-ce à dire que la décision de la CNIL aurait été différente si le syndicat avait indiqué dans sa déclaration que le dispositif visait également à contrôler l’activité des agents de sécurité ? Nous ne le pensons pas en l’espèce, car en tout état de cause, les caméras de surveillance ne peuvent être installées sur le lieu de travail qu’à des fins de sécurité des biens et des personnes. La CNIL considère que les caméras ne peuvent être orientées qu’au niveau des entrées et sorties de bâtiment, des issues de secours et des voies de circulations. Elles ne doivent pas filmer les salariés sur leur poste de travail (sauf cas particuliers, comme par exemple lorsque le salarié est exposé à un risque d’une particulière gravité). A cet égard, en l’espèce, ce n’est pas en tant que tel le fait que la surveillance du poste de sécurité soit continue qui a été sanctionné, mais davantage le fait que cette vidéosurveillance permette de contrôler l’activité des salariés.
- Enfin, il ressort de cette affaire que le respect de la vie privée des salariés sur leur lieu de travail ne s’impose pas aux seuls employeurs mais également aux contractants de ces derniers.

Une décision pour l’exemple
En l’espèce la CNIL n’a décidé d’infliger au syndicat qu’une sanction pécuniaire symbolique de 1 euro. Elle justifie cette position au regard de la volonté d’assurer par le moyen du traitement une meilleure protection des biens et des personnes.

En effet, pour tenter de justifier la surveillance du poste de sécurité, le syndicat avait mis en avant le fait que pour garantir la sécurité de l’immeuble, compte tenu notamment de l’absentéisme récurrent des agents, il convenait de s’assurer que ces derniers occupaient bien leur poste et contrôlaient les images retranscrites par les caméras de surveillance, sans quoi le dispositif perdait tout son intérêt. L’argument était de fait assez  judicieux.

La CNIL n’a toutefois pas suivi cet argumentaire et marque ici, par cette décision symbolique mais publique, sa volonté de ne laisser passer aucune dérogation au principe de respect de la vie privée des salariés sur leur lieu de travail. A ce titre, cette décision pourrait bien s’apparenter à une décision « pour l’exemple » et laisser présager des sanctions potentiellement plus importantes pour les futurs contrevenants.

 

 

Florence Chafiol-Chaumont - Associé

Chloé Minet - Counsel

 

 

 

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