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La protection du secret des affaires : une nouvelle proposition de loi ambitieuse

Article | 09/09/14 | 4 min. |

Le 16 juillet dernier, à l’initiative du Président de la Commission des lois Jean-Jacques Urvoas, plusieurs députés ont présenté une proposition de loi relative à la protection du secret des affaires. Ce nouveau texte, le dernier d’une longue série de tentatives pour protéger les actifs intellectuels sensibles des entreprises, entend donner un cadre règlementaire cohérent pour prévenir, dissuader et réprimer les atteintes à un capital stratégique qui échappe à la protection spécifique que le droit français accorde aux brevets, marques ou secrets de fabrique.

Une nouvelle tentative de protéger le secret des affaires

Ce texte fait suite à une précédente proposition de loi n°3985 visant à sanctionner la violation du secret des affaires, déposée le 22 novembre 2011 par le député Bernard Carayon. Adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale le 23 janvier 2012, celle-ci avait néanmoins été écartée aux cours des débats parlementaires, sans doute à cause du calendrier des élections présidentielles. Le texte actuel se démarque du précédent en ce qu’il adopte une approche civile et non plus seulement pénale.

Le texte anticipe également la transposition d’une future directive sur le sujet, présentée le 28 novembre 2013 par la Commission Européenne et qui s’inscrit dans le même souci de préservation du savoir-faire et de la compétitivité des entreprises européennes.

De la difficulté pratique de définir le secret des affaires

Créant un titre V intitulé « Du secret des affaires » au sein du livre premier du Code de commerce, le texte proposé entend définir le secret des affaires selon trois critères cumulatifs calqués sur les dispositions de l’article 39 du traité ADPIC, annexé à l’Accord de Marrakech instituant l’OMC. Les conditions de fond de l’information protégée tiennent ainsi (i) au caractère non public de l’information « en ce qu’elle procède d’une conjonction d’éléments publics qui, assemblés, revêtent un caractère inédit que l’on souhaite protéger », (ii) à sa valeur économique et (iii) aux « mesures de protection dites raisonnables » mises en place afin d’en maintenir le secret. Si cette définition est sans conteste plus circonstanciée que celle proposée précédemment, elle se heurte néanmoins à une difficulté qui affectait déjà le texte précédent, à savoir l’absence de délimitation formelle de l’information protégée. A nouveau, les entreprises ont semble-t-il toute latitude pour en circonscrire le périmètre. Or, un pouvoir discrétionnaire dans la définition du périmètre à protéger, certes séduisant, peut s’avérer complexe à mettre en œuvre.

L’intervention du juge civil, une innovation louable

Soucieux d’octroyer aux entreprises un moyen simple et efficace de protéger leurs informations confidentielles, le texte confie principalement les clefs du contentieux au juge civil. Le futur article L.151-2 du Code de commerce pose ainsi le principe général de l’interdiction de violer le secret des affaires et qualifie une telle atteinte de faute au sens de la responsabilité civile. Les entreprises victimes pourront obtenir réparation du préjudice subi ou requérir du juge des mesures spécifiques pour endiguer l’atteinte.

La proposition de loi prévoit également un arsenal de mesures provisoires ou conservatoires, en référé ou sur requête, dans un nouvel article L.151-3, répondant ainsi aux exigences de rapidité de la vie économique et à la fragilité intrinsèque du secret des affaires.

Plus intéressant encore, la protection du secret des affaires est assurée quelle que soit la loi (française ou étrangère) choisie par les parties dans leurs relations contractuelles parties (futur article L.151-6 du Code de commerce).

La répression pénale de l’atteinte au secret des affaires

Dans une approche plus classique, le texte renferme également un volet répressif consacrant une infraction de violation du secret des affaires assortie d’une peine de 3 ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende. Afin de lutter contre l’espionnage économique, ces sanctions sont aggravées lorsque l’atteinte au secret touche aux intérêts économiques de la France.

Sont enfin prévues des dispositions destinées à protéger les « lanceurs d’alertes » : le futur article L.151-9 du Code de commerce prévoit en effet que le secret des affaires n’est pas opposable à une personne dénonçant une infraction.

Une approche audacieuse en droit français

Si cette nouvelle proposition a le mérite d’offrir un cadre cohérent et adapté aux préoccupations des entreprises pour protéger le secret des affaires, elle marque néanmoins un changement culturel important au sein d’un environnement juridique davantage rompu à sanctionner le comportement frauduleux (abus de confiance, vol ou encore intrusion dans les systèmes informatisés de données) qu’à identifier et protéger l’information elle-même, exercice par nature difficile.

Proposition de loi n°2139 relative à la protection du secret des affaires, enregistrée à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 juillet 2014.

Maxime Cléry-Melin, avocat

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