
Article | 26/12/11 | 5 min. |
Le droit de l’urbanisme est au cœur des activités du département droit public/réglementaire du cabinet. Dans ce domaine, nous intervenons en conseil mais également en contentieux devant les juridictions administratives.
La jurisprudence étant très riche, nous vous proposons ci-après une sélection des arrêts les plus intéressants rendus en 2010 et 2011. L’accent est porté sur l’instruction, le contentieux et les aspects environnementaux des autorisations d’urbanisme.
Instruction du permis de construire
Certains services instructeurs exigent parfois, à des fins dilatoires, des pièces complémentaires non prévues par le code de l’urbanisme. Ce comportement a été reconnu comme fautif et de nature à engager la responsabilité de l’administration s’il en a résulté un préjudice certain (CAA Marseille, 17 décembre 2010, Teychenne, n° 08MA04880). Depuis l’entrée en vigueur de la réforme des autorisations d’urbanisme le 1er octobre 2007, l’instruction est mieux encadrée, mais cette solution devrait conserver sa pertinence.
Instruction de la demande d’autorisation d’exploitation commerciale
En la matière, contrairement à ce qui prévaut en matière de permis de construire, aucun texte n’impose à la Commission départementale d’aménagement commercial (CDAC) de demander des compléments au dossier jugé insuffisant. Le dossier de demande d’autorisation doit comporter une étude permettant notamment à la commission d’apprécier, au regard des critères d’autorisation prévus à l’article L. 752-6 du code de commerce, les effets prévisibles du projet sur l’environnement. Au visa de cet article, le Conseil d’Etat a jugé que la CDAC ne pouvait refuser d’emblée l’autorisation. Elle était tenue d’inviter le pétitionnaire à compléter son dossier afin de combler les insuffisances constatées dans ce domaine (CE, 30 mai 2011, Sté Frénodis, n° 336055).
Régularisation du permis en cours d’instance
Lorsqu’un permis de construire est attaqué par un tiers, il n’est pas rare que l’administration délivre en cours d’instance, à des fins de régularisation, un permis modificatif. Il appartient dans cette hypothèse au bénéficiaire de l’autorisation de notifier la décision nouvelle au tiers requérant. A défaut, le délai de recours à l’encontre de la nouvelle autorisation ne peut courir à l’égard de ce dernier (CE, 23 mars 1973, Cie d’assurances l’Union, n° 80513). Le Conseil d’Etat va aujourd’hui plus loin et juge qu’au-delà de cette nécessaire notification, le délai de recours à l’égard du tiers requérant ne peut courir que si le permis modificatif a été dûment affiché sur le terrain pendant une période continue de deux mois, en application de l’article R. 600-2 du code de l’urbanisme (CE, 23 mai 2011, Paris Habitat OPH, n° 339610).
Annulation partielle et pouvoirs du juge
Lorsqu’un permis de construire est entaché d’une illégalité qui peut être corrigée par l’obtention d’un permis modificatif, le juge peut, sur le fondement de l’article L. 600-5 du code de l’urbanisme, prononcer l’annulation seulement partielle de ce permis. Une telle annulation peut porter sur la violation de l’article du règlement d’urbanisme imposant au pétitionnaire des obligations en matière de création de places de stationnement (CE, 23 février 2011, SNC Hôtel de la Bretonnerie, n° 325179).
Démolition d’ouvrages publics et pouvoirs du juge
Le principe de l’intangibilité des ouvrages publics continue de connaître des exceptions et celle-ci n’est pas des moindres. Lorsqu’il annule un permis autorisant la construction d’un ouvrage public, le juge administratif peut ordonner, à la demande des requérants, l’interruption des travaux, voire la démolition des constructions non affectées au service ou à l’usage du public. Dans l’affaire en cause, l’autorisation portait sur la construction dans un site de montagne « d’une grande qualité paysagère » d’un parc de stationnement de sept niveaux. Avant de confirmer la décision de démolir l’ouvrage public inachevé, le Conseil d’Etat a dressé une liste de critères sous forme de bilan coûts/avantages : (i) vérifier que le permis n’était pas régularisable, (ii) considérer les inconvénients du maintien de l’ouvrage pour les intérêts publics et privés en cause, (iii) considérer les conséquences de la démolition pour l’intérêt général compte tenu du coût des investissements déjà réalisés et de l’éventuelle possibilité de reconvertir les constructions. Le rapprochement de ces divers éléments permettra de déterminer s’il n’est pas porté une atteinte excessive à l’intérêt général, auquel cas la démolition pourra être ordonnée (CE, 14 octobre 2011, Cne de Valmeinier, n° 320371).
Autorisation d’urbanisme et Charte de l’environnement
Le Conseil d’Etat pose la règle selon laquelle le principe de précaution, prévu à l’article 5 de la Charte de l’environnement, s’impose aux pouvoirs publics dans leurs domaines de compétence respective, y compris lorsqu’un maire se prononce sur l’octroi d’un permis de construire. La valeur constitutionnelle de la Charte transcende ainsi le principe d’indépendance des législations. Il juge toutefois qu’au regard de ces dispositions, un maire ne commet pas d’erreur manifeste d’appréciation en autorisant l’implantation d’une antenne-relais de téléphonie mobile, compte tenu des connaissances actuelles sur les risques pouvant résulter de l’exposition aux champs électromagnétiques (CE, 19 juillet 2010, Association du quartier « Les Hauts de Choiseul », n °328687). Le Conseil d’Etat a par ailleurs reconnu une compétence exclusive aux autorités de l’Etat pour réglementer l’implantation des antennes relais sur le territoire communal (CE, 26 octobre 2011, Cne de St Denis, n° 326492).
Eoliennes en montagne, en zone littorale
En zone de montagne comme en zone littorale, l’urbanisation doit en principe se réaliser en continuité avec les habitations existantes. Cette règle vise à interdire le « mitage » de ces espaces privilégiés. En montagne, des dérogations existent pour les « installations ou équipements publics incompatibles avec le voisinage des zones habitées » (C. urb., art. L. 145-3). Après avoir considéré que la construction d’éoliennes constitue une urbanisation au sens de ces dispositions, le Conseil d’Etat juge que, eu égard à la destination et à l’importance de l’installation en cause (un parc de huit éoliennes), les constructions peuvent bénéficier de la dérogation bénéficiant aux équipements publics (CE, 16 juin 2010, Leloustre, n° 311840). A l’inverse, dans les communes littorales, il n’existe pas de dérogation comparable, si bien qu’un permis autorisant la construction d’éoliennes isolées est illégal (CAA Nantes, 28 janvier 2011, Sté Néo Plouvien, n° 08NT01037). Dans la mesure où la loi Grenelle 2 a interdit l’implantation d’éoliennes à moins de 500 mètres des habitations existantes (art. L. 553-1 c. env.), aucun permis ne semble pouvoir être délivré sur les communes littorales.
Christian Pierret - Associé
Dominique de Combles de Nayves - Associé