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Nouvelles lignes directrices de l’Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations

Article Droit de la concurrence, consommation et distribution Contrats commerciaux et internationaux | 18/07/13 | 6 min. | Renaud Christol

Après quatre années d’expérience et près de sept cent décisions adoptées en tant qu’autorité de contrôle des concentrations en France , l’Autorité de la concurrence (« l’ADLC ») a publié le 10 juillet dernier ses nouvelles lignes directrices relatives au contrôle des concentrations.

Les nouvelles lignes directrices reprennent fort logiquement pour l’essentiel le contenu de celles de décembre 2009 mais apportent de nombreuses précisions et ajustements au contrôle français des concentrations, en matière de procédure ainsi que d’examen au fond des opérations. Le présent flash se concentre sur les quatre apports les plus notables.

Modalités de calcul du chiffre d’affaires
Afin d’apprécier le caractère notifiable d’une opération de concentration, les chiffres d’affaires pris en considération doivent refléter la situation économique des entreprises parties à l’opération au moment de la signature de l’acte contraignant qui permet la notification. Dans la majeure partie des cas, ces chiffres d’affaires ressortent des comptes vérifiés pour le dernier exercice clos. Cela étant, des événements postérieurs à la clôture et à la vérification peuvent sensiblement modifier ces chiffres d’affaires. C’est le cas des acquisitions, des cessions, des fusions et des fermetures d’activités. C’est également le cas des variations sensibles de l’activité d’une ou plusieurs parties à l’opération envisagée. Sous l’empire des anciennes lignes directrices , ces deux types de situations étaient envisagés et les parties pouvaient donc ajuster leurs chiffres d’affaires pour apprécier le caractère notifiable d’une opération. Désormais, seule les « modifications permanentes de la réalité économique »  des entreprises seront prises en considération. En d’autres termes, les variations de chiffre d’affaires causées par la seule fluctuation de l’activité ne pourront plus être prises en compte. Au surplus, il sera nécessaire que les « modifications permanentes » soient réalisées à la date de l’appréciation. Ainsi par exemple, des ventes d’actifs signées mais non réalisées à la date de l’appréciation ne seront pas prises en considération, sauf si elles sont une condition préalable à l’opération notifiée.

Encadrement limité de la phase de pré-notification
Depuis que le contrôle des concentrations est devenu obligatoire en France en 2001, il existe une phase informelle de pré-notification entre l’ADLC (autrefois le ministère de l’économie) et les entreprises. Cette phase est notamment destinée à s’assurer du caractère notifiable de l’opération envisagée, à convenir du niveau de détail et de précision des informations qui seront communiquées dans le cadre de la notification, voire à engager les discussions sur les éventuels problèmes de concurrence causés par l’opération envisagée et les mesures correctives susceptibles d’y être apportées. Malgré son importance, cette phase était largement passée sous silence par les anciennes lignes directrices. Les nouvelles comblent cette lacune en reconnaissant que la pré-notification « s’avère néanmoins très importante pour une instruction optimale de l’opération concernée ».

L'ADLC indique qu’elle s'engage à répondre dans les cinq jours ouvrés de l’envoi d’une pré-notification par la désignation d’un ou plusieurs rapporteurs chargés de l’examen de l’opération et en informant l’entreprise sur l’état de complétude de son dossier . Si cet engagement doit être salué, on peut toutefois regretter qu’il soit limité et que l’ADLC ne soit pas allée plus loin, en communiquant par exemple des délais indicatifs de réponse des rapporteurs aux documents qui leur sont communiqués, voire des durées indicatives de phases de pré-notification afin que, sans soumettre la pré-notification a un formalisme qui lui aurait fait perdre toute souplesse, les entreprises bénéficient d’une plus grande visibilité.

Formalisation de la procédure simplifiée
Face à l’afflux de dossiers ne posant manifestement aucun problème de concurrence  (par exemple la plupart des opérations menées par des fonds d’investissement), l’ADLC avait déjà annoncé qu’elle mettait en place un dossier de notification et une procédure simplifiés qui permettaient de limiter les informations communiquées et de réduire à quinze jours ouvrés (au lieu de vingt-cinq) le délai d’examen de la notification en phase I.

Ce dossier et cette procédure sont intégrés dans les nouvelles lignes directrices .Pour en bénéficier, il est nécessaire que l’acquéreur et la cible ne soient pas présents sur les mêmes marchés ni sur des marchés amont, aval ou connexes. En cas d’opération impliquant des entreprises qui exploitent un ou plusieurs magasins de commerce de détail (qui constituent un volume de notifications très important en raison des seuils spécifiques qui leur sont applicables ), l’opération ne devra pas entraîner un changement d’enseigne du ou des magasins de commerce de détail concernés pour bénéficier de la procédure simplifiée. Quant au contenu du dossier de notification , l’ADLC indique qu’il peut se limiter à une présentation des parties, un tableau récapitulatif des données financières pour le dernier exercice clos (et non pour les trois derniers) et une liste des activités des parties, sans qu’une délimitation de marchés et une analyse de ces marchés ne soit nécessaire.

Deux modèles-types pour les mesures correctives
L’ADLC, comme avant elle la Commission européenne et d’autres autorités de concurrence, a décidé de proposer deux modèles-types pour la cession d’actif et le contrat de mandat dans le cadre de cession d’actif et incite fortement les entreprises à y recourir.

Ces modèles-types vont au-delà de simples formulaires et contiennent les éléments que l’ADLC juge nécessaire pour « faciliter, sécuriser et homogénéiser la pratique des entreprises à l’occasion de la phase cruciale que constituent les engagements » . Le modèle-type pour la cession d’actifs  formalise ainsi la procédure de cession et explicite les « garanties minimales que [l’ADLC] juge nécessaires au maintien de la viabilité des actifs cédés »  au rang desquelles figurent une obligation de non-débauchage du personnel nécessaire au bon fonctionnement de l’activité à la charge des cédants, généralement sur une période de 2 années après la cession. Les cédants doivent également s’engager à ne pas racheter les actifs qu’ils ont cédés pendant une période généralement fixée à 10 ans à compter de la décision de l’ADLC. Le modèle-type de contrat de mandat dans le cadre de cession d’actif  prévoit des dispositions strictes afin d’assurer l’indépendance du mandataire vis-à-vis de l’entreprise mandante. Il prévoit également un renforcement des relations entre le mandataire et l’ADLC. Outre les rapports sur l’exécution de sa mission, le mandataire devra également exécuter « toute instruction [venant de l’ADLC] visant à assurer la réalisation de l’engagement ». Enfin, le rôle de l’entreprise mandante est pareillement strictement encadré. Les lignes directrices précisent qu’en cas d’engagement comportemental, les dispositions du contrat de mandat précisant la mission de contrôle du mandataire devraient être « en partie communes au contrat de mandat relatif aux cessions, hormis en ce qui concerne les mesures de suivi elles-mêmes, spécifiques aux engagements concernés et qui varient au cas par cas » . Les modèles proposés par l’ADLC ont le mérite de conférer une visibilité aux entreprises mais espérons qu’ils ne se transformeront pas en carcan et que l’adaptation à chaque cas particulier restera possible.

Les nouvelles lignes directrices apportent indiscutablement des précisions et ajustements utiles dans le cadre du contrôle des concentrations. On peut toutefois regretter qu’elles n’aient pas apporté de modifications sur certains sujets qui préoccupent les entreprises, au premier rang desquels figure la date de délivrance de l’avis de complétude du dossier de notification et le point de départ du délai d’examen de l’opération. L’ADLC continuera à pouvoir délivrer l’avis de complétude à sa convenance (parfois le jour même ou la veille de la décision d’autorisation) alors qu’une solution calquée sur la pratique communautaire (la complétude est réputée acquise dès la date de réception de la notification et n’est remise en question qu’en cas de manque sur un point essentiel du dossier) aurait supprimé une grande part de l’incertitude qui pèse sur les entreprises quant au point de départ du délai d’examen de leurs opérations au titre du contrôle des concentrations.
 

Christophe Clarenc - Associé
Renaud Christol - Counsel
 

 

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