
Article | 04/10/10 | 5 min. |
L’autorité de la concurrence a publie son premier rapport d’activité en juillet 2010, un peu plus d’un an apres sa creation. Si ses nouvelles missions ont ete mises en oeuvre avec succes, sa politique de renforcement des sanctions est discutee, comme en temoigne le rapport remis a la ministre de l’economie le 20 septembre 2010 sur la determination des sanctions en matière de pratiques anticoncurrentielles.
La loi de modernisation de l’économie (LME) du 4 août 2008 a emporté création, en mars 2009, de l’Autorité de la concurrence, autorité unique réunissant les compétences autrefois réparties entre le Conseil de la concurrence et le ministre chargé de l’économie.
La réforme a ainsi permis la création d’un ‘guichet unique’, réunissant au sein d’une même autorité l’ensemble de la procédure de contrôle des concentrations et les pouvoirs d’enquête et d’instruction dans le cadre du contrôle des pratiques anticoncurrentielles. L’Autorité de la concurrence s’est également vu attribuer un pouvoir d’auto-saisine en matière consultative.
Un transfert réussi de compétences en matière de contrôle des concentrations
La principale innovation de la réforme est le transfert à l’Autorité de la concurrence de l’intégralité du contrôle des concentrations qui était auparavant partagé entre le Conseil de la concurrence et le ministre chargé de l’économie.
Désormais, c’est auprès de l’Autorité de la concurrence que les entreprises doivent notifier leurs projets de concentration, et c’est le service des concentrations de l’Autorité qui procède à l’analyse des effets de l’opération notifiée avant de prendre une décision, aussi bien en Phase I qu’en Phase II. Le ministre chargé de l’économie ne conserve qu’une compétence résiduelle avec le pouvoir d’évoquer une affaire, lorsqu’elle soulève des enjeux politiques dépassant le droit de la concurrence.
A ce jour, il est encore trop tôt pour savoir si l’Autorité de la concurrence a su répondre aux objectifs de cette réforme : assurer un contrôle plus efficace et plus rapide. Cependant, la création d’un service dédié aux concentrations travaillant en interaction avec le service juridique et le service économique de l’Autorité devrait permettre de garantir une bonne technicité de l’analyse économique qui sera faite de l’impact concurrentiel de chaque opération. Autre point positif : un dialogue direct avec les parties est désormais favorisé, comme cela a été le cas pour la fusion entre les groupes Caisse d’Epargne et Banque Populaire1. L’objectif affiché de l’Autorité est d’ailleurs « d’optimiser l’équilibre entre les contraintes de temps des entreprises, la transparence des procédures et la rigueur de l’analyse concurrentielle »2. L’Autorité fait d’ailleurs preuve, dans plusieurs de ses décisions, de pragmatisme et d’adaptabilité lorsqu’il est nécessaire d’imposer des engagements comportementaux. Enfin, de nombreuses concentrations ont été autorisées en Phase I dans un délai inférieur à celui de 25 jours ouvrés imposé par les textes.
Le cumul au sein d’une même entité des pouvoirs de contrôle des concentrations et de contrôle des pratiques anticoncurrentielles permet d’assurer une sécurité juridique renforcée. En témoigne la reconnaissance du concept de restrictions accessoires par l’Autorité3. Ainsi, une clause validée par le service des concentrations ne pourra être remise en cause ultérieurement, si elle a été considérée comme directement liée et nécessaire à la réalisation de la l’opération envisagée4.
Une politique de sanctions discutée
En matière de pratiques anticoncurrentielles, la LME innove en réunissant les activités d’enquête et d’instruction au sein de l’Autorité de la concurrence : les pouvoirs d’enquête appartenaient auparavant au ministre chargé de l’économie.
Cette évolution devrait permettre un meilleur suivi des dossiers, et une meilleure technicité puisque les services de l’instruction travaillent en interaction avec les autres services (juridique et économique). Une fois encore, il est difficile de connaître l’impact décisionnel de cette nouvelle organisation, puisqu’à ce jour, aucun des dossiers ouverts depuis la réunion des pouvoirs d’enquête et d’instruction n’a donné lieu à une décision.
Cependant, deux arrêts récents de la Cour d’appel de Paris5 et de la Cour de cassation6 ont remis en cause la politique de renforcement des sanctions de l’Autorité, le premier réduisant de 575 à 75 millions le montant des sanctions prononcées et le second mettant un terme à la présomption d’existence du dommage à l’économie en cas d’entente. Le Président de l’Autorité, Bruno Lasserre, a alors annoncé être « favorable à [la publication] de lignes directrices sur le calcul des sanctions»7 et la ministre de l’économie, Christine Lagarde, a de son côté commandé une réflexion sur la détermination des sanctions en matière de pratiques anticoncurrentielles.
Le rapport ainsi commandé a été publié le 20 septembre 20108. Il propose un ensemble de recommandations sur les modalités de détermination des sanctions, allant de la procédure (mise en place d’un débat contradictoire sur la sanction) aux méthodes de calcul des sanctions (montant de base représentant 5 à 15% de la valeur des ventes affectées par les pratiques reprochées, prise en compte du dommage à l’économie uniquement au stade de la pondération de la sanction, recours au sursis pour les violations limitées du droit de la concurrence et mise en place de sanctions individuelles).
A l’avenir, l’Autorité de la concurrence devrait donc mieux motiver ses décisions sur la méthode de calcul du dommage à l’économie, comme elle l’a fait d’ailleurs dans sa dernière décision, rendue – comme par hasard – le même jour que le rapport, et par laquelle 11 banques sont sanctionnées à hauteur de 384,9 millions d’euros pour entente sur le traitement des chèques9.
Une régulation par la voie consultative
L’Autorité de la concurrence peut désormais se saisir d’une question de concurrence en vue de rendre publique – par le biais d’un avis – son analyse sur un projet de réglementation ou sur le fonctionnement concurrentiel d’un marché.
A ce jour, un seul avis a été rendu sur auto-saisine de l’Autorité, sur le secteur du transport public de voyageurs10. Mais elle s’est également auto-saisie d’autres questions, comme celle de l’utilisation croisée de bases de clientèle11. Cette dernière question montre la volonté de l’Autorité de la concurrence de ne pas se cantonner aux projets de règlementation, mais de se saisir également de pratiques qui n’auraient pas encore fait l’objet d’une procédure contentieuse.
Une telle nouveauté va aussi dans le sens d’une sécurité juridique renforcée, puisqu’elle offre aux acteurs d’un marché une certaine ‘guidance’ sur les pratiques que l’Autorité considère comme anticoncurrentielles, sans risquer de sanctions – du moins si ces entreprises se plient aux avis ainsi rendus.
Of Counsel