
Article | 07/05/14 | 3 min. |
Aujourd’hui et d’une manière générale, les noms de domaine sont de formidables vecteurs de notoriété. Mais, sur un plan juridique, est-ce qu’une marque non déposée peut être considérée comme notoire, au sens de la loi, uniquement parce qu’elle est exploitée en tant que nom de domaine ? C’est la question à laquelle la Cour d’appel de Bordeaux a récemment répondu.
Les faits sont les suivants : une demande d’enregistrement de marque portant sur le signe « ALPHAZOME » a été déposée le 2 octobre 2012 auprès de l’Institut national de la propriété industrielle (INPI) afin de désigner les produits et services liés à la construction de zomes (maisons alternatives).
Une opposition à l’enregistrement de cette marque a été formée devant l’INPI le 4 décembre 2012. L’opposant invoquait le signe antérieur « ALPHAZOMES » qui n’était pas enregistré en tant que marque mais qu’il considérait comme étant une marque non déposée notoirement connue au sens de l’article 6bis de la Convention d’Union de Paris, ce qui lui permettait de s’opposer à l’enregistrement d’une marque postérieure conformément à l’article L712-4 du Code de la propriété intellectuelle.
Afin de rapporter la preuve de la notoriété du signe « ALPHAZOMES », l’opposant a présenté différents documents dont la plupart étaient relatifs à l’exploitation de son nom de domaine « alphazomes.org ».
Le 5 février 2013, le directeur de l’INPI a déclaré irrecevable l’opposition considérant que les pièces produites à l’appui de la demande de l’opposant n’établissaient pas la notoriété de la marque non déposée « ALPHAZOMES » en France. L’opposant a donc formé un recours contre cette décision devant la Cour d’appel de Bordeaux.
Dans son arrêt du 10 mars 2014, la Cour d’appel de Bordeaux confirme la décision du Directeur de l’INPI et rejette le recours formé par l’opposant.
La Cour rappelle le principe selon lequel une marque antérieure non déposée mais notoirement connue autorise effectivement son propriétaire à faire opposition à une demande d’enregistrement auprès de l’INPI. Mais en pratique toute la difficulté réside dans la preuve de cette notoriété. A ce titre, la Cour d’appel rappelle que la notoriété d’une marque s’apprécie en fonction (i) du public pertinent, c’est à dire le public concerné par les produits et services en cause (en l’espèce les maisons alternatives), mais aussi en fonction (ii) du territoire : la marque doit être connue par une large fraction du public concerné, sur tout le territoire ou sur une partie substantielle de celui-ci .
En l’espèce, les juges ont considéré que les documents produits à l’appui de l’opposition, qui faisaient référence à l’exploitation du nom de domaine « alphazomes.org », s’avéraient insuffisants pour établir l’existence d’une véritable notoriété de la marque « ALPHAZOMES », et ce même en tenant compte du caractère restreint du public concerné, à savoir celui des maisons alternatives.
La Cour souligne que le nombre de visites du site « alphazomes.org » (15.000 à 19.000 visites par an) n’apporte en rien la preuve d’un taux d’affluence important et ce, en l’absence d’éléments de comparaison avec d’autres sites sur les modes de construction alternatifs.
Par ailleurs, la Cour d’appel a déclaré irrecevable le moyen tiré de l’antériorité du nom de domaine « alphazomes.org », reprochant à l’opposant d’avoir invoqué tardivement ce moyen. En effet, dans le cadre de l’opposition, il fondait exclusivement son recours sur la notoriété du signe revendiqué « ALPHAZOMES », utilisant le nom de domaine « alphazomes.org » uniquement comme preuve de la notoriété de ce signe mais non comme un droit antérieur. En tout état de cause, même si cet argument avait été soulevé devant l’INPI, la Cour rappelle que l’atteinte faite à un nom de domaine ne relève pas de la compétence de l’INPI et de la procédure d’opposition, qui est seulement réservée aux propriétaires de marques enregistrées ou notoires.
Par cet arrêt, les juges rappellent :
(i) qu’un nom de domaine peut être un élément de nature à constituer la preuve de la notoriété d’une marque non déposée, mais encore faut-il que cette notoriété soit suffisamment prouvée. Le simple fait d’exploiter un nom de domaine n’est pas suffisant.
(ii) qu’un nom de domaine antérieur ne peut pas servir de base dans le cadre d'une procédure d'opposition à l'enregistrement d'une marque devant l’INPI.
August & Debouzy sera présent à l’INTA qui aura lieu du 10 au 14 mai 2014 à Hong-Kong.
Véronique Dahan, counsel