Les secousses (pandémie, guerres, pénuries…) qui ont tour à tour affecté l'économie mondiale nous ont sérieusement alertés sur nos interdépendances : des secteurs entiers d’activité se sont retrouvés très vite impactés par des pénuries ou difficultés d’approvisionnement en matières premières et composants essentiels à leur fonctionnement [1]. Il a aussi fallu faire face à une explosion du coût des transports, à une exceptionnelle hausse du prix des énergies et à l’inflation. Selon un récent rapport de l’ONU, la croissance de la production mondiale devrait ralentir, passant d’une estimation à 3 % en 2022 à 1,9 % en 2023 [2]. À elle seule, la crise sanitaire liée à la Covid-19 a eu des conséquences substantielles sur le niveau d’activité des entreprises françaises qui ont accusé une baisse de 6,3 % de leur chiffre d’affaires entre 2019 et 2020 [3].
Ces difficultés qui pèsent encores sur les chaînes d'approvissionnement ont modifié l'équilibre contractuel. Dans le secteur de la grande distribution alimentaire et non-alimentaire, réputé des plus rudes en matière de négociation, une nouvelle source de tension est apparue. « Les coûts de production des fournisseurs/industriels ont drastiquement augmenté – de manière générale - et ont conduit à un nouveau bras de fer sur les tarifs et barèmes de prix, et les modalités de leur évolution en cours d’année.
Une tension qui s’ajoute, bien évidemment, à celle qui s’exerce depuis quelques années et qui continue de s’exercer sur les négociations de l’ensemble des conditions commerciales, tension que l’empilement des réglementations n’a malheureusement pas réduite », précise Alexandra Berg-Moussa, avocat associée de notre cabinet, spécialisée en droit de la distribution.
Dans d’autres secteurs, les craintes de nouvelles ruptures d’approvisionnement ont clairement fait peser la balance en faveur des fournisseurs au point d’inverser, pour certains, un rapport de forces auparavant favorable aux acheteurs [5].
Dans ce contexte mouvant, quelles postures les acteurs économiques peuvent-ils adopter pour la défense de leurs intérêts ?
D’autres seront tentées de revoir les conditions qui les lient à certains de leurs cocontractants. À cet effet, il existe un arsenal juridique bien étoffé pour assurer à chacun la défense de ses objectifs : l’intégration ou l’exécution de clauses de type indexation, le recours, si nécessaire, aux principes du droit des contrats pour obtenir un ajustement contractuel, pour contrer une clause de résiliation en cas de procédure collective ou bien une menace de rupture brutale des relations commerciales établies.
A l'inverse, certaines entreprises miseront sur la consolidation de leurs partenariats et la nécessité de maintenir le tissu économique dans lequel elles évoluent.
Des intérêts et des objectifs mutuels seront naturellement nécessaires pour établir une relation équilibrée. Laquelle devra s'alimenter (mais tirera également profit) de la concertation entre les partenaires, de la compréhension des processus de fonctionnement et des contraintes réciproques, de la mise en place d'un pilotage commun sur certains projets, voire du lancement ponctuel de co-développements et investissements partagés.
L’accompagnement du partenaire au niveau financier en est un autre, comme le fait de lui accorder temporairement un peu de souplesse et flexibilité dans l’exécution du contrat en fonction des difficultés qu’il rencontre : ajuster les conditions de paiement, suspendre partiellement l’exécution du contrat, négocier des baisses de prix ultérieures… Toutes mesures qui favoriseront le rebond de l’entreprise contrainte de travailler pour un temps en mode « dégradé », sans trop entamer par ailleurs l’équilibre du partenaire conciliant. Elles contribueront à pérenniser une synergie mutuellement profitable à plus long terme.
Toutes ces mesures contribuant à la consolidation des relations doivent être formalisées par écrit, un gage de sécurité et de transparence pour les parties.
[1]https://solutions.lesechos.fr/tech/c/penurie-de-composants-electroniques-ou-en-est-on-32446/
[2]https://reliefweb.int/report/world/situation-et-perspectives-de-leconomie-mondiale-2023-resume-analytique
[3] "L’impact de la crise sanitaire en 2020, une analyse à partir des données fiscales », DGFIP Analyses, Janvier 2022, n°1
[4]Sarah Guillou, La dépendance aux intrants chinois et italiens des industries françaises, 2020
[5]https://www.decision-achats.fr/Thematique/strategie-achats-1236/relation-fournisseurs-2263/Breves/Relation-fournisseur-un-rapport-de-force-inverse-depuis-la-crise-373436.htm / https://www.decision-achats.fr/Thematique/strategie-achats-1236/relation-fournisseurs-2263/Breves/Les-nouvelles-formes-de-relations-fournisseurs-375573.htm