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Distribution sélective et places de marché : le dénouement

Article Droit de la concurrence, consommation et distribution Contrats commerciaux et internationaux | 06/12/17 | 5 min. | Renaud Christol

La Cour de Justice de l’Union Européenne, (« CJUE ») saisie sur renvoi préjudiciel, a validé aujourd’hui, au regard du droit de la concurrence, l’interdiction de vente sur les places de marché (« marketplace »), telles que Amazon ou eBay, des produits de luxe commercialisés dans des réseaux de distribution sélective.

Le recours par des distributeurs agrées à des places de marché pour vendre des produits de luxe était souvent considéré par les producteurs comme une atteinte à l’effet utile des réseaux de distribution sélective et à leur efficacité.

La décision de la CJUE était très attendue, notamment en raison des divergences de jurisprudence et de pratique des autorités de concurrence nationales qui n’ont, jusqu’à présent, pas pris de position claire et définitive[1].

Par cet arrêt, la CJUE considère qu’un fournisseur de produits de luxe peut interdire à ses distributeurs agréés de vendre ses produits sur des places de marchés telles qu’Amazon ou eBay, sous réserve des conditions posées par la jurisprudence. Une telle interdiction est appropriée et ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour préserver l’image de luxe des produits.

La CJUE souligne que la situation de la présente affaire est différente de celle qu’elle avait examinée dans l’affaire Pierre Fabre[2], eu égard notamment à la qualité des produits en cause, à l’absence de relations contractuelle avec les plateformes tierces et à l’étendue de la clause.

Elle rappelle que le recours aux réseaux de distribution sélective pour les produits de luxe est justifié par la particularité des produits vendus et que de tels systèmes ne tombent pas sous le coup de l’interdiction des ententes si plusieurs conditions sont réunies : les revendeurs doivent être choisis sur la base de critères objectifs de nature qualitative, fixés de nature uniforme pour tous et appliqués de façon non discriminatoire ; les critères établis ne doivent pas aller au-delà de ce qui est nécessaire.

La CJUE relève que la qualité des produits de luxe n'est pas simplement le résultat de leurs caractéristiques matérielles, mais également de « l'image séduisante et prestigieuse qui leur confère une sensation de luxe » et que c’est cette sensation qui permet notamment aux consommateurs de distinguer ces produits de luxe d’autres produits similaires. Dès lors, toute « altération » de cette sensation pourrait affecter la qualité des produits de luxe.

Le réseau de distribution sélective a pour objectif principal de préserver une certaine image de marque, la revente sur des plateformes qui ne respecteraient pas les critères imposés aux distributeurs agrées serait paradoxale et viderait de son sens l’objectif même du réseau.

Sur ce point, la CJUE considère qu’une clause par laquelle un fournisseur de produits de luxes interdit à ses distributeurs agréés de revendre les produits concernés sur des plateformes tierces ne tombe pas, de manière automatique, sous le coup de l’interdiction des ententes de l’article 101§1 du TFUE, dès lors qu’elle a pour objectif de préserver l’image de luxe des produits concernés, qu’elle s’applique uniformément et de manière non discriminatoire à tous les distributeurs et qu’elle est proportionnée par rapport à l’objectif poursuivi. Si ces conditions sont réunies, une tête de réseau peut légitimement interdire à ses distributeurs agrées de revendre ses produits de luxe sur des places de marché.

Elle ajoute, et cela revêt une particulière importance, qu’en l’absence de relation contractuelle entre le fournisseur et les plateformes tierces, l’interdiction absolue de revente sur de telles plateformes est plus efficace qu’une autorisation accordée aux distributeurs de recourir à de telles plateformes sous la condition que ces dernières répondent à des exigences de qualité prédéfinies conformément au point 54 des lignes directrices sur les restrictions verticales.

En tout état de cause, la CJUE souligne que la clause pourrait bénéficier d'une exemption par catégorie. L’interdiction en cause ne constituerait pas une restriction de la clientèle, ni une restriction des ventes passives aux utilisateurs finals au sens de l’article 4 du Règlement n° 330/2010, restrictions qui sont automatiquement exclues du bénéfice d'une exemption par catégorie.

Cette décision offre la possibilité aux têtes de réseau de produits de luxe d’interdire à leurs distributeurs agrées de revendre leurs produits sur des places de marché telles qu’eBay et Amazon sans risquer d’être condamnée pour entente. Cette clarification, particulièrement nécessaire, de la CJUE sécurise les contrats de distributions sélectives, préserve l’image de luxe des produits et confirme l’objectif premier des réseaux de distribution sélective en empêchant que des produits de luxe, aux caractéristiques particulières, soient revendus sur des plateformes qui ne se conforment pas aux exigences de qualité imposées aux distributeurs agrées.



[1] Voir notre article précédent : « distribution sélective et places de marché : le dénouement est proche » du 31 mars 2016

[2] C-439-09 Arrêt de la Cour (3è chambre) du 13 octobre 2011 - Pierre Fabre Dermo-Cosmétique



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