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Protection du lanceur d’alerte : dernière ligne droite pour les Directions des Ressources Humaines !

Article Droit du travail et de la protection sociale | 11/12/17 | 9 min. | Virginie Devos

Les Directions des Ressources Humaines ont leur rôle à jouer dans la mise en place de la protection des lanceurs d’alerte.

En effet, à compter du 1er janvier prochain, toutes les entreprises, personnes morales de droit privé ou de droit public de plus de 50 salariés/agents[1] devront avoir mis en place un système de recueil de signalement du lanceur d’alerte garantissant notamment sa protection.

Les entreprises relevant du secteur bancaire et financier[2] doivent également mettre en place une procédure interne appropriée permettant à leur personnel de signaler tout manquement aux obligations prévues par les règlements européens et le code monétaire et financier ou le règlement général de l’Autorité des Marchés Financiers (AMF), sans aucune condition d’effectif[3].

Comment apprécier le seuil de 50 salariés ?

Ce seuil d’effectif est apprécié en tenant compte des règles relatives à la mise en place du comité d’entreprise (CE) et du comité social et économique (CSE) quand il sera en place[4]. Ce qui importe est l’atteinte du seuil d’effectif et non l’existence même de l’instance représentative du personnel.

Autrement dit, deux sociétés appartenant à une unité économique et sociale mais qui n’atteignent pas chacune séparément 50 salariés ne sont pas tenues par les obligations issues de la loi Sapin 2.

Tant que les instances représentatives n’ont pas été renouvelées, le seuil de 50 salariés s’apprécie sur 12 mois consécutifs ou non sur les 3 dernières années. Le dispositif devant être en place au 1er janvier 2018, la période de 3 ans couvre les années 2015,2016 et 2017.

A compter de la mise en place du CSE, l’appréciation du seuil des 50 salariés se fera sur 12 mois consécutifs.

Quel instrument juridique choisir pour mettre en place la procédure de recueil des signalements?

Chaque entreprise détermine l’instrument juridique le mieux à même de répondre à l’obligation d’établir une procédure de recueil des signalements et l’adopte conformément aux dispositions législatives et réglementaires qui le régisse.

Schématiquement deux options se dessinent : la décision unilatérale ou l’accord collectif, peu important l’appellation qui lui sera donnée : charte, policy, note de service, etc

En pratique, le choix de l’instrument juridique se fera fonction des obligations auxquelles la société est soumise. En effet, pour les entreprises soumises à la loi sur la vigilance[5] la procédure d’alerte suppose une concertation avec les organisations syndicales non prévues dans le cadre de la loi Sapin 2. De façon générale, le choix se fera également en fonction des politiques sociales internes, en tenant compte des procédures qu’il faudra respecter à chaque mise à jour de l’outil. En effet, la modification d’une décision unilatérale ou d’un accord collectif n’impliquent pas les mêmes procédures ni les mêmes délais.

Attention cependant si vous décidez de rappeler dans votre procédure les sanctions en cas de non-respect des règles sur le lancement d’une alerte ! Les règles de procédure propres au règlement intérieur devront être respectées. A notre sens, prévoir des sanctions disciplinaires dans ce document est contraire à l’esprit du texte qui est de sécuriser et protéger le potentiel lanceur d’alerte. Ce dispositif ne doit pas se confondre avec l’obligation de prévention contre les risques de corruption prévue par l’article 17 de la loi sapin II qui s’adresse aux sociétés d’au moins 500 salariés[6] et qui impose de prévoir un code de conduite intégré au règlement intérieur et un régime disciplinaire en cas de violation des dispositions qu’il contient.

Afin d’éviter un empilement des procédures, le décret précise qu’il est parfaitement possible de prévoir une procédure de recueil des signalements commune à plusieurs entreprises notamment dans les Groupes de sociétés. De même, la même entreprise soumise à plusieurs procédures de signalement peut avoir un intérêt à établir un même et unique process pour gérer toutes les procédures de signalement.

Quel contenu ?

La procédure de recueil de signalement doit contenir de nombreuses informations obligatoires[7]:

- Les personnes destinataires de l’alerte : il peut s’agir du supérieur hiérarchique, direct ou indirect, de l’employeur ou d’un référent interne ou externe. Le référent doit impérativement disposer, par son positionnement, de la compétence, de l’autorité et des moyens suffisants à l’exercice de ses missions. Cette définition est celle également utilisée pour les délégations de pouvoir. En pratique, n’importe quel salarié de l’entreprise ne pourra pas être désigné référent. Le référent devra bénéficier nécessairement d’actions de formation lui permettant d’exercer pleinement ses missions. Un avenant à son contrat de travail devra être prévu à cet effet si ce dernier exerce par ailleurs d’autres fonctions dans la société.

- Des précisions sur la procédure de signalement : La procédure de recueil des signalements précise les modalités selon lesquelles l'auteur du signalement adresse son signalement, fournit les informations ou documents étayant son signalement quand il dispose de tels éléments et fournit les éléments permettant, le cas échéant, un échange avec le destinataire du signalement.

Elle doit en outre préciser les dispositions prises par l’entreprise pour :

- informer l'auteur du signalement du traitement de son signalement (réception, examen et suites données) ;

- garantir la stricte confidentialité du signalement et de son auteur ;

- détruire les éléments du dossier lorsqu'aucune suite n'y a été donnée.

L’obligation de confidentialité, pierre angulaire du dispositif et dont dépend l’efficacité du dispositif d’alerte est de nature à limiter les personnes recevant l’alerte à une et même personne. Le choix d’un référent nous semble une solution à privilégier qu’il soit en interne ou en externe.

Quelle publicité ?

La procédure de recueil des signalements établie par l’entreprise doit faire l’objet d’une publicité adéquate afin de permettre aux salariés et aux collaborateurs extérieurs et occasionnels d’en avoir une connaissance suffisante.

Autant la diffusion auprès du personnel de l’entreprise ne pose aucune difficulté (intranet, affichage, livret d’accueil…), autant elle peut s’avérer plus complexe lorsqu’il s’agit de prévenir les collaborateurs extérieurs de la Société. Afin de pallier cette difficulté, il convient de privilégier l’ajout d’une clause dans les contrats conclus en y annexant la procédure de protection des lanceurs d’alerte./.



[1] Le champ d’application de la loi est beaucoup plus large et vise notamment les communes de plus de 10.000 habitants etc

[2] Personnes listées aux 1° à 8° et 10° à 17° du II de l'art L.621-9 CMF et les personnes mentionnées à l'art. L.612-2 CMF si activités soumises aux règlements européens et AMF

[3] Art. 16 Loi Sapin II - Art. L.634-1 à 4 du CMF

[4] Ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l'entreprise et favorisant l'exercice et la valorisation des responsabilités syndicales

[5] Loi n°2017-399 du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères

[6] D’autres conditions légales doivent être remplies

[7] Article 4 et 5 du décret n°2017-564 du 19 avril 2017


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