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La réduction ISF-PME à nouveau réformée : une législation complexe !

Article Private Equity Gestion patrimoniale Droit fiscal | 26/02/16 | 12 min. | Xavier Rohmer Emilie Lecomte

L’article 24 de Loi de Finances rectificative (LFR) pour 2015 a mis en conformité le dispositif dit « ISF-PME » prévu par l’article 885-0 V bis du CGI, avec le Règlement Général d’Exemption par Catégories (RGEC n°651/2014 – article 21) du 17 juin 2014 prévu par la Commission Européenne, déclarant certaines catégories d’aides à l’investissement en faveur des PME compatibles avec le marché intérieur et avec les nouvelles lignes directrices (2014/ C19/04) du 22 janvier 2014. Le dispositif ISF-PME, créé par la loi TEPA du 21 août 2007 et maintes fois réformé depuis, est en effet soumis à la règlementation communautaire relative aux aides d’État. Pour rappel, le dispositif ISF-PME permet l’octroi d’une réduction en matière d’ISF à hauteur de 50 % des versements effectués au titre de souscriptions au capital initial de PME, dans la limite annuelle de 45 KEUR, la réduction étant cependant plafonnée à 18 KEUR lorsque les versements sont effectués au profit d’un fonds d’investissement.

L’objectif de la Commission Européenne, relayé par le législateur, est de pallier la défaillance de marché en recentrant l’investissement privé sur les PME innovantes et/ou en démarrage/ forte croissance, qui se heurtent souvent à un « funding gap » en raison de leur activité risquée, d’un taux de profit souvent négatif ou encore de l’absence de garanties financières.

Par ailleurs, il doit être noté que la LFR pour 2015 a, dans le même temps, prorogé le dispositif de la réduction d’IR « Madelin » prévue par l’article 199 terdecies-0 A du CGI, qui permet de bénéficier d’une réduction d’IR de 18% dans la limite d’un plafond annuel de versements de 50 KEUR (pour un célibataire) ou 100 KEUR (pour un couple) et qui devait en principe prendre fin au 31 décembre prochain. La LFR pour 2015 a également aligné la réduction « Madelin » sur le dispositif de l’ISF-PME en ce qui concerne les principales adaptations au droit communautaire, décrites ci-dessous.

Globalement, si le nouveau dispositif ISF-PME intègre désormais littéralement certaines conditions prévues par les textes communautaires de 2014, il prévoit également des restrictions notables qui n’étaient pas prévues par le RGEC. Par ailleurs, un certain nombre de notions devront être précisées par les commentaires de l’administration fiscale à paraître, à la lumière desquelles la portée réelle de ces modifications sur le champ d’application de la réduction ISF-PME devra être précisée.

I. INVESTISSEMENTS DIRECTS : RESTRICTION NOTABLE DU CHAMP D’APPLICATION DU DISPOSITIF

1. Restriction des entreprises éligibles

L’annexe 1 du RGEC, à laquelle fait désormais référence l’article 885-0 V bis du CGI, harmonise la définition communautaire des PME, qui recouvre les PME non cotées employant moins de 250 personnes et dont le chiffre d’affaires annuel n’excède pas 50 MEUR ou dont le total annuel du bilan n’excède pas 43 MEUR et qui ne sont pas qualifiables d’entreprises en difficulté. Cependant, ce nouveau dispositif recentre notablement le dispositif ISF-PME sur les start-ups et jeunes entreprises innovantes en ajoutant que les PME devront également remplir l’une des conditions suivantes lors de l’investissement initial : (i) la société bénéficiaire n’exerce aucune activité sur aucun marché; (ii) la société exerce son activité sur un marché depuis moins de sept ans après sa première vente commerciale (condition de maturité); (iii) la société a besoin d’un investissement en faveur du financement des risques, qui, sur la base d’un plan d’entreprise établi en vue d’intégrer un nouveau marché géographique ou de produits, est supérieur à 50% de son chiffre d’affaires moyen des cinq années précédentes (condition d’innovation ou de fort développement).

Ainsi, alors qu’aucune condition d’âge de la PME n’était prévue pour le bénéfice de l’ancien dispositif ISF-PME, seules sont éligibles désormais, les PME de moins de sept ans (i et ii) après leur première vente commerciale (la notion de « première vente » fera l’objet d’un décret à paraître mais devrait, selon les échanges des autorités françaises avec la Commission Européenne concernant les investissements via les fonds, retenir le seuil de 250 KEUR).

Par ailleurs, la condition (iii) (non précisée par le texte légal) constitue une exception permettant de rendre éligibles les PME de plus de sept ans visant, par une rupture technologique ou commerciale, à conquérir de nouveaux marchés avec un besoin de financement significatif dont le montant, qui sera en pratique supérieur à celui de la souscription à l’augmentation de capital, permettra en principe à la condition (iii) d’être plus facilement satisfaite, sous réserve des commentaires à paraître de l’administration sur cette condition.

Les autres conditions dont celle relative à l’activité, sont reconduites, les sociétés exerçant une activité de promotion immobilière (construction d’immeubles en vue de leur vente ou de leur location et celles ayant une activité immobilière) étant désormais exclues du bénéfice du dispositif ISFPME, à l’inverse des PME dont les titres sont négociés sur Enternext (filiale d’Euronext dédiée aux PME et ETI), désormais éligibles à la réduction ISF-PME.

Contrairement à cette restriction du champ du dispositif ISF-PME, l’alignement de la réduction Madelin sur la réduction ISF-PME, a pour effet d’élargir son champ d’application en ne la réservant plus aux seules entre- prises de moins de 50 salariés réalisant un chiffre d’affaires annuel ou ayant un total de bilan inférieur à 10 MEUR mais à l’ensemble des PME éligibles à la réduction ISF-PME.

2. Restrictions des souscriptions éligibles

Depuis le 1er janvier 2016, les souscriptions par voie d’apports en nature de biens nécessaires à l’activité (dont l’évaluation était considérée comme douteuse et donc sujette à contentieux) ne sont plus éligibles au bénéfice de la réduction ISF-PME. La réduction « ISF-PME » est applicable aux seules souscriptions de titres participatifs de sociétés coopératives et surtout, aux seules souscriptions en numéraire relatives (i) aux souscriptions au capital initial, (ii) aux augmentations de capital de PME dont le redevable n’est ni associé, ni actionnaire, et (iii)aux augmentations de capital de sociétés dont il est associé ou actionnaire lorsque la souscription constitue un « investissement de suivi ». Ainsi, les souscriptions en numéraire à l’occasion d’une augmentation de capital font l’objet d’une restriction majeure, puisque désormais, seuls les investisseurs privés indépendants sont éligibles au dispositif ISF-PME dans le cadre d’une souscription à une augmentation de capital, les associés et actionnaires en étant exclus, sous réserve du cas de l’ « investissement de suivi », notion non définie cependant par le texte légal.

Cette exception prévue pour les associés ou actionnaires souscrivant à une augmentation de capital dans le cas d’investissements de suivi, même après le délai de sept ans, est applicable sous réserve du respect des conditions cumulatives suivantes :

1. L’investissement de suivi était prévu dans le plan d’entreprise initial. D’après les débats parlementaires, il s’agirait d’un investissement qui aurait été décidé durant la période de sept ans et qui se prolongerait au-delà de cette période. Les autorités françaises ont par ailleurs confirmé à la Commission Européenne que les entreprises bénéficiaires, bien que ne remplissant plus les conditions des entreprises éligibles au moment de bénéficier de cet investissement de suivi, les remplissaient au moment où cet investissement a été décidé (prévu dans le plan d’entreprise initial) ;

2. Le contribuable a déjà bénéficié du dispositif ISF-PME lors de son premier investissement au capital de la société bénéficiaire (condition non prévue par le RGEC). D’un point de vue économique, il peut paraître discutable d’exclure d’un éventuel second tour de table l’investisseur historique au motif que le plan d’entreprise initial ne l’avait pas prévu ;

3. La société bénéficiaire n’est pas devenue liée à une autre entreprise au sens de la réglementation européenne et a ainsi perdu sa qualification de PME.

Le montant total du financement des risques, via les souscriptions directes et indirectes, ne devra pas en outre, excéder le plafond global d’aides de 15 MEUR par entreprise admissible (au lieu des 2,5 MEUR par période glissante de douze mois dans le régime antérieur), quelle que soit la mesure de financement des risques. La date d’appréciation de ce seuil n’est pas précisée, mais ce montant devrait être apprécié sur la vie entière de la société en l’absence de commentaires contraires.

Enfin, cette exception ne s’applique qu’aux investissements de suivi afférents à des souscriptions au capital initial effectuées à compter du 1er janvier 2016. Aucune autre précision n’est apportée concernant les modalités d’application de ces nouvelles conditions, de sorte que les commentaires de l’administration fiscale sur le cas des investissements de suivi, sont particulièrement attendus. L’ensemble de ces conditions ont également été étendues aux souscriptions ouvrant droit à la réduction d’IR prévue par le dispositif Madelin. Les anciennes conditions relatives aux souscriptions, restent par ailleurs applicables.

Ajustement du dispositif « hol- ding-ISF ». Le dispositif « holding-ISF » est ajusté pour tenir compte des modifications du champ des entreprises éligibles. La société holding ne doit pas être associée ou actionnaire des sociétés dans lesquelles elle investit, sauf dans le cadre de la réalisation d’investissement de suivi, tel que défini ci-dessus. Enfin, un dispositif ad hoc spécifique aux entreprises solidaires est désormais codifié à l’article 885-0 V bis B du CGI.

3. Modifications relatives à la remise en cause de la réduction ISF

Assouplissement de la condition de conservation des titres pendant cinq ans. L’octroi définitif de la réduction ISF-PME est toujours subordonné à la conservation des titres remis en contrepartie des versements jusqu’au 31 décembre de la cinquième année suivant celle de la souscription, sous peine de remise en cause de l’avantage.

De nouvelles exceptions sont introduites dans le texte légal permettant le maintien du bénéfice de l’exonération malgré le non-respect de l’engagement de conservation, dans les cas suivants : cession réalisée (i) dans le cadre d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, (ii) en cas de licenciement, (iii) d’invalidité ou de (iv) décès du souscripteur ou de son conjoint ou partenaire lié par un PACS, (v) en cas de donation (sous réserve de la reprise par le donataire de l’obligation de conservation des titres transmis notamment), ainsi (vi) qu’ en cas de procédure de retrait obligatoire à l’issue d’une offre publique de retrait ou de toute offre publique, sous conditions.

En cas de non-respect des conditions d’application devant être remplies pendant cinq ans.L’article 885-0 V bis, II-2 dernier alinéa du CGI légalise certaines conditions déjà prévues par l’administration fiscale, en précisant que, doivent être satisfaites non seulement à la date de la souscription mais également de manière continue jusqu’au 31 décembre de la cinquième année suivant cette souscription, les conditions relatives notamment, à la nature de l’activité et à la localisation du siège de la société. En outre, le nouveau texte légal prévoit que la remise en cause du bénéfice de la réduction ISF en cas de non-respect d’une de ces conditions, interviendra au titre de l’année au cours de laquelle la société ou le redevable cesse de respecter l’une de ces conditions.

II. INVESTISSEMENTS INTERMEDIES : HARMONISATION COMMUNAUTAIRE AVEC MAINTIEN DE LA BIENVEILLANCE DU LÉGISLATEUR

La LFR pour 2015 a porté également harmonisation avec le droit communautaire, de la réduction ISF-PME applicable au titre des souscriptions de parts de FCPI et FIP, les aménagements correspondants ayant été validés par la Commission Européenne le 5 novembre dernier. Pour rappel, la réduction ISF s’élève dans ce cas, à 50% des versements effectués au titre des souscriptions aux parts de FCPI ou FIP dans la limite annuelle de 18 KEUR. Si la réduction correspondante n’est ainsi pas soumise au RGEC, elle doit néanmoins respecter les lignes directrices. Sans être exhaustifs, les points à retenir sont les suivants :

1. Ajustement du quota d’investissement des FCPI

Le quota d’investissement des FCPI est adapté, notamment afin d’aligner les PME éligibles au quota d’investissement, sur celles éligibles à la réduction ISF en cas de souscriptions directes (cf.I.1), à l’exception notable de la condition d’ancienneté de l’entre- prise fixée à dix ans pour les FCPI (au lieu de sept pour les investissements directs). Les nouvelles dispositions réduisent ainsi de façon significative le champ des entreprises au capital desquelles un FCPI peut souscrire, puisque antérieurement, pour rappel, les FCPI pouvaient investir dans des titres de sociétés innovantes comprenant jusqu’à 2000 salariés. Les FCPI sont désormais limités aux titres de sociétés innovantes répondant aux nouveaux critères de définition des PME éligibles (cf.I.1. 250 employés maximum). Par ailleurs, l’éligibilité au quota d’investissement, dans la limite de 20% de l’actif, des sociétés de petite capitalisation boursière (inférieure à 150 MEUR) est supprimée.

Assouplissement de la notion de PME « innovante ». La notion de société « innovante » aux fins de l’application de ce dispositif est assouplie par la LFR 2015. Les FCPI peuvent en effet investir dans une société : (i) dont au moins 10% des charges d’exploitation engagées au cours de l’un des trois exercices précédant la souscription, consistent en des dépenses de recherche ou (ii) qui est capable de démontrer qu’elle développe ou développera dans un avenir prévisible des produits, services ou procédés neufs ou substantiellement améliorés par rapport à l’état de la technique dans le secteur considéré et qui présentent un risque d’échec technologique ou industriel.

En outre, la nature des titres auxquels les FCPI peuvent souscrire, a été élargie (obligations remboursables en actions, les titres acquis dans le cadre d’investissements de suivi et les titres ayant fait l’objet d’un rachat entrent dorénavant dans le champ des souscriptions éligibles au dispositif).

2. Aménagement du quota d’investissement des FIP

Compte tenu de la nouvelle définition des PME éligibles et de la condition de maturité de sept ans désormais requise, la condition relative à l’obligation d’investir au moins 20% (du quota minimum d’investissement de 70%), dans des entreprises de moins de huit ans, est supprimée.

En outre, par cohérence avec les nouvelles dispositions applicables aux FCPI, l’éligibilité au quota d’investissement, dans la limite de 20% de l’actif, des sociétés de petite capitalisation, est supprimée.

Enfin, la souscription des parts de FCPI ou de FIP, peut désormais être réalisée au profit d’organismes similaires d’États membres de l’UE ou de l’EEE, ayant reçu leur agrément à compter du 1er janvier 2016 (légalisation de la doctrine administrative). La réduction d’IR « Madelin », qui s’élève à 18% du montant des versements effectués au cours de l’année d’imposition au titre des souscriptions de parts de FCPI ou de FIP (dans la limite annuelle de 12 KEUR pour un célibataire ou 24 KEUR pour les contribuables mariés ou liés par un Pacs) tient compte des modifications introduites en cas de souscription au capital de PME.

CONCLUSION

Il ressort du nouveau dispositif de réduction ISF-PME, tel que modifié par la LFR pour 2015, que la complexité du dispositif nécessite maintenant un vrai examen en amont de la nature et des conditions de l’investissement afin de s’assurer de son éligibilité à la réduction d’ISF et ainsi sécuriser le volet fiscal. Cette analyse est d’autant plus importante que des textes réglementaires et des commentaires administratifs sont encore à paraître pour la mise en oeuvre pratique du dispositif.

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