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« Say on pay » : ce que change l’ordonnance en date du 27 novembre 2019 relative à la rémunération des mandataires sociaux des sociétés cotées

Article Private Equity Corporate - M&A | 03/12/19 | 8 min. | Jérôme Brosset Virginie Desbois

La loi n°2019-486 du 22 mai 2019, dite loi PACTE, a habilité le Gouvernement à transposer la directive UE 2017/828 du 17 mai 2017, modifiant la directive 2007/36 en vue de promouvoir l’engagement à long terme des actionnaires (« SRD II ») et, en particulier, à « créer un dispositif unifié et contraignant encadrant la rémunération des dirigeants des sociétés cotées ».

Tel est l’objet de l’ordonnance n°2019-1234 en date du 27 novembre relative à la rémunération des mandataires sociaux des sociétés cotées (« l’Ordonnance »), complétée par le décret n° 2019-1235 du même jour portant transposition de SRD II (le « Décret »).

L’Ordonnance et le Décret apportent ainsi des modifications au régime français du « say on pay » issu de la loi Sapin 2 et applicables aux sociétés anonymes, aux sociétés en commandite par actions et aux sociétés européennes « cotées ».

Ces modifications impactent (i) le vote « ex ante » sur la politique de rémunération[1], (ii) le contenu du rapport sur les rémunérations[2] ainsi que (iii) le vote « ex post »[3].  L’ensemble du régime du « say on pay » est désormais limité aux sociétés dont les actions (et non les titres) sont admises aux négociations sur un marché réglementé, ce qui permet d’exclure en pratique les sociétés ayant par exemple seulement des obligations « cotées » ou, s’agissant du rapport sur les rémunérations, les sociétés contrôlées par une société « cotée ». Les sociétés cotées sur un système multilatéral de négociation (de type Euronext Growth) restent en dehors du champ de cette réglementation.

Ces modifications sont applicables à compter de l’assemblée générale statuant sur le premier exercice clos après la date de publication de l’Ordonnance. Ainsi, les sociétés « cotées » clôturant leurs comptes au 31 décembre devront intégrer ces modifications dès l’assemblée annuelle de 2020, même si certains s’interrogent sur le moment exact de l’entrée en vigueur (i.e. au début ou à l’issue de l’assemblée susvisée).
 

1) Modifications du « vote ex ante »
 

Les modifications suivantes peuvent en particulier être relevées.

- Vote annuel maintenu (et lors de toute modification importante) via la soumission d’une résolution unique sur la politique de rémunération.

- Intégration dans la politique de rémunération de l’ensemble des mandataires sociaux, y compris les administrateurs (qui n’étaient jusqu’à présents pas visés, contrairement aux membres du conseil de surveillance).

- Introduction d’une sanction expresse de nullité en cas d’attribution ou de versement d’éléments de rémunération non conformes à la politique de rémunération approuvée.
 
- Possibilité de déroger temporairement à la politique de rémunération en vigueur en cas de circonstances exceptionnelles (conformément à l’option offerte par SRD II), à condition de prévoir les conditions procédurales en vertu desquelles ces dérogations peuvent être appliquées et les éléments de la politique auxquels il peut être dérogé.
 
- Nécessité d’adopter une politique de rémunération conforme à l’intérêt social, contribuant à la pérennité de la société, s’inscrivant dans sa stratégie commerciale et d’expliciter la manière dont les conditions de rémunération et d’emploi des salariés de la société sont prises en compte.
 
- Publicité de la politique de rémunération sur le site internet de la société le jour ouvré suivant celui du vote pendant (au moins) toute la période au cours de laquelle elle s’applique.

- Exclusion des délibérations et du vote du président dissocié, du directeur général et du directeur général délégué lors de la délibération du conseil d’administration déterminant leurs éléments de rémunération en conformité avec la politique de rémunération (cette exclusion n’ayant pas été reprise s’agissant du président du conseil de surveillance).

A noter également la suppression des articles L.225-42-1 et L.225-90-1 du code de commerce soumettant les éléments dus à raison de la cessation du mandat du président dissocié et des mandataires exécutifs à la procédure des conventions réglementées[4] et à des conditions de performance. Ces éléments doivent cependant toujours être intégrés dans la politique de rémunération et soumis de manière générale au régime du « say on pay ». La référence aux critères de performance est reflétée dans la règlementation modifiée s’agissant de la rémunération variable, de la rémunération en actions et des engagements liés à la cessation des fonctions.[5]

Des zones d’incertitude quant au contenu de la politique de rémunération subsistent, s’agissant, par exemple, de l’inclusion ou non des rémunérations de mandataires sociaux liées à un contrat de travail (lorsque le cumul est possible). En tout état de cause, le Décret précise que les éléments du contrat de travail liés à la durée et aux conditions de cessation (y compris le préavis) doivent être intégrés.

 
2) Le rapport sur les rémunérations


Le contenu du rapport sur les rémunérations, inséré au sein du rapport sur le gouvernement d’entreprise, intègre l’ensemble des éléments de rémunération perçus par les mandataires « versés à raison du mandat au cours de l’exercice écoulé » ou « attribués à raison du mandat au titre du même exercice ».

Si les rémunérations concernées semblent ainsi se limiter à celles liées au mandat social, la rédaction vise cependant également toute rémunération versée ou attribuée par une entreprise du périmètre de consolidation ; ce qui inclut les sociétés sœurs de la société concernée et ne semble pas exclure les rémunérations au titre d’un contrat de travail.

Par ailleurs, intégrant les exigences de SRD II, reprises par la loi PACTE, le rapport sur les rémunérations doit permettre la comparaison entre (i) la rémunération des présidents non exécutifs et des mandataires sociaux exécutifs, d’une part et (ii) les rémunérations moyenne et médiane des salariés de la société, d’autre part (cette rédaction ne couvrant pas le cas d’une société tête de groupe sans salariés).
 

3) Le « vote ex post »
 

Le « vote ex post », tel que modifié par l’Ordonnance, couvre sur deux séries de résolutions.

- Une résolution portant sur le rapport susvisé sur les rémunérations (concernant ainsi l’ensemble des mandataires sociaux) : en cas de vote négatif, la rémunération versée aux administrateurs ou membres du conseil de surveillance est suspendue jusqu’à l’adoption d’une politique de rémunération révisée.
 
- Une résolution pour chaque mandataire social exécutif et le président non exécutif portant sur l’ensemble des éléments de rémunération fixes, variables et exceptionnels « versés au cours de l’exercice écoulé ou attribués au titre du même exercice ». Le versement des rémunérations variables et exceptionnelles attribuées au titre de l’exercice écoulé est toujours conditionné à un « vote ex post » positif. 

En conséquence, s’agissant de la rémunération variable au titre de l’exercice 2019, son versement reste soumis au vote ex post positif de 2020.  Pour autant, du fait de la rédaction susvisée s’agissant du rapport sur les rémunérations qui intègre également les éléments versés au cours de l’exercice écoulé, la rémunération variable 2019 (versée en 2020) devra-t-elle être de nouveau reprise dans le rapport présenté en 2021 ? Si tel était le cas, peut-on considérer qu’elle ne serait pas soumise à nouveau au vote ex post contraignant (étant attribuée au titre de l’exercice précédent celui écoulé) ? Cette réponse serait souhaitable afin de ne pas décaler davantage le versement de la rémunération variable.

En tout état de cause, l’occasion de préciser ce qu’il convient d’intégrer dans la notion de « rémunération variable et exceptionnelle » » n’a pas été saisie. La question pourra donc se poser, s’agissant notamment des éléments de rémunération liés à la cessation des fonctions ou d’un « golden hello ».
 

[1] Articles L.225-37-2, L.225-82-2 et L.226-8-1 du code de commerce.

[2] Article L.225-37-3 du code de commerce.

[3] Articles L.225-100 et L.226-8-2 du code de commerce.

[4]   Pour autant, la question du respect de la procédure « classique » des conventions règlementées se pose.

[5] Cependant l’exigence générale de conditions de performance, s’agissant de ces derniers engagements, est moins clairement exprimée. Le Décret précise (à l’instar de la réglementation précédente) qu’en tout état de cause ces conditions ne sont pas exigées en cas d’attribution d’une indemnité de non-concurrence, laquelle doit être exclue lorsque le bénéficiaire fait valoir ses droits à la retraite (reprenant ainsi la recommandation du code AFEP MEDEF).

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