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Du nouveau en matière de clémence devant l’autorité de la concurrence

Article Droit de la concurrence, consommation et distribution Contrats commerciaux et internationaux | 03/06/16 | 5 min. | Renaud Christol

Forte de l’expérience accumulée (10 affaires issues de la clémence portées à leur terme depuis 2009 et au moins autant en cours d’instruction), de l’étude d’avril 2014 relative au programme de clémence français et de la consultation publique lancée début 2015 à ce sujet, l’Autorité de la concurrence a publié, le 3 avril dernier, une nouvelle version du communiqué de procédure relatif au programme de clémence français.

Afin d’inciter les entreprises à avoir davantage recours à la clémence, le nouveau communiqué vient clarifier certains points de la procédure et renforcer le système de demandes sommaires.

Précisions sur la mise en oeuvre de la procédure de clémence

Une des innovations majeures du nouveau communiqué concerne l’engagement pris par l’Autorité de la concurrence (« l’ADLC ») de publier, à l’instar de la Commission européenne (« la Commission »), un communiqué de presse à l’issue de chaque opération de visite et saisie pour remédier à l’asymétrie d’informations entre les entreprises objets des opérations et celles qui n’auront pas été visitées. L’objectif est de permettre aux entreprises non visitées d’être en mesure d’envisager la clémence. Les communiqués de l’ADLC présenteront cependant une particularité (qui ne figurait pas dans la version soumise à consultation) par rapport à ceux de la Commission. Ils ne mentionneront pas l’identité des entreprises visitées pour ne pas porter atteinte à la présomption d’innocence (cela étant, rien n’empêchera la presse d’identifier les entreprises et d’indiquer leurs noms). Si l’ADLC décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la procédure, elle s’engage à publier un nouveau communiqué de presse.

L’ADLC s’attache également à octroyer davantage de visibilité au Conseiller clémence. Ses fonctions et coordonnées sont détaillées et il apparait désormais clairement comme « le point d’entrée pour les entreprises » candidates à la clémence. Ainsi, à l’image des « marqueurs » utilisés par la Commission, les rendez-vous sollicités auprès du Conseiller clémence pour déposer une demande de clémence auprès du rapporteur général de l’ADLC ou de l’un de ses adjoins, seront octroyés dans l’ordre chronologique de leur formulation afin de garantir le traitement des demandes dans leur ordre d’arrivée en cas de demandes multiples. Si des opérations de visite et saisie sont en cours et qu’une entreprise sollicite un rendez-vous en vue de déposer une demande de clémence, le rendez-vous sera fixé après la clôture de l’ensemble desdites opérations (pour que les entreprises non visitées ou celles dont les visites sont les plus courtes ne soient pas favorisées).

Lorsqu’il formule sa demande, « le demandeur doit indiquer précisément les entités couvertes par cette demande ». Cela signifie que, conformément à la pratique décisionnelle de l’ADLC, seule «l’unité économique » qui a déposé la demande de clémence et transmis les preuves décisives peut en bénéficier, c’est-à-dire, le plus souvent, la société et la société mère qui la détient au moment de la demande, à l’exclusion des anciennes sociétés-mères. Pour bénéficier de la réduction de sanction accordée, les anciennes sociétés-mères devront elles-mêmes déposer une demande de clémence distincte.

Un autre apport important du nouveau communiqué consiste pour l’ADLC à mettre un terme – définitif ? - au débat sur le possible cumul par une même entreprise des procédures de clémence et de non contestation des griefs pour une seule et même infraction. Pour que sa demande soit accueillie favorablement, l’entreprise qui a sollicité le bénéfice de la clémence ne pourra « remettre en cause (…) les éléments factuels qu’elle a révélés (…) et qui fondent l’avis de clémence, la matérialité des faits qu’elle a dénoncés ou l’existence même des pratiques ». Cela revient donc pour le demandeur de clémence à renoncer automatiquement à contester les griefs qui lui seront notifiés et qui porteront sur les mêmes faits et pratiques que ceux qu’il a dénoncés. L’ADLC affiche ici la volonté de respecter scrupuleusement les conditions de cumul des deux procédures qu’elle a elle-même édictées dans le communiqué de procédure relatif à la non-contestation des griefs et rappelées dans sa pratique décisionnelle récente. Dès lors, le cumul n’est envisageable que si l’option pour la non-contestation permet de dégager de réels gains procéduraux du point de vue de l’ADLC. Tel est en particulier le cas lorsque le champ des griefs notifiés à l’entreprise en cause diffère sur un ou plusieurs point(s) important(s) des pratiques qu’elle a dénoncées à l’ADLC (champ matériel, temporel ou personnel). Dans le cas contraire, l’ADLC estimera que la non-contestation des griefs ne présente pas de gain procédural assez significatif pour être retenue.

Élargissement de la recevabilité des demandes sommaires

La révision du communiqué de procédure prend également en considération l’adoption le 22 novembre 2012 d’une nouvelle version du programme modèle en matière de clémence élaboré par le Réseau européen de concurrence, qui a notamment renforcé le mécanisme des demandes sommaires au bénéfice des entreprises et des autorités de concurrence.

À l’instar de ce programme modèle, le nouveau communiqué de procédure français étend les possibilités de demandes sommaires à tous les demandeurs de clémence, et non plus seulement aux demandeurs de premier rang qui fournissent des informations à l’ADLC alors même qu’elle ne dispose d’aucune information sur l’entente présumée (cas de type 1 A).

Les demandes sommaires permettent aux demandeurs de clémence devant la Commission de déposer des demandes parallèles sous forme « allégée » auprès des autres autorités de concurrence qui seraient concernées si la Commission décidait de ne pas traiter la demande.

Comme leur nom l’indique, les demandes sommaires contiennent une brève description de l’entente présumée (parties et pratiques en cause, marché(s) et produit(s) concernés, durée). Dans son nouveau communiqué procédure, l’ADLC précise que l’entreprise qui a déposé une demande sommaire auprès de ses services est tenue de l’informer de toute nouvelle information qu’elle fournirait à la Commission de nature à modifier de façon significative le contenu de la demande sommaire. L’entreprise doit également informer l’ADLC du rejet de sa demande de clémence par la Commission.

Renaud Christol, counsel

Elsa Pinon, avocat

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