Article Immobilier et Construction Droit de l’environnement Droit public et commande publique Droit européen | 16/01/18 | 5 min. | Vincent Brenot Emmanuelle Mignon
Figure incontournable des politiques d’aménagement du territoire des derniers gouvernements, le contentieux de l’urbanisme s’invite également dans le projet de loi logement du gouvernement actuel.
Par une lettre de mission en date du 9 août 2017, Christine Maugüé (conseiller d’Etat) a été chargée par le ministre de la cohésion des territoires de faire des propositions pour un contentieux des autorisations d’urbanisme plus rapide et plus efficace.
Dans le prolongement de la remise du rapport de cette mission[1], son commanditaire a annoncé le 11 janvier dernier son souhait de voir les mesures phares de ce rapport très rapidement mises en œuvre par le législateur.
Parmi les propositions mises en avant par le ministre figurent notamment :
> la fixation automatique d’une date au-delà de laquelle le requérant ne pourra pas soulever de nouveaux moyens contre l’autorisation d’urbanisme (mécanisme dit de « cristallisation des moyens ») pour réduire la durée des échanges et donc de l’instance, et limiter ainsi les stratégies dilatoires.
Sur les recommandations du groupe de travail antérieur présidé par le Président Labetoulle[2], le pouvoir réglementaire avait instauré un mécanisme permettant au juge, saisi d'une demande motivée en ce sens dans le cadre d’un recours contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de fixer une date au-delà de laquelle des moyens nouveaux ne peuvent plus être invoqués [3].
La nouvelle mesure irait plus loin puisqu’elle deviendrait automatique. Indépendamment de toute décision du juge, les requérants ne pourraient plus développer de nouveaux moyens contre l’autorisation d’urbanisme contestée passé un délai de deux mois à compter de la communication aux parties du premier mémoire en défense ;
> la limitation dans le temps de la possibilité d’introduire un référé-suspension contre une autorisation d’urbanisme.
Aujourd’hui les requérants peuvent introduire un référé-suspension contre l’autorisation d’urbanisme dont ils demandent l’annulation à n’importe quel moment de la procédure. En pratique, les requérants – soucieux de démontrer que la condition d’urgence exigée dans le cadre d’un référé-suspension est remplie - attendent souvent que les travaux de construction débutent pour introduire une telle action.
Il est proposé qu’un recours dirigé contre une autorisation d’urbanisme ne puisse être assorti d’une requête en référé-suspension que jusqu’à l’expiration d’un certain délai [4]. En contrepartie, la condition d’urgence du référé-suspension serait présumée remplie[5].
L’intérêt de cette proposition est d’accélérer la formulation des demandes de référé et donc mécaniquement leur examen. En cas de suspension, les pétitionnaires seront alertés rapidement sur les risques qui pèsent sur leur autorisation et pourront, le cas échéant, tenter de la régulariser ou trouver un compromis avec les requérants. En cas de rejet, ce mécanisme facilitera la libération, par les organismes financiers, des fonds nécessaires au financement des travaux de construction ;
> la mise en œuvre d’un délai de jugement de 10 mois pour les projets de construction d’un bâtiment d’habitation collectif en zone « tendue ».
La méconnaissance de ce délai contraint de jugement ne ferait toutefois pas l’objet de sanction ;
> le renforcement des sanctions contre les recours abusifs.
A la suite de la remise du rapport du Président Labetoulle, le législateur a introduit, en août 2013, la possibilité pour le bénéficiaire d’un permis de faire condamner l’auteur d’un recours qualifié d’abusif à lui allouer des dommages et intérêts[6].
Ce mécanisme – très favorablement accueilli par les constructeurs – n’a
toutefois eu qu’une portée symbolique puisque, depuis son introduction
en août 2013, seuls trois jugements ont prononcé des condamnations, dont
un seul pour un montant significatif.
Il est désormais proposé d’assouplir les conditions de qualification du
recours abusif. En particulier, il ne serait plus nécessaire de
démontrer que le recours «
excède la défense des intérêts légitimes », mais seulement qu’il « traduit un comportement déloyal ». Les auteurs du rapport ont également suggéré de supprimer l’obligation de démontrer le caractère « excessif » du préjudice subi.
Le projet de loi logement – qui servirait de véhicule législatif à ces propositions - devrait être déposé courant mars 2018.
Les avocats du groupe Public Réglementaire et Environnement suivront les évolutions de ce dispositif et vous en tiendront régulièrement informés.
A suivre donc ...
[1] http://www.cohesion-territoires.gouv.fr/IMG/pdf/2018.01.11_rapport_contentieux_des_autorisations_d_urbanisme.pdf
[2]Rapport intitulé « Construction et droit au recours : pour un meilleur équilibre » remis à Mme Duflot le 17 mai 2013.
[3]Voir article R. 600-4 ancien du code de l’urbanisme. Ce mécanisme a depuis été généralisé et étendu à l’ensemble du contentieux administratif (voir article R. 611-7-1 du code de justice administrative).
[4]Ce délai correspondrait au délai fixé pour la cristallisation des moyens soulevés devant le juge en premier ressort.
[5]En pratique, cette présomption est déjà reconnue par la jurisprudence (CE 27 juillet 2001 Commune de Meudon n°231991 aux Tables).
[6]Voir article L. 600-7 du code de l’urbanisme