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Réforme annoncée du contrôle des investissements étrangers en France

Article Immobilier et Construction Droit de l’environnement Droit public et commande publique Droit européen | 19/02/18 | 7 min. | Vincent Brenot Emmanuelle Mignon

Aéronautique & Défense Energie

Si prévaut en droit français le principe selon lequel « les relations financières avec l’étranger sont libres »[1], cette liberté est tempérée par l’existence d’un régime d’autorisation préalable du ministre chargé de l’économie pour la réalisation d’investissements étrangers[2] dans certains secteurs de l’industrie et des services qui présentent un intérêt stratégique pour l’État.

Ce mécanisme, dont le principe figure dans la loi (article L. 151-3 du code monétaire et financier), est susceptible de concerner les activités participant à l’exercice de l’autorité publique ou relevant de types d’activités de nature à porter atteinte à l’ordre public, à la sécurité publique ou aux intérêts de la défense nationale, ainsi que les activités de recherche, de production ou de commercialisation d’armes, de munitions, de poudres et substances explosives.

Une première liste des secteurs d’activités concernés avait été établie par décret en 2005, visant essentiellement les secteurs liés à la défense, l’armement, la surveillance électronique ou encore aux jeux d’argent. Dans le contexte, notamment, des négociations entre General Electric et Alstom pour la cession des activités énergie de cette dernière, le champ des secteurs concernés par cette autorisation préalable a été étendu, par décret n° 2014-479 du 14 mai 2014, aux secteurs concourant à l’intégrité, la sécurité et la continuité de l’approvisionnement en énergie et en eau, la continuité de l’exploitation des réseaux de transport et de communication électronique, et d’ouvrages d’importance vitale au sens du code de la défense, ainsi qu’à la protection de la santé publique.

Dans l’exercice du pouvoir qu’il tient de ces textes, le ministre peut s’opposer à la réalisation de l’opération qui lui est soumise ou, beaucoup plus classiquement, subordonner sa réalisation au respect de conditions qu’il définit, visant à protéger les emplois nationaux ainsi que les actifs matériels et immatériels sensibles de l’entreprise objet de l’investissement, et à assurer la pérennité de l’exploitation de l’activité concernée. Il peut ainsi notamment imposer des mesures tendant à « imperméabiliser », au sein du groupe de l’acquéreur, les activités concernées, de manière à limiter la circulation d’informations ou de savoir-faire dont la divulgation serait contraire aux intérêts de l’État.

Après les annonces formulées en ce sens à la mi-janvier par M. Bruno Le Maire, ministre de l’Économie et des Finances, M. Édouard Philippe, Premier ministre, a confirmé vendredi 16 février 2018 le projet du gouvernement de renforcer les dispositifs existants de contrôle des investissements étrangers en œuvrant dans plusieurs directions.

C’est, tout d’abord, le champ des secteurs d’activités dans lesquels les investissements étrangers sont soumis à autorisation préalable qui devrait être étendu à différents domaines que l’évolution technologique de ces dernières années a rendu stratégiques et dans lesquels la France compte certains acteurs significatifs ; c’est-à-dire : l’intelligence artificielle, le domaine spatial, le stockage des données, ou encore l’industrie des semi-conducteurs. L’extension envisagée ne pourra se faire que dans le respect du droit de l’Union européenne qui n’autorise les États membres à adopter de mesures restrictives à la libre circulation des capitaux que pour des motifs liés à l’ordre public ou à la sécurité publique.

Les sanctions encourues en cas de non-respect des conditions imposées par l’autorité administrative à la réalisation de l’opération pourraient également être diversifiées, afin d’en favoriser l’applicabilité. En effet, en l’état actuel de la réglementation si le ministre constate qu’un investissement a été réalisé sans son autorisation ou au mépris de prescriptions qu’il avait imposées, il ne peut que prononcer une sanction pécuniaire dont le montant maximum peut atteindre le double du montant de l'investissement irrégulier, outre l’annulation de celui-ci. La gravité extrême de cette sanction la rend, en pratique, quasi-imprononçable.

En outre, des audits externes seraient rendus obligatoires, postérieurement à la réalisation de l’investissement, pour s’assurer du respect dans le temps des conditions auxquelles elle était subordonnée. Il s’agit ainsi de renforcer l’effectivité de ces conditions.

Le cadre juridique relatif à la création d’actions sociales donnant à leur titulaire des droits spécifiquesgolden shares ») pourrait être assoupli, notamment pour permettre à l’État de disposer plus aisément de prérogatives particulières s’agissant des décisions relatives à des transferts de droits de propriété intellectuelle, aux implantations hors de France ou encore à certaines cessions d’actifs. Ici encore, le dispositif envisagé ne pourra être mis en œuvre que dans le respect du principe de libre circulation des capitaux, et donc dans des conditions qui n’y apportent de restrictions que proportionnées aux objectifs susceptibles de les justifier au regard du droit de l’Union.

Le Président de la République ayant récemment appelé de ses vœux la mise en place d’un système de contrôle des investissements étrangers au niveau européen, il est vraisemblable que le futur dispositif français sera conçu avec en ligne de mire la volonté de s’inscrire dans le droit de l’Union.

La création d’un dispositif de vigilance a enfin été annoncée, permettant l’exercice d’une surveillance ciblée sur un nombre limité d’entreprises préalablement identifiées, qui présentent une valeur particulière pour l’État français et qu’il entend protéger de prises de contrôle ou de participation hostiles. De nouvelles attributions seraient confiées au Conseil de défense et de sécurité nationale pour l’exercice de cette vigilance. Dans le même sens, une enveloppe d’intervention financière serait mise en place, pilotée par BPI France et l’Agence des participations de l’État, visant à assurer la protection de certaines entreprises françaises contre les prises de participation hostiles.

L’ensemble de ces mesures devraient être traduites pour partie dans un projet de loi, dit PACTE, dont le passage en Conseil des ministres est programmé le 18 avril 2018, et, pour partie, dans un décret dont l’adoption pourrait également intervenir au courant du printemps.

L’exercice d’équilibriste auquel le Gouvernement va devoir se livrer dans les prochaines semaines va consister à mettre en place un mécanisme à la fois efficace pour protéger les fleurons français de la convoitise de capitaux étrangers pas toujours bien intentionnés tout en ne nuisant pas à l’attractivité et à l’ouverture au monde de l’économie française par l’ajout de contraintes administratives et calendaires trop lourdes pour permettre la réalisation fluide d’opérations de fusions-acquisitions.

Le cabinet August Debouzy suivra de très près la concrétisation de ces annonces, qui feront l’objet de nouvelles informations régulières et, le cas échéant, d’une matinée de formation, à l’issue de l’adoption de l’ensemble des mesures projetées.



[1] Voir article L. 151-1 du code monétaire et financier, qui date de la loi n° 66-1008 du 28 décembre 1966 relative aux relations financières avec l’étranger.

[2] Définis à l’article R. 151-3 du code monétaire et financier comme recouvrant le fait (i) d’acquérir le contrôle d’une société au sens de l’article L. 233-3 du code de commerce, (ii) d’acquérir tout ou partie d’une branche d’activité d’une entreprise ou (iii) de franchir le seuil de 33,33% de détention du capital ou des droits de vote d’une entreprise. Les entreprises visées devant avoir leur siège social en France.



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