Article Private Equity Gestion patrimoniale Droit fiscal | 09/07/18 | 5 min. | Xavier Rohmer
Dans un arrêt du 13 juin 2018[1], le Conseil d’Etat, réuni en formation plénière, définit pour la première fois la notion d’« holding animatrice ».
Cette notion, centrale pour l’application d’un certain nombre de dispositifs fiscaux[2], fait encore l’objet de nombreuses interrogations ces dernières années du fait de son imprécision et de l’insécurité juridique qui peut en résulter pour les contribuables.
Les faits ayant donné lieu à la décision du Conseil d’Etat sont les suivants : des actionnaires ont cédé, le 1er décembre 2006, les titres qu’ils détiennent dans la société holding Cofices, laquelle détenait une filiale opérationnelle. Ils ont alors estimé que la plus-value réalisée à l’occasion de cette cession était exonérée en application de l’abattement pour durée de détention prévu par les articles 150-0 D ter et 150-0 D bis du CGI dans leur version en vigueur au moment des faits.
En application de ces dispositifs, l’abattement n’est applicable aux cessions de titres d’une société holding que si cette dernière peut être qualifiée d’ « holding animatrice ».
En l’espèce, l’administration a refusé le bénéfice dudit abattement à défaut de convention d’animation conclue entre Cofices et sa filiale. Les juges du fond ont donné raison à l’administration, jugeant que la condition tenant à l’activité de la société n’était pas remplie dès lors que la société holding n’avait pas « participé activement, et de façon continue à la conduite de la politique du groupe et au contrôle de ses filiales »[3].
Dans un considérant didactique, le Conseil d’Etat casse les arrêts rendus en appel et indique que :
« Une société holding qui a pour activité principale, outre la gestion d'un portefeuille de participations, la participation active à la conduite de la politique du groupe et au contrôle de ses filiales et, le cas échéant et à titre purement interne, la fourniture de services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers, est animatrice de son groupe ».
Cette décision est instructive à plusieurs égards :
Sur le plan théorique, la définition telle que posée par le Conseil d’Etat reprend les critères posés par la loi[4] et la doctrine administrative[5]: est animatrice une holding qui (i) participe activement à la conduite de la politique du groupe, (ii) qui contrôle les filiales et (iii) le cas échéant, rend des prestations de services.
Toutefois, et c’est là l’apport principal de l’arrêt, le Conseil d’Etat indique que l’activité d’animation, doit être exercée à titre principal. Il en résulte qu’une société holding peut être animatrice de son groupe tout en détenant des participations minoritaires non animées.
Le Conseil d’Etat souligne à cet égard que la valeur vénale de la filiale représentait en l’espèce 56,2% de l’actif total de la société Cofices. Ce faisant, le Conseil d’Etat valide le fait que la notion d’activité « principale » dépend du poids relatif de la participation animée par rapport à celui des autres actifs détenus par la société holding - étant précisé que l’analyse de proportionnalité du caractère « principal » de l’activité d’animation a été effectuée sur la base de la valeur réelle des actifs détenus par la holding et non sur la base de la valeur historique desdits actifs, comme le suggérait l’administration.
Il est par ailleurs intéressant de noter que le Conseil d’Etat écarte implicitement toute référence aux revenus provenant des actifs de la holding pour l’appréciation du caractère « principal » de l’activité d’animation.
D’un point de vue pratique, l’analyse factuelle du Conseil d’Etat est également riche d’enseignements. En effet, le Conseil d’Etat relève que :
- Le Président directeur général de la société holding était également celui de la filiale ;
- Des personnalités indépendantes, spécialisées dans l’activité de la filiale, siégeaient au conseil d’administration de la holding ;
- L’objet social de la société holding prévoyait expressément son rôle d’animation du groupe ;
- Les procès-verbaux de conseil d’administration de la société holding témoignaient d’actions concrètes dépassant le rôle de simple actionnaire ;
- Une convention d’assistance en matière administrative et en matière de stratégie et de développement précisant que la société holding participerait activement à la stratégie et au développement de la filiale avait été signée (et non une convention d’animation).
Notons à cet égard que le Conseil d’Etat ne semble pas tirer de conséquence particulière du fait que la société holding n’avait pas conclu une convention « d’animation » en tant que telle avec sa filiale opérationnelle, le Conseil d’Etat s’intéressant plutôt au rôle effectif que la société holding tenait vis-à-vis de cette dernière, comme cela lui était justement suggéré par le rapporteur public.
Le Conseil d’Etat a donc rendu une décision claire et riche d’informations sur laquelle il conviendrait que la Cour de cassation, compétente en matière d’ISF, d’IFI et de droits de mutation à titre gratuit, s’aligne.
[1] CE, 3ème, 8ème, 9ème, et 10ème chambres réunies, 13 juin 2018, n° 395495, 399121, 399122, et 399124.
[2] Notamment en matière de droits de mutation à titre gratuit (pactes « Dutreil »), d’ISF / IFI, de réduction d’impôt « Madelin », ou d’abattement applicable aux dirigeants cédant leur société.
[3] CAA Nantes, 22 octobre 2015, n° 14NT00291 ; CAA Paris, 25 février 2016, n° 14PA01391, 15PA01104 et 14PA00515.
[4] Par exemple, en matière d’IFI : article 966 du CGI.
[5] Par exemple en matière de pactes « Dutreil » : BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10, n° 50.