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Des procédures d'arbitrage plus transparentes et plus efficaces : la CCI prend des mesures

Article Résolution des litiges | 20/04/16 | 7 min. | Marie Danis

Le 5 janvier 2016, la CCI a annoncé de nouvelles mesures visant à « favoriser la transparence et à assurer une plus grande efficacité » des procédures d’arbitrage qu’elle administre :

(i) publication de la composition de ses tribunaux arbitraux ;

(ii) introduction de conséquences pécuniaires en cas de retard excessif dans la reddition des sentences.

Davantage de transparence : la composition des tribunaux arbitraux sera rendue publique

Bien que les parties choisissent souvent l’arbitrage en raison de son caractère confidentiel, cette confidentialité peut présenter des inconvénients. En effet, elle peut être analysée par les non spécialistes comme un signe d’opacité et ainsi créer des doutes quant au fonctionnement de l’arbitrage. Ainsi, par exemple, il est très difficile de vérifier les informations relatives à un arbitre dans la mesure où elles ne sont pas publiques. Il est également pratiquement impossible de vérifier le nombre de nominations d’un arbitre même s’il s’agit d’une information qui devrait faire l’objet d’une révélation.

Cette critique n’inquiète pas les praticiens et professionnels de l’arbitrage qui, confortés par leur connaissance des personnes qui prennent part à la procédure, ont confiance en l’institution. Cette nouvelle mesure de la CCI constitue par conséquent le signal clair que les utilisateurs ont été entendus et que la CCI s’efforce d’instaurer davantage de transparence.

Pour ce faire, la note indique que la Cour publiera « sur son site internet les noms des arbitres siégeant dans des affaires CCI, leur nationalité, s’ils ont été nommés par une partie ou par la Cour, et le nom du président du tribunal arbitral ».

Afin de préserver « les attentes poten-tiellement importantes des parties au regard de la confidentialité », la CCI a décidé que certaines informations, telles que le numéro de l’affaire et les noms des parties et de leurs conseils ne seront pas publiées. En outre, afin de préserver la confidentialité, les parties auront la possibilité de refuser, d’un commun accord, que des informations soient divulguées. Les parties pourront en revanche, si elles le souhaitent, demander la publication d’informa-tions supplémentaires concernant leur affaire, au-delà de ce qui est recommandé par la CCI.

Cette nouvelle mesure s’applique à tous les dossiers d’arbitrage enregistrés depuis le 1er janvier 2016. Dans la mesure où ces informations « seront publiées une fois le tribunal constitué », elles n’apparaissent pas encore sur le site internet de la CCI.

En synthèse, les informations suivantes seront rendues publiques pour les arbitrages enregistrés à compter du 1er janvier 2016 :

- le nombre de nominations d’un arbitre dans des procédures d’arbitrage CCI ;

- avec qui a siégé cet arbitre et son rôle au sein du tribunal arbitral (coarbitre ou pré-sident) ;

- si l’arbitre en question a été nommé par la CCI ou par les parties ;

- le nombre d’affaires d’arbitrage CCI pendantes auxquelles l’arbitre en question participe.

Il est encore trop tôt pour évaluer le nombre de parties qui accepteront de rendre publique la composition de leur tribunal. Nous estimons néanmoins que dans la mesure où les informations, permettant l’identification des parties ou de l’affaire étant exclues de la publication, le nombre de parties s’opposant à cette publication devrait être faible.

Il doit être gardé à l’esprit que ces statistiques seront, par nature, parcellaires dans la mesure où un arbitre pourra participer à d’autres arbitrages, ad hoc ou administrés par d’autres institutions. De ce fait, les informations publiées sur le site internet de la CCI ne s’avèreront probablement pas aussi significatives en pratique qu’on aurait pu l’envisager à première vue. C’est la raison pour laquelle elles devront être maniées avec prudence.

La CCI annonce que la publication de telles informations permettra de montrer la qualité de ses tribunaux et pourra inciter à promouvoir « la diversité régionale, générationnelle, ainsi que la diversité homme-femme dans la nomination des arbitres ».

Il sera en effet très intéressant de disposer de statistiques détaillées sur les nominations d’arbitres dans les affaires administrées par la CCI. Toutefois, il est peu probable, à court terme, que les parties changent leurs habitudes si ces statistiques devaient indiquer que certains groupes sont sous-représentés.

Des procédures plus efficaces : conséquences financières des retards injustifiés dans la soumission des sentences

L’arbitrage est souvent critiqué pour l’augmentation de la durée de ses procédures. En effet, selon l’étude menée par l’université Queen Mary en 2015, « les coûts et le manque de rapidité sont classés par les personnes interrogées parmi les pires maux de l’arbitrage international »1. Bien que les parties conviennent qu’un certain délai est nécessaire pour présenter les arguments, elles n’acceptent toutefois pas que la procédure puisse être retardée en raison du manque de disponibilité des arbitres ou d’un manque de diligence de leur part.

Bien qu’en théorie, le règlement d’arbitrage de la CCI prévoie un délai maximum pour la reddition de la sentence, dans la pratique, ce délai est souvent prolongé plusieurs fois. En effet, si l’article 30 prévoit que le délai pour rendre la sentence finale est de six mois à compter de la signature de l’acte de mission2, notre propre expérience de la durée moyenne d’une procédure d’arbitrage CCI est plus longue.

Toutes les procédures étant différentes, la CCI indique elle-même dans sa note que « les tribunaux arbitraux doivent rendre leurs projets de sentence dans les trois mois suivant la dernière audience sur le fond relative aux questions à résoudre dans une sentence ou la présentation des dernières écritures, si celle-ci est postérieure (à l’exception des écritures sur les coûts de l’arbitrage)».

La Cour a donc décidé d’imposer des conséquences financières aux arbitres qui ne rendent pas leur sentence dans le délai imparti. Ainsi, la rémunération des arbitres sera réduite si le projet de sentence est rendu tardivement.

Si le délai de trois mois mentionné ci-dessus est expiré (ce délai étant réduit à deux mois dans le cas de tribunaux à arbitre unique), la Cour imposera les conséquences suivantes aux arbitres :

• « Pour les projets de sentence rendus pour examen préalable de la Cour dans un délai allant jusqu’à sept mois suivant la dernière audience sur le fond ou la présentation des dernières écritures, si celle-ci est postérieure, la rémunération que la Cour aurait autrement envisagé de fixer est réduite de 5 à 10% ».

• « Pour les projets de sentence rendus pour examen préalable de la Cour dans un délai allant jusqu’à dix mois suivant la dernière audience sur le fond ou le dépôt des dernières écritures, si celui-ci est postérieur, la rémunération que la Cour aurait autrement envisagé de fixer est réduite de 10 à 20% ».

• « Pour les projets de sentence rendus pour examen préalable de la Cour dans un délai dépassant dix mois suivant la dernière audience sur le fond ou la présentation des dernières écritures, si celle-ci est postérieure, la rémunération que la Cour aurait autrement envisagé de fixer est réduite de 20% ou plus ».

Si la procédure fait l’objet d’une bifurcation et que des sentences partielles sont rendues, toutes les sentences seront prises en compte dans l’application de ces conséquences financières.

L’objectif de cette mesure étant de garantir une résolution rapide des litiges, mentionnée comme l’une des premières priorités de la Cour, une mesure d’incitation a également été introduite par laquelle la Cour pourra augmenter la rémunération de l’arbitre si l’arbitrage a été mené « avec une célérité particulière ». Toutefois, aucune indication claire n’est fournie sur le degré de célérité nécessaire pour que la rémunération soit augmentée.

Bien que ces mesures constituent le reflet d’un engagement fort de la CCI auprès des utilisateurs de l’arbitrage, leur impact effectif demeure à vérifier.

Une autre mesure que pourrait prendre la CCI pour améliorer l’efficacité des procédures d’arbitrage serait de rendre publiques les décisions imposant de telles conséquences financières.

 

1 Étude intitulée « 2015 International Arbitration Survey: Improvements and Innovations in International Arbitration » (Étude 2015 sur l’arbitrage international : améliorations et innovations en matière d’arbitrage international) et disponible à l’adresse suivante : http://www.arbitration.qmul.ac.uk/docs/164761.pdf

2 Article 30 du Règlement d’arbitrage de la CCI : « 1 - Le tribunal arbitral rend sa sentence finale dans un délai de six mois. Ce délai court soit du jour où la dernière signature du tribunal arbitral ou des parties a été apposée sur l’acte de mission, soit dans le cas visé à l’article 23, paragraphe 3, à compter de la date de notification au tribunal arbitral par le Secrétariat de l’approbation de l’acte de mission par la Cour. La Cour peut fixer un délai différent en fonction du calendrier de la procédure établi conformément à l’article 24, paragraphe 2. 2 - La Cour peut, sur demande motivée du tribunal arbitral ou au besoin d’office, prolonger ce délai, si elle l’estime nécessaire. »

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