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Incidences de l’épidémie de COVID-19 sur les loyers commerciaux (suite)

Article Corporate - M&A Immobilier et Construction Private Equity | 04/06/20 | 6 min. | Myles Begley

Sciences de la vie & Santé

La loi n°2020-290 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 publiée le 23 mars 2020 (la « Loi d’Urgence ») a permis la déclaration d’un état d’urgence sanitaire sur l’ensemble du territoire national pour une durée de deux mois à compter du 24 mars 2020 (prorogé jusqu’au 10 juillet 2020 par la loi n°2020-546 du 11 mai 2020).

Pour rappel, concernant les loyers commerciaux, l’ordonnance n°2020-316 du 25 mars 2020 relative au paiement des loyers, des factures d'eau, de gaz et d'électricité afférents aux locaux professionnels des entreprises dont l'activité est affectée par la propagation de l'épidémie de covid-19 (l’ « Ordonnance ») a précisé le champ d’application des mesures applicables aux loyers commerciaux, qui bénéficient :

1- aux personnes physiques et morales de droit privé qui sont susceptibles de bénéficier du fonds de solidarité aux termes du décret n°2020-371 du 30 mars 2020 tel que modifié par le décret n°2020-433 du 16 avril 2020. En d’autres termes aux très petites entreprises (TPE) de dix salariés ou moins, avec un chiffre annuel inférieur à 1.000.000 d’euros (la condition du bénéfice imposable de 60.000 euros maximum ayant été abrogée par le décret de 16 avril 2020) ; et

2- sous conditions, aux personnes physiques ou morales qui poursuivent leur activité dans le cadre d’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire.


A ce titre, de nombreuses enseignes comme la Halle, André, Orchestra, Alinéa ou Naf-Naf ont été placées sous procédures collectives, ce qui entraîne de facto le bénéfice de l’Ordonnance et le gel des loyers commerciaux des magasins implantés sur le territoire français.

Malgré les espoirs créés par les premiers annonces gouvernementales, l’Ordonnance ne prévoit toutefois que des mécanismes de report ou d’étalement (et non d’annulation ou de suppression) des loyers, factures d’eau, de gaz et d’électricité afférents aux locaux professionnels et commerciaux et ces mesures se sont révélées être insuffisantes compte tenu des conséquences économiques de l’épidémie de covid-19.

Ainsi, le ministre de l’Economie et des Finances, Bruno Le Maire, a annoncé le 23 avril 2020 la nomination de Jeanne-Marie Prost, conseillère maître à la Cour des comptes en qualité de médiatrice sur les loyers des commerçants du fait de la crise du coronavirus avec pour objectif de définir des accords cadre et des règles de bonne conduite pour permettre aux commerçants et à leurs bailleurs professionnels de trouver des solutions adaptées à leur situation sur la question des loyers.

Par ailleurs, toujours dans l’optique de conduire les bailleurs à renoncer purement et simplement à la perception de leurs loyers commerciaux, la loi n°2020-473 du 25 avril 2020 de finances rectificative pour 2020 a modifié un certain nombre de dispositions fiscales et notamment l’article 39 du Code général des impôts, de manière à autoriser la déductibilité des « abandons de créances de loyer et accessoires afférents à des immeubles donnés en location à une entreprise n'ayant pas de lien de dépendance avec le bailleur […] consentis entre le 15 avril et le 31 décembre 2020, dans leur intégralité ». Ces mesures ne font pas obstacle à la déduction des charges correspondant « aux éléments de revenus ayant fait l’objet d’un abandon ou d’une renonciation par le bailleur »[1]. Il convient cependant de noter que l’entreprise locataire ne doit présenter aucun lien de dépendance avec le bailleur, soit la détention d’au moins 50% de son capital social ou par l’exercice en fait d’un pouvoir de décision.

L’objectif du gouvernement semble donc être de trouver une ligne directrice claire sur la question des loyers commerciaux et des relations bailleurs-preneurs. Un objectif qui se comprend d’autant plus que sur le marché, les solutions adoptées par certains grands acteurs du secteur économique français ont été très hétéroclites : à titre d’exemple, la Compagnie de Phalsbourg a, dès le mois de mars, communiqué dans le sens de la suppression de certains loyers quand Unibail ne souhaitait par élargir le périmètre des mesures gouvernementales de suspension des loyers. Orange a annoncé continuer à régler ses loyers normalement quand Etam a pris le parti de suspendre le paiement de ses loyers commerciaux.

Par ailleurs, et malgré le déconfinement mis en place, des divergences existent en ce qui concerne la réouverture de certains magasins iconiques ou leurs conditions d’accès. A titre d’exemple, la préfecture de police de Paris avait annoncé que les grands magasins parisiens, au premier rang desquels les Galeries Lafayette et le Printemps, seraient fermés jusqu’au 10 juillet en application de la décision gouvernementale empêchant les centres commerciaux de plus de 40.000 m² de rouvrir en Ile-de-France. Pour autant, le tribunal administratif de Paris a suspendu cette décision concernant le centre commercial Beaugrenelle le 19 mai 2020[2] et, plus récemment, le 26 mai 2020 concernant le Printemps Haussmann[3]. Il est à ce titre important de noter que d’autres procédures similaires sont en cours concernant d’autres grands magasins et pourraient déboucher sur des décisions similaires et, in fine, des réouvertures anticipées.

Les loyers commerciaux font donc l’objet de nombreuses mesures allant d’une simple suspension temporaire à des mécanismes incitatifs visant à privilégier l’annulation définitive des loyers pendant la période d’épidémie de covid-19. Toutefois, tout comme les solutions offertes par le droit commun[4], ces mécanismes n’ont pour la plupart pas vocation à s’appliquer de manière universelle et des négociations au cas par cas devront être menés entre preneurs et bailleurs afin d’aboutir à la solution la plus adaptée pour chaque partie au bail commercial.  

Finalement, compte tenu du déconfinement progressif et de la réouverture de nombreux grands magasins (voir supra), ces différents mécanismes n’ont déjà ou n’auront rapidement plus vocation à s’appliquer. Se posera alors la question de l’impact de l’épidémie sur le long terme pour les preneurs commerciaux et sur leur capacité à honorer leurs prochaines échéances de loyers malgré la fin de l’état d’urgence sanitaire. Là encore, d’âpres négociations sont à prévoir avec des dilemmes conséquents présentés aux bailleurs commerciaux.

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