Article Droit de la concurrence, consommation et distribution | 16/12/22 | 9 min. | Alexandra Berg-Moussa Paul Vialard
Aux termes d’un décret d’application très attendu et publié le 15 décembre 2022[1] (le « Décret »), le gouvernement repousse au 1er avril 2023 l’entrée en vigueur de l’interdiction de l’impression systématique des tickets de caisse et bons d’achat, et précise les conditions d’application du dispositif.
Pour rappel, l’article 49 de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire (loi « AGEC ») a notamment introduit, dans le code de l’environnement, l’interdiction de l’impression et la distribution systématiques des tickets de caisse dans les surfaces de vente et dans les établissements recevant du public, sauf demande contraire du client[2].
Ainsi, en l’absence de demande du client, les tickets de caisse ne devront plus être imprimés par les commerçants.
Cette nouvelle interdiction, qui concerne toutes les surfaces de vente et établissements recevant du public, devait entrer en vigueur à partir du 1er janvier 2023 et être précisée par un décret d’application, dont le contenu a fait l’objet d’importantes discussions entre le gouvernement et les parties prenantes, en particulier les associations de défense des droits des consommateurs.
Le Décret repousse finalement l’application du dispositif au 1er avril 2023. Il semble que cette décision du gouvernement ait été motivée d’une part par le contexte économique actuel et le fait qu’en période d’inflation, les consommateurs restent attachés à la possibilité de pouvoir consulter leurs tickets de caisse, élément important de vérification des prix des produits achetés. D’autre part, sans précision jusqu’à ce jour sur les conditions et modalités d’application du nouveau dispositif, le gouvernement a semblé sensible au fait qu’il était nécessaire de laisser aux commerçants un temps supérieur à quinze (15) jours pour adapter leurs pratiques afin de pouvoir se conformer aux termes du Décret. Les commerçants bénéficient donc de trois mois et demi pour prendre les mesures nécessaires à l’implémentation du dispositif en magasin.
Sur le contenu du Décret, il introduit trois nouveaux articles à la partie réglementaire du code de l’environnement[3], qui incluent un certain nombre de précisions sur les conditions d’application du dispositif :
Sur son périmètre, il est tout d’abord précisé que l’interdiction vise l’impression et la remise des tickets de caisse « à chaque client pour toute transaction, quels que soient le montant et la nature de celle-ci »[4].
Le périmètre parait donc extrêmement large, mais l’interdiction est néanmoins assortie des exceptions suivantes[5] :
Enfin, dans les surfaces de vente et les établissements recevant du public, les commerçants sont tenus d’informer le consommateur, « à l'endroit où s'effectue le paiement, par voie d'affichage et de manière lisible et compréhensible, que, sauf exception légale, l'impression et la remise des tickets de caisse et de carte bancaire ne sont réalisées qu'à sa demande »[6]. Les associations de défense des consommateurs, qui militaient pour que l’impression et la remise du ticket soient proposées oralement aux clients au moment du paiement, n’ont donc pas obtenu gain de cause.
Les commerçants ont donc jusqu’au printemps pour se mettre en conformité avec ces nouvelles règles. Nombre d’entre eux ont déjà fait évoluer leurs pratiques et communiquent les tickets de caisse et bons de réduction par voie électronique (email ou SMS), en recueillant les coordonnées du consommateur.
Il convient, dans ce cas, que les commerçants soient également vigilants quant au respect de la règlementation sur la protection des données à caractère personnel : une adresse mail communiquée par un client pour recevoir un ticket de caisse ne pourra notamment pas être utilisée des fins de prospection commerciale par voie électronique, sans son consentement éclairé. La prospection commerciale par voie électronique sera toutefois possible pour des produits ou services similaires et proposés par la même entreprise, sous réserve que le consommateur en ait été informé au moment de la collecte de son adresse mail et ne se soit pas opposé à une telle utilisation.
[1] Décret n° 2022-1565 du 14 décembre 2022 relatif aux conditions et modalités d'application du IV de l'article L. 541-15-10 du code de l'environnement
[2] Article L. 541-15-10, IV, 1° du code de l’environnement
[3] Nouveaux articles D. 541-370, D. 541-371 et D. 541-372 du code de l’environnement. A noter que les dispositions du Décret et de ces trois nouveaux articles concernent aussi les tickets de carte bancaire, les tickets automatisés et les bons d’achats et tickets visant à la promotion ou à la réduction des prix d’article de vente dans les surfaces de vente
[4] Nouvel article D. 541-370 du code de l’environnement
[5] Nouvel article D. 541-371 du code de l’environnement
[6] Nouvel article D. 541-372 du code de l’environnement