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Négociations commerciales 2023 : signature d’un pacte de solidarité commerciale

Article Droit de la concurrence, consommation et distribution Contrats commerciaux et internationaux | 14/12/22 | 11 min. | Alexandra Berg-Moussa Aurélien Micheli

A l’initiative de la Ministre déléguée chargée des PME, du Commerce, de l’Artisanat et du Tourisme et du Ministre délégué chargé de l’Industrie, un certain nombre de distributeurs et de fédérations professionnelles de fournisseurs ont signé, le 8 décembre 2022, un pacte de solidarité commerciale pour les négociations commerciales 2023 (ci-après le « Pacte »). La signature du Pacte s’inscrit dans une volonté de fluidifier et équilibrer les négociations commerciales annuelles 2023 qui ont démarré il y a quelques semaines dans un climat encore plus tendu et complexe que d’ordinaire, compte tenu du contexte d’inflation et de crise énergétique dans lequel elles s’inscrivent.

1) Contexte, objectif et champ d’application du Pacte
 

Le Pacte rappelle d’abord le contexte de forte inflation des coûts des matières premières et de l’énergie qui touche l’ensemble des acteurs de la chaîne commerciale.

L’objectif affiché par le gouvernement consiste ainsi à ce que « (…) les distributeurs et les fournisseurs s’engagent sur un ensemble de bonnes pratiques permettant de fluidifier ces négociations commerciales et d’aboutir à des tarifs raisonnables, préservant à la fois l’équilibre économique des contractants, fournisseurs et distributeurs, et le pouvoir d’achat des consommateurs ».

Le Pacte indique que les engagements sont pris par « les distributeurs ou leurs représentants et les représentants de fournisseurs signataires, de produits de grande consommation ». Cela signifie donc que seuls les signataires de ce Pacte seraient tenus par ses engagements[1].

2) Contenu du Pacte
 

Le contenu du Pacte est triple. Il vise principalement la prise en compte de la hausse du coût de l’énergie dans la négociation commerciale (i), mais également l’absence d’application de pénalités logistiques aux fournisseurs PME jusqu’au 1er mars 2023 (ii) ainsi que la faveur d’un recours au médiateur en cas de difficulté (iii).

    1. Prise en compte de la hausse du coût de l’énergie dans la négociation commerciale

Principe général : si un fournisseur (i) apporte de bonne foi, les justifications concrètes et documentées sur la part de la hausse de tarif demandée liée à la hausse des coûts de l’énergie qu’il supporte directement déduction faite des aides d’État et (ii) à condition que ces informations aient été fournies au plus tard 4 semaines après le 1er décembre 2022, alors le distributeur s’engage à prendre en compte cette demande dans la négociation du prix.

Le Pacte précise que cette justification pourra être apportée en produisant l’attestation d’un tiers de confiance, ou en produisant les factures et contrats justifiant la demande, au choix du fournisseur.

Pour que ce principe soit applicable, il est indispensable que les fournisseurs communiquent ces informations et justifications à leurs clients distributeurs au plus tard le 28 décembre 2022. Il reste donc quelques jours aux fournisseurs pour procéder à ces démarches.

Précision pour les fournisseurs PME : le Pacte précise que si le fournisseur est une PME (indépendante et non filiale d’un grand groupe)[2] et s’il a transmis ces justifications concrètes et documentées de l'impact du coût de l'énergie sur le prix du produit, alors le distributeur s’engage à accepter la part correspondante de la hausse de tarif demandée.

En d’autres termes, pour les fournisseurs PME, le distributeur s’engage de manière ferme à accepter la part correspondante de la hausse de tarif demandée sans pouvoir la négocier, un peu à l’image du mécanisme de sanctuarisation du prix des matières premières agricoles qui a été introduit par la loi Egalim 2[3]. Cet engagement ne concerne en revanche pas les autres types de fournisseurs, notamment les fournisseurs de la catégorie des entreprises de taille intermédiaire (ETI – qui ont moins de 5 000 personnes et un chiffre d’affaires annuel n’excédant pas 1 500 millions d’euros ou un total de bilan n’excédant pas 2 000 millions d’euros) et les entreprises de plus grande taille, pour qui la répercussion des hausses du coût de l’énergie n’est donc pas garantie lors des négociations actuelles.

Par ailleurs, en ce qui concerne les produits agricoles et alimentaires, le Pacte rappelle que les parties concernées doivent, conformément à la loi, inclure dans leur convention une clause de révision automatique des prix[4] et une clause de renégociation des prix[5]. Le Pacte précise que ces clauses doivent être basées autant que possible sur des indicateurs publics. Les fournisseurs et distributeurs des secteurs alimentaires et agricoles sont normalement déjà familiers de ces clauses, issues de la loi Egalim 2, qui ont dû être mises en place dans les conventions annuelles lors des négociations commerciales 2022.

En ce qui concerne les produits non alimentaires / droguerie, parfumerie et hygiène (DPH), le Pacte indique que les fournisseurs s’engagent à faire de bonne foi, la pédagogie des demandes de hausses tarifaires et à apporter les éléments concrets d’explication de ces demandes de revalorisation de prix pour permettre leur prise en compte dans la négociation du prix par le distributeur. Une attention particulière sera apportée par les distributeurs aux demandes de revalorisation justifiée et documentée formulées par les fournisseurs PME.

Le Pacte invite les parties à mettre en œuvre rapidement l’accord, lorsqu’il a été conclu, sans attendre la fin de la période de négociations commerciales.

    1. Non-application de pénalités logistiques aux fournisseurs PME jusqu’au 1er mars 2023

En application du Pacte, les distributeurs s’engagent jusqu’au 1er mars 2023 à ne pas appliquer de pénalités logistiques aux fournisseurs PME lorsqu’ils auront notifié et justifié le problème logistique auquel ils sont confrontés, suffisamment en amont de la livraison.

Cet engagement est limité aux fournisseurs PME une fois encore. En outre, la typologie et la cause des problèmes logistiques prises en compte ne sont pas précisées, pas plus que le délai d’information au fournisseur (« suffisamment en amont ») ce qui va potentiellement conduire à des discussions entre fournisseurs PME et distributeurs à ce sujet, lesquels pourront en tout état de cause se référer au nouveau dispositif issu de la loi Egalim 2 et aux lignes directrices de la DGCCRF publiées en juillet dernier sur le sujet[6].

    1. Recours au médiateur en cas de désaccord entre les parties

Le Pacte inclut enfin un engagement des signataires à privilégier le recours au Médiateur des entreprises ou au Médiateur des relations commerciales agricoles en cas de désaccord sur les clauses de révision de prix ou de difficultés dans le cadre des négociations commerciales, notamment si un désaccord persiste en fin de période de négociation et en cas de litiges sur l’application des engagements pris dans le cadre du Pacte.

En ce qui concerne l’application du Pacte dans le temps, les engagements et principes qu’il inclut s’appliquent de façon transitoire pendant la période des négociations commerciales 2023.

En d’autres termes, le Pacte a uniquement vocation à régir les négociations commerciales actuelles, et ce jusqu’au 1er mars 2023, date butoir de ces négociations. La prise en compte des engagements et principes figurant dans le Pacte, après cette date, est incertaine et dépendra, bien sûr, des termes des contrats qui seront conclus pour l’année 2023 mais également, le cas échéant, de la pérennisation de tout ou partie de ces engagements et principes dans le cadre des discussions à venir sur les nouvelles propositions de loi déposées par plusieurs députés en vue de réformer plus avant ces sujets[7].

Après le Pacte, bientôt un Egalim 3 ?

[1] Côté fournisseurs, les signataires sont la FEEF et l’ADEPALE. Côté distributeurs, les signataires sont les enseignes Aldi, Auchan, Carrefour, Casino, Cora, Intermarché/Netto, Leclerc, Lidl et Système U. Le communiqué de presse du gouvernement relatif au Pacte précise également que « cet accord assure à toutes les PME qui négocieront avec les centrales d’achat des enseignes signataires (…) ».

[2] La notion de PME n’est pas définie par le Pacte. Il pourra être utile de se référer au décret n°2008-1354 du 18 décembre 2008 qui prévoit que « la catégorie des petites et moyennes entreprises (PME) est constituée des entreprises qui : ― d'une part occupent moins de 250 personnes ; ― d'autre part ont un chiffre d'affaires annuel n'excédant pas 50 millions d'euros ou un total de bilan n'excédant pas 43 millions d'euros ».

[3] Article L. 443-8 du code de commerce.

[4] Article L. 441-8 du code de commerce.

[5] Loi n° 2021-1357 du 18 octobre 2021.

[6] Articles L. 441-17 à L. 441-19 et L. 442-1, I, 3° du code de commerce et Lignes directrices de la DGCCRF en matière de pénalités logistiques publiées le 11 juillet 2022 sur le site internet de la DGCCRF sous la forme d’une FAQ.

[7] Proposition de Loi n°575 déposée le 29 novembre 2022 visant à sécuriser l’approvisionnement des Français en produits de grande consommation et Proposition de Loi n°479 déposée le 15 novembre 2022 visant à sécuriser l’approvisionnement des Français en produits de grande consommation et assurer l’avenir du fabriqué en France

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