Taxe sur les holdings patrimoniales : une nouvelle usine à gaz !
Article
Droit fiscal
| 27/10/25 | 10 min. |
Xavier Rohmer
Après de longs débats depuis février de cette année relatifs à la taxe « Zucman », le gouvernement prévoit dans le cadre du PLF 2026 la création d’une nouvelle taxe sur les actifs non affectés à une activité opérationnelle des holdings patrimoniales contrôlées par un nombre limité de personnes physiques. L’objectif ici est de taxer les revenus accumulés dans des « cash box » par des contribuables qui ne subissent ainsi aucun impôt en l’absence de distributions. Il ne s’agit donc pas de la taxe « Zucman » qui toucherait la population dite des « ultrariches », ni tout à fait d’une nouvelle forme d’impôt sur la fortune. Cette nouvelle taxe vient par ailleurs dans le prolongement de l’application pour la première fois de la contribution différentielle des hauts revenus (CDHR) au cours de cette année 2025. L’Assemblée nationale vient toutefois de rejeter l’amendement portant sur cette taxe tout en pérennisant la CDHR pour les années futures jusqu’au retour à un déficit inférieur à 3% du PIB. Les débats parlementaires étant toujours en cours, un nouveau vote portant sur cette taxe patrimoniale n’est pas exclu.
1. Rappel du dispositif
L’article 3 du projet de loi de finances pour 2026 (PLF 2026) institue donc une nouvelle taxe annuelle prévue à l’article 235 ter C du CGI applicable aux sociétés holdings patrimoniales détenant des actifs non opérationnels (placements financiers, biens immobiliers non affectés à une activité professionnelle, disponibilités, etc.) et contrôlées ou détenues par un nombre limité de personnes physiques.
2. Champ d’application (I et II du 235 ter C du CGI)
2.1. Sociétés concernées
La taxe viserait :
- Les sociétés résidentes en France soumises à l’impôt sur les sociétés (IS) ou y ayant opté pour cet impôt contrôlées ou détenues directement ou indirectement par une ou plusieurs personnes physiques ;
- Les sociétés non-résidentes soumise à un impôt équivalent dans leur État de siège contrôlées directement ou indirectement par une ou plusieurs personnes physiques domiciliées fiscalement en France.
2.2. Conditions cumulatives d’assujettissement
Seraient redevables de cette taxe les sociétés qui, à la clôture de l’exercice, remplit les conditions suivantes :
- La valeur vénale des actifs détenus par la société est supérieure ou égale à 5 M€ ;
- Elle est contrôlée ou détenue par une ou plusieurs personnes physiques (directement ou indirectement via le cercle familial ou en application d’un pacte d’associés (détention de droits de vote ou de droits financiers de la société ≥ à 33.33%, ou résultant de l’exercice en fait du pouvoir de décision). La condition serait présumée satisfaite en présence d’un trust ou de détention via une société domiciliée dans un Etat ou territoire non coopératif (ETNC) ;
Lorsque la holding est étrangère, la personne physique contrôlante serait celle qui a son domicile fiscal en France ;
- Ses revenus seraient passifs pour 50 % ou plus des produits d’exploitation et financiers (hors reprises de provisions et amortissements) et s’entendent des dividendes, intérêts, redevances, produits de droits d’’auteurs, loyers, et les produits de cession d’un bien générant de tels revenus à l’exclusion des produits provenant de la gestion centralisée de trésorerie dans le cadre d’une convention de gestion autorisée (article L.511-7 du CMF) ;
- La société n’est pas cotée, à l’exception de certains véhicules réglementés (OPCVM, SCR, SIIC, et équivalents étrangers, etc.).
3. Assiette (III du 235 ter C du CGI)
La taxe serait assise sur la valeur vénale des actifs non affectés à une activité opérationnelle (activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale), VISANT selon le texte du projet de loi :
- Les biens meubles et immobiliers non utilisés pour l’activité productive, sous réserve des dettes liées au financement d’actifs immobiliers imposables selon des règles similaires aux règles applicables en matière d’IFI :
- Prêts à échéances constantes : capital restant dû ;
- Prêts à terme : amortissement linéaire sur la durée du prêt ;
- Prêts sans terme : amortissement fictif au taux de 5 % par an.
- Les valeurs mobilières de placement, dépôts, créances intra-groupes et disponibilités (y compris celles transférées dans le cadre d’une convention de gestion autorisée pour la société qui les a mise à disposition) ; mais excepté :
- Les titres de participation répondant à la définition comptable et fiscale (article 219 I a quinquies du CGI) ;
- Les titres détenus avant le 1er janvier 2026 dans des PME européennes répondant aux critères du règlement UE n°651/2014 et remplissant d’autres conditions (activité opérationnelle à titre exclusif, ayant leur siège dans un Etat de l’UE ou EEE ayant signé avec la France une convention d’assistance administrative) ;
- Les actifs investis dans des FCPI ou FCPR dans les conditions prévues par l’article 163 quinquies B du CGI,
- La fraction non encore réemployée du montant total des produits constatées au titre des deux derniers exercices clos, résultant de la cession i) de biens ou droits affectés à une activité opérationnelle ou ii) de certains titres de participation ;
Le montant de ces valeurs mobilières de placement serait REDUIT d’une sorte de franchise égale au plus élevé des montants suivants : i) 15% de la valeur vénale des biens détenus à la clôture de l’exercice ou ii) deux fois le montant moyen du résultat comptable constaté au titre des trois derniers exercices clos ou iii) le montant de dettes à un an au plus détenues à la de clôture de l’exercice au titre duquel la taxe est due ou bien iv) la moyenne des montants des actifs immobilisés acquis au cours des trois derniers exercices et affectés à l’exercice de l’activité.
- Enfin, les participations dans des filiales passives non cotées contrôlées par la société holding patrimoniale remplissant les tests ci-dessus (≥ 5 M€ et ≥ 50% de revenus passifs) pour la fraction de la valeur des actifs taxables, à laquelle s’ajouteraient certaines créances intra groupe.
4. Taux et recouvrement (IV, V et VI du 235 ter C du CGI)
-
Taux unique de 2 %.
- Recouvrement selon les règles de l’impôt sur les sociétés (article 1668 CGI) lorsque le redevable est une société.
- Recouvrement selon les règles de l’impôt sur le revenu (article 1658 CGI) lorsque le redevable est une personne physique domicilié en France qui détient des sociétés assujettis à l’étranger.
L’application est prévue pour les exercices clos à compter du 31 décembre 2025 (et 31 décembre 2026 pour les personnes physiques) :
- Les sociétés holdings dont le siège social est en France devront ainsi joindre à leur déclaration de résultat une annexe indiquant le calcul de la taxe (non déductible de l’assiette de l’IS).
- Les personnes physiques détenant directement ou indirectement ces sociétés et résidentes fiscales hors de France. La taxe devra être déclarée par ces personnes physiques au cours de l’année suivant celle de la clôture de l’exercice au titre duquel la taxe est due.
5. Comparaison internationale
Le PLF 2026 mentionne différents pays ayant mis en place une taxe équivalente :
- Irlande : le régime des « Close companies » i.e., contrôlées par un maximum de 5 personnes physiques ou par leurs dirigeants prévoyant une surtaxe de 20% sur les revenus non distribués dans les 18 mois suivant le fin de l’exercice comptable.
- Luxembourg : taxation similaire d’abonnement applicable aux sociétés de gestion de patrimoine familial (SPF) mais dont le taux est de 0.25% (encadrée par une imposition plafond et plancher).
- États-Unis : régime des « Personal Holding Companies income » (PHC) mis en place en 1937 - surtaxe de 20 % sur les revenus passifs non distribués mais applicable dans le contexte d’une holding offshore.
L’analogie avec ces régimes n’est pas tout à fait comparable.
6. Censure possible par le Conseil constitutionnel ?
Il est fort possible que cette taxe fasse l’objet d’une censure par le Conseil Constitutionnel au motif que le texte serait contraire au principe d’égalité devant les charges publiques (article 13 de la DDHC interdisant l’imposition des revenus non réalisés (Décision n°2013-685 DC du 29 décembre 2013 portant sur le plafonnement en matière d’ISF). A noter que le texte prévoit un contournement en prévoyant que le redevable est la société et non les personnes physiques détentrices des titres comme si elle avait reçu des revenus réputés distribués. Toutefois, s’agissant des holdings dont le siège est à l’étranger, le redevable resterait ici la personne physique résidente fiscale de France.
Le taux de 2% est de même particulièrement prohibitif voire confiscatoire surtout si on prend en compte le fait que l’IS ne serait pas déductible de l’assiette de cette taxe. Cela suppose que la holding dégage une rentabilité telle qu’elle puisse non seulement payer un IS à 25% mais en plus une taxe de 2% sur la valeur de ses actifs indépendamment de sa rentabilité.
Le projet de loi prévoit toutefois que les actifs immobiliers déjà imposés à cette taxe seraient exonérés d’IFI par l’article 975 VII.
Notons qu’il n’est par ailleurs pas pris en compte le fait que la société holding ait ou non distribué des dividendes pour s’exonérer de l’application de cette taxe de 2%. Les actionnaires de cette holding subiraient donc potentiellement « la double peine », la taxe de 2% serait ainsi due et s’appliqueraient, en sus, la « flat tax » à leurs distributions ainsi que la CEHR et la CDHR !