Présenté en Conseil des Ministres le 28 septembre 2012, le projet de loi de finances pour 2013 dévoile un budget d’une rigueur inédite, ayant pour objectif premier d’atteindre l’équilibre des comptes publics. La stratégie fiscale du Gouvernement est fondée essentiellement sur un objectif de justice sociale. Nous résumons ci-après les grands traits de la réforme annoncée.
1. IMPOSITION DES PERSONNES PHYSIQUES
En matière d’impôt sur le revenu (IR), la progressivité est établie d’une manière globale afin, comme cela était annoncé depuis mai 2012, d’égaliser le traitement des revenus du capital et du travail :
- Par la création d’une tranche supplémentaire au barème progressif de l’IR à 45% au-delà de 150 000 € par part de quotient familial applicable aux revenus perçus en 2012 ;
- Par la baisse du plafond du quotient familial à 2 000 € au lieu de 2 336€ pour chaque
demi-part additionnelle accordée pour charges de famille ;
- Par un encadrement strict des niches fiscales avec la réduction du plafonnement global de 18 000 euros à 10 000 euros à compter des revenus de l’année 2013, la part proportionnelle de 4 % étant supprimée. L’ancien plafond (18 000€ plus 4% du revenu imposable du contribuable) continuerait toutefois à s’appliquer aux investissements réalisés en outre-mer. De même, les investissements Malraux et Sofica ainsi que les dons aux œuvres d’intérêt général seraient hors plafond global ;
- Par l’application du barème progressif de l’IR aux revenus de capital (intérêts, dividendes). L’abattement de 40 % applicable sur le montant des dividendes serait maintenu mais l’abattement fixe de 1 525 € (célibataires) ou 3 050 € (couples) serait supprimé. A compter de 2013, serait instauré un acompte, prélevé à la source, imputable sur l’IR dû au titre de l’année de perception des revenus, au taux de 21 % sur les dividendes et 24 % sur les intérêts. Les ménages dont le revenu fiscal de référence serait inférieur à 50 000 € pourraient se dispenser du paiement de cet acompte. En revanche, les prélèvements forfaitaires appliqués en matière de contrat d’assurance resteraient inchangés. Le taux de déductibilité partielle de la CSG serait maintenu mais diminué de 5.8% à 5.1% ;
- Par la création d’une contribution exceptionnelle égale à 18% applicable aux très hauts revenus (TS, BNC, BIC, BA, gains de « carried interest », gains de stock-options, rémunérations de gérants et associés) excédant 1m€ en 2012 et 2013. Au total, compte tenu de la nouvelle tranche de 45%, de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus de 4%, de la CSG-CRDS de 8%, le montant de la « ponction » fiscale serait de 75% ;
- Par l’application du barème progressif de l’IR aux plus-values de cession de valeurs mobilières et droits sociaux, soit donc un taux marginal de 60.50% (i.e. IR 45% et PS de 15.5%) avec l’instauration (i) d’un système de quotient variable en fonction de la durée de détention des titres cédés permettant de tenir compte du caractère pluriannuel de la plus-value pour les trois premières années d’application du barème progressif de l’IR et d’un (ii) abattement proportionnel et progressif fonction de la durée de détention des titres : 5 % pour une durée de détention de 2 à moins de 4 ans, 10 % pour une durée de 4 ans à moins de 7 ans, abattement qui serait augmenté de 5 points par année de détention supplémentaire au-delà de la 6ème année, pour atteindre 40 % à l’issue de la 12ème année. Toutefois, cet abattement ne serait décompté qu’à partir du 1er janvier 2013, soit potentiellement 40% d’abattement au maximum. Fort heureusement, le dispositif d’abattement pour durée de détention prévu en faveur des dirigeants de PME qui cèdent les titres de leurs sociétés en vue de leur départ à la retraite est maintenu et prorogé jusqu’au 31 décembre 2017 ;
- Il convient d’ajouter que les dividendes distribués, non seulement par les sociétés d’exercice libéral, mais aussi désormais par les sociétés soumises à l’IS et dirigées par un travailleur indépendant, dépassant 10% des capitaux propres, seront soumis à cotisations sociales selon le projet de loi de financement de la sécurité sociale ;
- Par l’application aux revenus de parts de « carried interest », pour la totalité des distributions et des gains, des règles de traitements et salaires (et non plus celles applicables aux plus-values), à ceci s’ajouteraient la CSG-CRDS au taux de 8% et le forfait social de 20% à la charge de l’employeur. Le taux de 19% serait, en revanche, maintenu pour les gains de cession de titres résultant de l’exercice de BSPCE ;
- Par l’application du barème progressif de l’IR aux gains de levée d’options sur actions et attributions d’actions gratuites ;
- Par la suppression du taux de 19% de l’exit tax et l’application subséquente du barème progressif de l’IR aux plus-values pour les départs à compter du 28 septembre 2012 ;
- Par l’augmentation, pour les non-résidents taxables en France, du taux forfaitaire d’imposition de 19% à 45% pour les plus-values de cession de participations substantielles.
A noter que les dispositions relatives à l’application du barème progressif d’imposition aux plus-values entreraient en vigueur pour les cessions à compter du 1er janvier 2012 à l’exception des mesures relatives à l’exit tax ci-dessus.
En matière d’ISF, les réformes annoncées initialement sont maintenues comme suit :
- Retour à l’ancien barème de l’ISF au taux marginal de 1.5% (au-delà de 10m€) avec un seuil de déclenchement de l’imposition inchangé de 1 310 000 € mais imposable dès 800 000 € ;
- L’ISF serait toutefois plafonné lorsque le total des impôts et des prélèvements sociaux du contribuable dépassent 75% de ses revenus ;
- Toutefois, cette notion de « revenus » sera très large puisqu’elle comprendra, notamment, les intérêts des PEL, la variation annuelle de valeur des contrats d’assurance-vie, les produits capitalisés des trusts, la quote-part des bénéfices mis en réserve des sociétés patrimoniales détenues à plus de 25% par le groupe familial, ainsi que les plus-values en sursis ou en report.
En matière immobilière, on notera les points suivants :
- Les biens immobiliers, autres que les terrains à bâtir, feront toujours l’objet d’une taxation au taux forfaitaire de 19% (plus les prélèvements sociaux) sous réserve d’un abattement pour durée de détention. Les cessions réalisées en 2013 feront toutefois l’objet d’un abattement exceptionnel additionnel de 20% en matière d’IR seulement ;
- Les plus-values relatives aux terrains à bâtir resteront encore imposées au taux forfaitaire ci-dessus pendant les deux prochaines années, mais sans abattement à compter du 1er janvier 2013. A compter du 1er janvier 2015, ces plus-values seront soumises au barème progressif de l’IR ;
- Le renforcement de la taxe sur les logements vacants qui sera de 12,5% la 1ère année puis de 25% à compter de la 2ème année ;
- La mise en place d’une réduction d’IR de 18% (étalée sur neuf ans, calculée sur une base plafonnée à 300 000 €, soit un montant de réduction maximale de 6 000€) en faveur des foyers fiscaux qui acquièrent ou font construire du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2016 des logements neufs ou assimilés, loués en location nue à usage d’habitation principale pendant au moins neuf ans, à des niveaux de loyer inférieurs au marché ;
- Enfin, les plus-values relatives à la résidence principale restent fort heureusement toujours exonérées.
2. IMPOSITION DES ENTREPRISES
On notera, en particulier, les points suivants:
- L’instauration d’un plafonnement général de 85% pour 2012 et 2013 puis 75% pour 2014 (avec un seuil de 3m€) applicable aux charges financières nettes que les entreprises peuvent déduire de leur base soumise à l’IS. Pour les groupes intégrés, cette mesure de plafonnement s’appliquera dans les mêmes conditions mais aux seules charges nettes résultant d’opérations avec des sociétés hors du groupe. Cette mesure s’appliquera, par ailleurs, après prise en compte des autres dispositions complexes de sous-capitalisation limitant la déduction des charges financières ;
- La quote-part de 10% pour frais et charges (« niche Copé ») sera calculée sur une assiette correspondant au produit de cession brut (et non plus net) de titres de participation détenus pendant au moins deux années ;
- Le durcissement des règles d’imputation des déficits en avant avec un plafond inchangé d’1m€ majoré d’un montant désormais abaissé à 50% du bénéfice imposable au lieu de 60% actuellement ;
- La modification des règles de calcul du dernier acompte d’IS pour les grandes entreprises dont le chiffre d’affaires est d’au moins 250m€ au lieu de 500m€ actuellement (mesure applicable aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2013) ;
- L’instauration d’une contribution exceptionnelle de 7% sur les sommes placées sur la réserve de capitalisation des sociétés d’assurance.
Parmi ces mesures, la plus critique est probablement celle concernant la taxation des cessions de titres de PME à un taux de 60.50% (voire 64.5% si on ajoute la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus de l’ancien gouvernement) avec, à nouveau, un effet rétroactif au 1er janvier 2012. On espérait que cette dernière « pratique » cesserait enfin !
Le système du quotient est une maigre consolation et l’impact de l’abattement ne commencerait à s’appliquer qu’à compter du 1er janvier 2015. Le gouvernement s’orienterait, suite à la fronde récente des chefs d’entreprise, vers une refonte de ce texte….
A suivre donc…,