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Départ de France : cédez votre habitation principale avant de partir !

Article Private Equity Gestion patrimoniale Droit fiscal | 23/04/14 | 7 min. | Xavier Rohmer

Les récentes réformes apportées en matière de plus-values immobilières suscitent de nouvelles interrogations notamment en ce qui concerne le bénéfice de l’exonération de la plus-value de cession résultant de la cession de l’habitation principale. L’objectif de cette note est de vous alerter des dernières évolutions et dérives pouvant exclure des contribuables envisageant de transférer leur résidence à l’étranger du champ de cette exonération.

Rappel du régime d’imposition des plus-values immobilières

Les plus-values réalisées par les particuliers, domiciliés en France, à l’occasion de la cession de biens immobiliers sont soumises à l’IR au taux de 19 % ainsi qu’aux prélèvements sociaux au taux de 15,5 % (soit une imposition globale de 34,5 %).

De même, les plus-values immobilières réalisées par des contribuables domiciliés hors de France (mais dans l’Union européenne) supportent un prélèvement spécifique de 19 % libératoire de l’impôt en vertu de l’article 244 bis A du Code général des impôts (ci-après « CGI »). Les contribuables domiciliés dans des Etats tiers subissent un prélèvement de 33,33 % (porté à 75 % lorsque le cédant est domicilié dans un Etat ou Territoire Non Coopératif). Depuis la loi de finances rectificative du 16 août 2012, les non-résidents sont également assujettis aux prélèvements sociaux au taux de 15,5 % lorsqu’ils perçoivent des plus-values immobilières de source française.

La troisième loi de finances rectificative pour 2012 a par ailleurs instauré une nouvelle taxe, codifiée sous l’article 1609 nonies du CGI, sur les plus-values immobilières d’un montant supérieur à 50.000 €, qui s’applique aussi bien aux résidents qu’aux non-résidents et dont le taux varie entre 2 à 6 % selon le montant de la plus-value.

Toutefois, il convient de noter que la jurisprudence a récemment invalidé le taux spécifique de 33,33 % pour les contribuables résidant dans des Etats tiers, notamment dans le cas de personnes physiques, résidentes de Suisse, qui cédaient un bien immobilier français, en s’appuyant sur l’article 15.4 de la convention fiscale entre la France et la Suisse (TA Paris 20 mai 2010 n°07-11610, Aaron; CAA Versailles du 21 juillet 2011 n°10VE04101 Wolf von Guggenberger, CE 20 novembre 2013 n° 361167 min. c/M. Aaron).

Par ailleurs, il semblerait que l’article 29 de la loi de finances rectificative du 16 août 2012 assujettissant aux prélèvements sociaux les non-résidents percevant des revenus immobiliers français pourrait être remis en cause. La Commission européenne a en effet engagé une procédure d’infraction contre la France devant la Cour de justice de l’Union Européenne (ci-après « CJUE ») à ce sujet (procédure EU Pilot n° 2013-4168). En outre,  le Conseil d’État a saisi la CJUE d’une question préjudicielle le 28 novembre 2013 dans le cadre d’un litige opposant l’administration fiscale à un Français établis hors de France (Aff. C-623-13).

Exonération au titre de la résidence principale

L’article 150 U II-1° du CGI prévoit une exonération en ce qui concerne la résidence principale du cédant. La plus-value réalisée lors de la cession de la résidence habituelle et effective du propriétaire est intégralement exonérée d’IR et de prélèvements sociaux. De même, cette plus-value est exonérée de la nouvelle taxe sur les plus-values élevées (cf. supra).

En revanche, les immeubles donnés en location et les immeubles occupés gratuitement par des membres de la famille du propriétaire ou des tiers ne peuvent bénéficier de cette exonération, dès lors que l’immeuble considéré doit constituer la résidence principale du propriétaire au jour de la cession. Par ailleurs, l’administration fiscale précise que les contribuables fiscalement domiciliés hors de France ne peuvent pas prétendre à cette exonération (BOI-RFPI-PVINR-10-20 n° 200).

> En cas de logements vacants

Néanmoins, l’administration fiscale prévoit une tolérance en ce qui concerne les immeubles vacants au moment de la vente. En effet, elle précise que l’immeuble vacant au moment de la vente mais qui a été occupé comme résidence principale jusqu’à sa mise en vente ouvre droit à l’exonération si la cession intervient dans les délais normaux de vente. Les délais normaux de vente s’apprécient alors en fonction des diligences accomplies par le cédant pour vendre au plus vite compte tenu des motifs de la cession, des caractéristiques de l’immeuble et du contexte économique et réglementaire local. L’administration fiscale considère qu’un délai d’un an constitue, dans tous les cas, un délai normal de vente (BOI-RFPI-PVI-10-40-10 n°190).

Cette tolérance a été confirmée par la jurisprudence dans un arrêt du Conseil d’Etat infirmant la Cour Administrative d’Appel qui avait refusé le bénéfice de l’exonération au titre de la résidence principale au motif que l’immeuble était resté inoccupé 29 mois avant d’être vendu. La Haute juridiction précise que la Cour Administrative d’Appel aurait dû rechercher si le délai pendant lequel cet immeuble était demeuré inoccupé pouvait être regardé comme normal, compte tenu notamment de la procédure de modification du POS alors en cours, engagée par la commune et rendant les transactions incertaines dans ce secteur (CE 6 octobre 2010 n° 308051, Griveaux).

> Contribuables ayant quitté la France au moment de la vente

Depuis la réforme des la plus-values de cession de l’habitation en France des non-résidents applicable aux cessions intervenues à compter du 1er janvier 2014, nous assistons à un durcissement de la position de l’administration fiscale en ce qui concerne notamment l’ancienne habitation principale des non-résidents.

Initialement, l’article 150 U, II-2° du CGI prévoyait une exonération intégrale de la plus-value immobilière résultant de la cession de l’habitation en France des personnes physiques, non résidentes, ressortissantes d’un Etat membre de l’Union européenne ou d’un autre Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen (EEE). Cette exonération ne s’appliquait qu’une seule fois à compter du 1er janvier 2006, (c’est-à-dire dans la limite d’une résidence par contribuable cédée depuis le 1er janvier 2006), et à la condition pour le cédant, (i) d’avoir été fiscalement domicilié en France de manière continue pendant au moins deux ans à un moment quelconque avant la cession et (ii) d’avoir la libre disposition du bien depuis le 1er janvier de l’année précédant celle de la cession.

La loi de finances pour 2014 a modifié le champ et les modalités d’application de cette exonération, pour les cessions réalisées à compter du 1er janvier 2014, en dérogeant, d’une part, à la condition de libre disposition du bien lorsque la cession est réalisée au plus tard le 31 décembre de la cinquième année suivant celle du transfert du domicile fiscal hors de France et en introduisant, d’autre part, une exonération plafonnée à 150.000 € de la plus-value nette imposable.

Eu égard à ce durcissement, il est à craindre que l’administration fiscale refuse le bénéfice de l’exonération totale de l’habitation principale prévue par l’article 150 U, II-1° du CGI au contribuable ayant quitté la France au moment de la vente de l’immeuble, et cela même si cet immeuble a été occupé comme résidence principale jusqu’à sa mise en vente intervenue dans des délais normaux conformément à la tolérance susvisée, au motif que cette exonération est exclusivement réservée aux résidents fiscaux français. La personne concernée ayant quitté la France, elle ne peut plus bénéficier du régime d’exonération de la résidence principale. Elle est devenue non résidente et entre donc dans une catégorie différente.

Cette position est contestable dans la mesure où, d’une part, ceci créerait une restriction à la liberté de circulation des personnes, difficilement justifiable devant la juridiction communautaire en ce qui concerne les transferts de résidence fiscale au sein de l'Union Européenne et de l'Espace Économique Européen. D’autre part, dans le cadre de départs dans des États -tiers, si le contribuable justifie qu'il a mis en vente sa résidence principale avant son départ de France, il devrait pouvoir bénéficier de la jurisprudence relative aux délais normaux de vente dont bénéficient les résidents français.

Il résulte de ce qui précède, qu’eEn l’état actuel de la doctrine administrative, le contribuable qui envisage de transférer sa résidence fiscale à l’étranger, devrait donc plutôt privilégier une vente effective de sa résidence principale avant son départ de France en vue d’éviter toute contestation de l’administration fiscale relative au bénéfice de l’exonération totale de la plus-value immobilière.

 

 
Xavier Rohmer, Associé
 
 
 
 
 
 
 
 
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