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Nouveau durcissement des relations entre la France et la Suisse en matière fiscale

Article Private Equity Gestion patrimoniale Droit fiscal | 22/01/13 | 4 min. | Xavier Rohmer Emilie Lecomte

Le Bulletin officiel des Finances Publiques (BOFIP) en date du 26 décembre 2012 a rapporté la tolérance administrative prévue par l’instruction fiscale du 10 décembre 1972, laquelle permettait à une personne imposée au forfait fiscal en Suisse de bénéficier des dispositions de la convention fiscale franco-suisse et d’être considérée comme un résident fiscal suisse. Les personnes physiques soumises au forfait fiscal suisse ne pourront donc plus être considérées comme des résidents fiscaux suisses au sens de la présente convention fiscale.

L’article 4.6 de la convention fiscale franco-suisse du 9 septembre 1966 en matière d’impôt sur le revenu prévoit que « n’est pas considérée comme résident d’un Etat contractant au sens du présent article : […] b) une personne physique qui n’est imposable dans cet Etat que sur une base forfaitaire déterminée d’après la valeur locative de la ou des résidences qu’elle possède sur le territoire de cet État ».

L’administration fiscale fait donc maintenant une application littérale des dispositions de la convention fiscale franco-suisse en matière d’impôt sur le revenu.

A compter du 1er janvier 2013, l’administration fiscale française est donc susceptible de remettre en cause la qualité de résident fiscal suisse des personnes soumises au forfait fiscal sur le fondement des critères de résidence de droit interne français (article 4 B du CGI), et en particulier au regard du

« centre de leurs intérêts économiques » ou de « l’exercice de leur activité professionnelle » s’ils se trouvent en France.

Cela pourrait avoir pour conséquence de créer des situations de double imposition entre la France et la Suisse dans la mesure où les personnes installées en Suisse continueront à être considérées comme des résidents fiscaux suisses par les autorités fiscales suisses.

La renonciation au forfait fiscal pour une imposition en Suisse sur les revenus réels, pourrait être une alternative. Toutefois, il conviendrait de mesurer l’impact fiscal d’une telle option au cas par cas.

Une autre conséquence résulte du fait que les résidents suisses, et plus particulièrement ceux de nationalité française, disposant directement ou indirectement d’une résidence en France y seront soumise  à l’IR à hauteur de trois fois la valeur locative (art. 164 C, CGI).

Ce durcissement de la fiscalité applicable aux personnes installées en Suisse s’inscrit dans le cadre d’un premier bras de fer juridique entre les gouvernements français et suisse qui s’est déjà traduit par la renégociation de la convention fiscale franco-suisse en matière de succession en date du 31 décembre 1953 concernant l’imposition sur les successions reçues par les héritiers domiciliés en France de résidents suisses.

En effet, cette convention franco-suisse attribuait jusqu’à présent le droit d’imposer la succession à l’État du lieu de résidence du défunt, au jour de son décès. Les seules exceptions à cette règle étaient les biens immobiliers détenus directement (taxés par l’État de situation de ces biens), de même que les meubles meublants, bijoux ou espèces. Initiée à la demande de la France, la renégociation de l’été dernier a abouti à un projet de convention qui est jugé inacceptable par la Suisse, en ce qu’il prévoit notamment :

- l’imposition en France de l’intégralité des biens français ou étrangers reçus par les héritiers résidents fiscaux français d’un défunt résident suisse dès lors que les héritiers ont résidé en France au moins six ans au cours des dix dernières années précédant le décès (article 11) ;

- l’extension de l’imposition en France des successions portant sur des biens immobiliers, en l’élargissant en particulier aux biens situés en France et détenus via des sociétés à prépondérance immobilière (article 5) ;

- l’extension de la définition du domicile fiscal du défunt, critère essentiel pour déterminer la territorialité de l’imposition, à l’État dans lequel le défunt a eu ses liens économiques les plus étroits (en pratique, des investissements en France) (article 4), alors que le critère de connexité antérieur ne faisait référence qu’aux « liens personnels ».

Si ce projet de convention renégocié devait s’appliquer en l’état, la Suisse perdrait encore un attrait essentiel pour les expatriés ayant choisi de s’y établir en vue d’optimiser leur succession.

Alors que le texte devait s’appliquer aux successions ouvertes à compter du 1er janvier 2014, le processus de ratification semble au point mort côté suisse et la rencontre de la Présidente de la Confédération avec le Président Hollande en décembre dernier ne semble pas avoir débloqué la situation comme cela était attendu. La menace d’une dénonciation de la convention sur les successions avec la Suisse s’avère réelle, la France ayant mis fin à ses relations conventionnelles avec le Danemark en 2009.

Ces changements risquent globalement de déclencher à nouveau des comportements « radicaux » pour notre économie, les résidents de Suisse concernés poussant leurs héritiers à quitter la France et à vendre leurs biens d’habitation.

 

 

Xavier Rohmer - Avocat associé
Emilie Lecomte - Avocat
Julien Msika - Avocat
 

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