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Budget 2014 : Le Conseil Constitutionnel censure des mesures phares

Article Private Equity Gestion patrimoniale Droit fiscal | 10/01/14 | 8 min. | Xavier Rohmer

Aux termes de deux décisions du 29 décembre 2013 (DC n°2013-684 et DC n°2013-685), le Conseil Constitutionnel a invalidé un certain nombre de mesures votées dans le cadre de la Loi de Finances pour 2014 et de la Loi de Finances rectificative pour 2013, dont certaines constituaient des mesures phares du budget 2014 annoncé par le Gouvernement. Nous commentons, ci-après, les dispositions de ces lois les plus emblématiques sanctionnées par le Conseil Constitutionnel.

1) Loi de Finances pour 2014 : principales mesures invalidées par le Conseil Constitutionnel

 

Plafonnement de l’ISF (article 13)

L’article 13 de la loi de finances pour 2014 proposait d’introduire dans le dénominateur utilisé pour le calcul du plafonnement de l’ISF, les revenus des bons ou contrats de capitalisation et des placements de même nature, notamment des contrats d’assurance-vie. Estimant que ces dispositions méconnaissent l’exigence de prise en compte des facultés contributives, les députés et les sénateurs ont saisi le Conseil Constitutionnel, au motif que l’article 13 introduit dans le calcul du plafonnement des revenus « réputés réalisés », mais dont les bénéficiaires ne disposent pas librement (il s’agit ici essentiellement des revenus de contrats d’assurance-vie en euros, dont les intérêts ont vocation à être capitalisés jusqu’au dénouement du contrat). Le Conseil Constitutionnel avait déjà censuré, dans sa décision du 29 décembre 2012 (n°2012-662 DC), les dispositions introduites dans la loi de finances pour 2013 qui incluaient la prise en compte de « revenus latents » au motif que cette mesure méconnaissait l’exigence de prise en compte des facultés contributives. Par suite, l’article 13 est déclaré contraire à la Constitution dès lors qu’en prévoyant d’intégrer des sommes qui ne correspondent pas à des bénéfices ou des revenus que le contribuable a réalisés ou dont il a disposé au cours de la même année, le législateur a méconnu l’autorité de la décision susvisée.

 

Régime d’imposition des plus-values immobilières sur les cessions de terrains à bâtir (article 27)

L’article 27 de la loi de finances pour 2014 légalise le dispositif introduit depuis le 1er septembre 2013, par voie d’instruction administrative, concernant l’imposition des plus-values immobilières réalisées par les particuliers i.e. l’aménagement de l’abattement pour durée de détention, permettant une exonération des plus-values immobilières au bout de 22 ans (au lieu de 30 ans) et l’instauration d’un abattement temporaire de 25% au titre des cessions de biens immobiliers intervenant entre le 1er septembre 2013 et le 31 août 2014. L’article 27 de la Loi de Finances pour 2014 supprimait toutefois l’application de tout abattement pour durée de détention, et donc de toute possibilité d’exonération, en cas de cession de terrains à bâtir définis à l’article 257 I- 2.1° du CGI, tant au titre de l’impôt sur le revenu que des prélèvements sociaux sur les produits de placement. Dans sa décision du 29 décembre, le Conseil Constitutionnel écarte le grief lié à la méconnaissance du principe d’égalité devant la loi mais invalide cette mesure en soulignant que la détermination des plus-values de cession de terrains à bâtir, quel que soit le délai écoulé depuis la date d’acquisition et sans prise en compte de l’érosion de la valeur de la monnaie ni d’abattement pour durée de détention, conduit à déterminer l’assiette de l’impôt dans des conditions qui méconnaissent l’exigence de prise en compte des facultés contributives des contribuables. Cette censure a donc pour effet de maintenir, pour les plus-values de cession de terrains à bâtir, le régime actuel d’abattement, identique pour l’impôt sur le revenu et pour les prélèvements sociaux.

 

Déclaration des schémas d’optimisation fiscale (article 96)

L’article 96 instituait une obligation de déclaration à l’administration des « schémas d’optimisation fiscale » par toute personne les commercialisant, les élaborant ou les mettant en œuvre. Le Conseil Constitutionnel a déclaré l’article 96 contraire à la Constitution, dès lors qu’en retenant une définition trop générale et imprécise de la notion de « schéma d’optimisation fiscale », ce dispositif apportait des restrictions à la liberté d’entreprendre, et, en particulier, aux conditions d’exercice de l’activité de conseil juridique et fiscal, compte tenu, en outre, de la gravité des sanctions encourues.

 

Amendes fiscales proportionnelles au chiffre d’affaires (articles 97 et 99)

L’article 97 de la loi de finances pour 2014 modifiait la pénalité applicable en cas de manquement à l’obligation documentaire en matière de prix de transfert (article 1735 ter du CGI), ladite pénalité s’élevant désormais à 0.5% du chiffre d’affaires de l’entreprise au lieu d’une amende minimum de 10.000 euros par année vérifiée, amende pouvant atteindre 5% des redressements effectués. Le Conseil Constitutionnel invalide cette mesure au motif que le législateur a retenu un critère de calcul de la peine encourue ne présentant pas de lien avec les infractions réprimées et qui revêt un caractère manifestement hors de proportion avec leur gravité.

 

L’article 99 de la loi de finances pour 2014 crée, pour les grandes entreprises faisant l’objet d’une vérification de comptabilité, une obligation de présentation de leur comptabilité analytique et, le cas échéant, de leur comptabilité consolidée et introduit un nouvel article 1729 E au CGI afin de permettre l’application de la sanction prévue à l’article 1729 D réprimant le défaut de présentation de comptabilité. La sanction prévue à l’article 1729 D est une amende égale à 5 pour mille du chiffre d’affaires déclaré par exercice vérifié en l’absence de rectification ou égale à 5 pour mille du chiffre d’affaires rehaussé pour chaque exercice vérifié en cas de rectification, avec un plancher égal à 1.500 euros pour chacun des deux montants. Saisi de la constitutionnalité du nouvel article 1729 E du CGI qui vient compléter l’article 1729 D introduit par la loi de finances rectificative pour 2012, le Conseil Constitutionnel a considéré qu’il convenait de contrôler l’article 1729 D et a déclaré les dispositions du 1° et du 2° de l’article 1729 D du CGI contraires à la Constitution en retenant que le critère de calcul en proportion du chiffre d’affaires ou du montant des recettes brutes déclaré était sans lien avec les infractions réprimées et revêtait un caractère manifestement hors de proportion avec leur gravité. Le nouvel article 1729 E réprimant le déficit de présentation de comptabilité en cas de vérification de comptabilité ne renvoyant plus qu’à la seule sanction de 1500 euros (3° de l’article 1729 D), l’article 99 a été déclaré conforme à la Constitution.

 

Modification de la définition de l’abus de droit (article 100)

L’article 100 modifiait la définition de l’abus de droit en substituant au motif « exclusivement » fiscal le motif « principalement » fiscal. Ainsi, devaient être constitutifs d’un abus de droit les actes ayant un caractère fictif ou ayant pour motif principal d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales. Saisi par les députés et les sénateurs, au motif notamment que les dispositions de l’article 100 méconnaissaient la liberté du contribuable de choisir, pour une opération donnée, la voie fiscale la moins onéreuse et que l’article 100 porterait en outre atteinte aux exigences résultant du principe de légalité des délits et des peines et aux principes de sécurité juridique, d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi, le Conseil Constitutionnel a déclaré cet article contraire à la Constitution.

 

Contrôle des prix de transfert dans les opérations de business restructuring (article 106)

L’article 106 de la loi de finances pour 2014 prévoyait la répression du transfert abusif par une entreprise vers une autre, de fonctions ou de risques si l’évolution du résultat d’exploitation de l’entreprise n’était pas cohérente avec ce transfert. Les députés et les sénateurs requérants ont formulé une double critique contre ces dispositions, la première étant relative au fait que les notions de « fonctions » ou de « risques » étaient insuffisamment précises, la seconde dénonçant l’application de ces dispositions avec un effet rétroactif « aux exercices clos à compter du 31 décembre 2013 » ce qui impliquerait une modification des dispositions contractuelles en vertu desquelles les réorganisations déjà passées sont intervenues. Le Conseil Constitutionnel a déclaré l’article 106 contraire à la Constitution sur la base du premier grief, en relevant que par l’imprécision des termes employés, le législateur avait méconnu l’étendue de sa compétence de même que l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi.

 

2) Loi de Finances rectificative pour 2013 : principales mesures invalidées par le Conseil Constitutionnel

 

Réforme du mode de calcul de la réserve spéciale de la participation (article 39)

L’article 39 de la loi de finances rectificative pour 2013 visait à modifier les modalités de calcul de la participation des salariés prévues par l’article L. 3324-1 du Code du travail, en prévoyant que le montant de l’impôt sur les sociétés à déduire du bénéfice net utilisé pour la formule de calcul de la réserve spéciale de participation serait « diminué du montant des crédits d’impôts, imputés ou restitués, et des réductions d’impôt imputées afférents aux revenus inclus dans le bénéfice imposable au taux de droit commun ». Le Conseil Constitutionnel a déclaré l’article 39 contraire à la Constitution au regard du seul fait qu’il ne relevait pas du domaine que la loi organique réserve aux lois de finances.

 

Régime d’imposition des profits réalisés par les personnes physiques sur les instruments financiers à terme lorsque le compte est localisé dans un ETNC (article 43)

L’article 43 de la loi de finances rectificative pour 2013 instaurait un taux d’imposition de 75% applicable aux profits réalisés sur des instruments financiers à terme lorsque le teneur de compte était établi dans un Etat ou Territoire Non Coopératif (ETNC). Les opérations concernées étaient celles réalisées sur des contrats financiers mentionnés à l’article L.211-1 III du Code monétaire et financier (contrats d’option, accords de taux futurs, contrats à terme relatifs à des devises etc.). Le Conseil Constitutionnel a censuré cette mesure en relevant que le taux de 75%, ajouté aux prélèvements sociaux applicables au taux de 15.5%, a pour effet de porter la taxation des revenus concernés à un taux moyen de 90.5%, ce qui constitue une charge excessive au regard de la capacité contributive des contribuables et qui est contraire au principe d’égalité devant les charges publiques.

 

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En censurant ces dispositions, le Conseil Constitutionnel, gardien du temple, rétablit avec bon sens un équilibre perdu au détriment de nos libertés publiques.

 

 

Xavier Rohmer, Associé

Hélène Delurier, Counsel

 

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